Le commandant Jimmy Lancaster de l’US Army regarde une dernière fois le paysage de cette Terre qu’il va quitter.
Il aspire profondément l’air froid du matin pour se souvenir de sa dernière odeur terrestre.
Commander la mission « le Grand Voyage » : il a conscience de la gravité de décision qu’il a prise. Et tous les hommes et femmes, qui l’accompagnent sont ont le même désir que lui : servir l’humanité.
Il y a plus de deux ans, un signal électromagnétique a été détecté par un radiotélescope.
Les scientifiques ont exploré toutes les hypothèses possibles : le choc de galaxies, l’agitation de pulsars, la contraction d’étoiles en fin de vie, l’interaction de neutrinos avec des muons, des gluons ou toutes autres particules.
Tout laisse à penser que le signal provient d’une Exoplanète, l’Exoplanète E623 située à 3 milliards d’années-lumière, de la Terre.
Le signal répétitif ne saurait provenir d’une source naturelle. Les informaticiens essaient de comprendre sa signification, mais devant sa complexité, il n’arrive pas à en trouver le sens. L’hypothèse la plus probable c’est qu’il a été émis par une civilisation lointaine dont l’évolution a sans doute dépassé celui de la Terre.
Les scientifiques ont essayé de nombreuses fois d’envoyer en direction E623 des signaux émis sur la même fréquence, reprenant les signaux reçus, dans l’espoir que des êtres intelligents comprendraient que leurs signaux ont été reçus sur la terre. En vain !
Le président des États-Unis a alors décidé d’organiser une expédition pour aller découvrir les “frères” lointains qui nous envoient des signaux. Comme les États-Unis ont été les premiers à mettre un pied sur la lune, ils devaient être aussi les premiers à franchir l’espace qui sépare la Terre de l’Exoplanète E623.
Cette expédition coûterait plusieurs centaines de milliards de dollars. Mais d’autres puissances terrestres avaient l’intention de procéder à des expéditions semblables. Il fallait que les États-Unis arrivent les premiers. L’honneur des États-Unis était à ce prix.
Le président des États-Unis a bien conscience qu’il ne verra jamais le résultat de ses efforts…
Étant donné l’énormité de la distance qui sépare la terre de E623, les cosmonautes qui participeront à l’expédition seront endormis à moins de -273°C et à l’issue du voyage, la température de leur corps sera remise à 37 °C.
Il va de soi que plusieurs milliards d’années se seront écoulés quand la rencontre avec nos lointains voisins aura lieu !
***
C’est avec émotion que la foule massée autour du centre de tir voit décoller l’énorme fusée qui s’élève lentement vers le ciel.
Les passagers de ce véhicule ne ressentiront pas l’émotion de ce départ. Avant que l’appareil ne décolle, ils ont été placés dans des logements hermétiques et leur température a été baissée progressivement à -273 °C. Ils ont sombré dans une inconscience semblable à la mort.
Ils n’auront aucun souvenir du long voyage qu’ils effectueront.
Pendant plusieurs milliards d’années, ils demeureront dans le noir, dans l’habitacle isolé de la fusée interstellaire. Ils ne pourront pas profiter du magnifique spectacle des objets lumineux qui remplissent le vide intersidéral.
Les seules choses conscientes et humaines dans l’engin intergalactique sont les algorithmes, programmés par des milliers de programmeurs. Ces algorithmes sont stockés dans l’ordinateur de bord. Celui-ci prendra toutes les décisions.
La trajectoire de l’aéronef a été calculée pour qu’il se déplace par inertie sans consommation de carburant. Si l’interaction de l’engin avec des corps célestes nécessite une correction de trajectoire, les propulseurs se mettront en marche, alimentés par l’énergie lumineuse de l’univers ambiant. C’est long un voyage d’une durée de 3 milliards d’années-lumière ! Pas question d’emporter du carburant ou de puiser de l’énergie dans un mini réacteur nucléaire…
***
Après un voyage de plusieurs milliards d’années-lumière, le vaisseau arriva sur son objectif…
Comme il avait été programmé, l’ordinateur remonta lentement la température des astronautes à 37 °C.
C’est ainsi que le commandant Jimmy Lancaster et ses compagnons redevinrent à l’état conscient.
Le spationef amorça automatiquement une descente vers la planète E623 et se posa en douceur sur le sol.
