Source laboiteverte.fr

Un détail sur cette image :

Dans le ciel, un Ovni… ou bien est-ce un phénomène météorologique… ou encore une nouvelle invention de l’armée américaine… ou peut-être aussi un ballon sonde ? Non, ce n’est pas un ballon et encore moins un nuage bizarre, cela avance dans le ciel à grande vitesse. Oui, probablement un engin dont on se demande s’il est d’origine extra-terrestre, une forme oblongue et blanche suivie d’un long nuage grisâtre qui pourrait montrer que l’engin est en feu, à moins que ce ne soit une simple technique de camouflage. La forme, c’est bien celle d’une soucoupe volante, il y a encore quelques secondes elle avançait dans le ciel à une vitesse folle, plus vite qu’un avion supersonique, mais la voilà qui maintenant ralentit et s’approche du sol, comme pour s’y poser en douceur. Que va-t-il se passer ?

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Un détail sur cette image :

Là, sur la droite, la vieille machine à écrire. Elle date au moins des années 30, une Remington de 1932 exactement. Elle doit bien peser ses douze kilos. Oui, une qwerty “portable” noire qui vaut maintenant une fortune, au moins autant que votre fidèle laptop. Pourtant, il faut le dire, elle n’a pas deux sous de mémoire et ne sait pas justifier les textes.

Un petit problème : le bras qui porte le point d’exclamation a souvent du mal à se rétracter, il vient rebondir sur le bras portant le $, entraînant ainsi la frappe d’un second point d’exclamation. C’est vrai que cela donne un “caractère” particulier – je veux dire un style – à tous les textes qui sortent de derrière le rouleau supérieur, mais hormis cette fantaisie la frappe est toujours parfaite à condition, bien sûr, de changer régulièrement le ruban encreur bicolore, noir et rouge et de ne pas le laisser trop s’user et s’encrasser.

Les taquets de tabulation fonctionnent parfaitement et on entend un joli “ding” en bout de ligne pour que la dactylo – presque aussi virtuose qu’une violoniste avec son archer, alors qu’elle est déjà une excellente pianiste – sache qu’il est temps d’actionner le bras en inox, en haut à droite de la Remington, pour ramener le charriot et entamer une nouvelle ligne.

 

Texte mêlant les deux univers :

Début octobre 1938. Il est très tard dans ce petit bar new-yorkais, près de Time square. Déjà 23h30 et l’établissement presque vide va bientôt fermer. Au fond, un homme est affalé sur une tasse de café qu’il a trop bien arrosé de whisky.

Judith, la dactylo, est fort bien éveillée, elle en est à son troisième café. Presque chaque soir, elle fait des heures supplémentaires pour augmenter son petit salaire et préparer son prochain mariage. Assise devant une énorme Remington elle finit une dernière gorgée avant de se remettre à la frappe. La machine appartient à Welles et c’est lui qui l’a amenée, elle doit bien peser dans les douze kilos ; aucune inquiétude qu’elle risque broncher quand Judith revient à la ligne en ramenant prestement le charriot grâce au levier en inox qui brille en haut à droite de la machine.

Cette Remington a un petit défaut, elle tape en double tous les points d’exclamation ! Un problème de bras qui se rétracte mal et rebondit, mais Judith trouve que cela convient très bien au texte qu’elle est en train de taper ce soir sous la dictée de Welles : une histoire incroyable de guerre des mondes que ce dernier débite suffisamment lentement pour qu’elle ait le temps de taper. Un rythme qui lui permet de bien réfléchir à une histoire qu’il compte diffuser bientôt sur CBS.

Je vous parle d’une époque où beaucoup de gens étaient encore très superstitieux et fortement enclins à croire toutes sortes d’histoires, une époque aussi où tout ce qui sortait d’un poste de radio restait un peu magique et forcément incontestable.

Welles continue son monologue et Judith tape sur son clavier qwerty pour arrondir ses fins de mois, sans même plus essayer de comprendre les mots qui s’enchainent. Le bar près de Time square – un décor à la Edward Hopper – va bientôt fermer mais le texte est presque terminé.

Lundi 30 octobre 1938. C’est la veille d’Halloween. Le soleil n’est pas encore couché. Welles interrompt le programme radio de CBS pour lire son texte : une invasion par les extra-terrestres sur la côte Est des Etats-Unis. Une sorte d’apocalypse est annoncée.

Barney, un fermier du Vermont écoute la radio après sa dure journée dans les champs. Intrigué, il sort et regarde le ciel, un peu incrédule tout de même. Mirage ou réalité – on ne voit quelquefois que ce que l’on s’attend à voir -, Barney aperçoit cet objet qui se déplace à grande vitesse dans le ciel couchant, suivi par une sorte de trainée nuageuse grisâtre, et là il se met vraiment à croire ce qu’il vient d’entendre sur son poste à galène : la terre est envahie par les extra-terrestres et cela commence ici !!

Barney est un vieux célibataire qui vit seul chez lui. Depuis la mort de sa mère, il ne fait plus que travailler et dormir. Son premier voisin est à presque un kilomètre, au milieu des champs, juste en dessous des collines. Une petite maison bien propre posée là sur la plaine.

Désormais affolé, il se rend chez ses voisins, mais ceux-ci sont absents, pas encore rentrés des champs. Il a beau frapper à la porte, personne ne répond. Pourtant, Derrick, leur petit garçon de sept ans vient lui aussi d’entendre le message de Welles sur le poste de radio qui lui tient compagnie en attendant le retour de ses parents. Derrick n’entend pas Barney, il a ouvert la fenêtre sur le côté de la maison et il n’est pas inquiet, seulement curieux de voir l’arrivée des extra-terrestres. Il ne peut pas non plus voir cette forme étrange qui se déplace dans le ciel de l’autre côté de la maison. Rien ne se passe pour lui, il est un peu déçu. Finalement, Derrick va refermer la fenêtre, entendre le fermier Barney et lui ouvrir. Ses parents vont bientôt arriver.

Eux aussi ont aperçu cette chose dans le ciel. Ils invitent leur voisin à souper avec eux et pendant toute la soirée, ils n’arrêtent pas d’évoquer ce qu’ils ont vu. CBS ne donne plus aucune nouvelle, aucun bulletin d’information. Alors que Derrick s’est endormi sur la table, l’angoisse se distille autant que le doute. Pendant des générations, on ne manquera pas, aux veillées dans les campagnes du Vermont et d’ailleurs, d’évoquer cette étrange soirée d’octobre.

Écrit pour un atelier d’écriture en ligne. Retrouvez les consignes cet atelier ici.