Les hublots occultés pendant le voyage, s’ouvrirent doucement et les hommes et les femmes de l’équipage, purent jeter un coup d’œil sur la planète.
Les détecteurs extérieurs leur apprirent que E623 n’avait aucune atmosphère et que la température extérieure était de -100 °C.
Le sol grisâtre, ressemblant, curieusement à celui de la Lune, était éclairé par une lumière orangée provenant d’un petit soleil émettant une lumière blafarde.
Tout l’équipage était déçu : faire un si long voyage pour arriver sur une planète aussi inhospitalière !
Quoi qu’il en soit, l’objectif de la mission était de rentrer en contact avec les mystérieux êtres qui émettaient des signaux depuis si longtemps vers la Terre.
En tant que chef de la mission, le commandant Jimmy Lancaster décida d’enfiler un scaphandre et d’explorer le sol de cette nouvelle planète.
Il s’engagea dans le sas de communication, attendit que l’air en soit éjecté, et que la porte extérieure s’ouvre afin qu’il descende lentement par un escalier que l’ordinateur avait programmé.
Le militaire éprouvé qu’il était ne pouvait retenir ses battements de cœur, et seule sa volonté lui permettait de surmonter l’appréhension qu’il avait de fouler ce sol grisâtre.
Il ne put s’empêcher de penser à la Terre qu’il avait quittée depuis de longues années. Est-ce que la Terre existait encore ? Il n’aurait jamais réponse à cette question.
Le spleen commençait à le gagner, il refoula ses pensées, son seul devoir était d’obéir aux ordres du président des États-Unis et de prendre contact avec cette civilisation lointaine.
Mais sur cette planète désolée, y avait-il une civilisation ?
Sous cette lumière orangée lugubre, il avait l’impression d’être seul dans ce paysage, où apparaissaient, au loin, quelques maigres collines noirâtres.
Aucun mouvement ne venait troubler la rigidité de cette non-atmosphère.
Même, ses pas, en progressant lentement vers les collines, ne soulevaient pas la moindre poussière.
C’était une grande déception ! Il avait parcouru une si longue distance pour aboutir sur un astre, apparemment, mort, à côté duquel la lune semblait être un véritable paradis !
Et il ne pourrait même pas faire un rapport de son échec, au président des États-Unis disparu depuis bien longtemps…
Il allait s’en retourner vers la fusée, quand à une centaine de mètres de lui, un éclair lumineux, jaillit.
Il lui a fallu quelques minutes pour que ses yeux s’habituent et distinguent sur le sol un groupe d’objets posés sur le sol.
Il n’en crut pas ses yeux ! Une centaine de cristaux métalliques s’avançaient vers lui.
Ainsi c’était donc ça, cette mystérieuse civilisation, capable d’émettre des signaux électromagnétiques à plusieurs milliards d’années-lumière : des cristaux en ferronickel doués ce que nous appelons la vie.
Lui le commandant Jimmy Lancaster représentant une vie basée sur le carbone venait à la rencontre d’êtres inimaginables.
Ainsi donc, au fin fond de l’univers, la vie, et même la pensée avait choisi de se manifester sur une autre forme, que le carbone, mais à partir du fer !
Comment ces deux pensées allaient-elles pouvoir communiquer ?
Jimmy fut submergé par une grande angoisse…
Paradoxalement dans toute sa vie de soldat, il n’avait jamais eu peur. Même quand il s’était trouvé face à l’ennemi ! L’entraînement dans les sections commandos, lui avait permis d’acquérir une maîtrise de son corps et de son cerveau, qui se traduisait par la possibilité de réagir, d’une façon quasi mécanique, aux confrontations.
Mais aujourd’hui, la situation était nouvelle ! Quand il avait demandé aux responsables de la mission, comment réagir en rencontrant des êtres d’un autre monde, aucun d’eux n’avait été capable de lui fournir un semblant de réponses. Aucun d’eux n’avait osé le dire franchement, mais la réponse implicite était : démerde-toi !
En combat, la stratégie était simple : tuer ou être tué !
Mais sur E623 comment réagir devant ces cristaux métalliques, doués de pensée.
Il eut un réflexe venu d’un lointain passé : il leva à la main droite, la paume bien ouverte !
Jadis, ce geste montrait aux adversaires qu’il ne possédait aucune arme susceptible de leur nuire…
Il vit un de ces monstres métalliques s’avancer lentement vers lui et au fur et à mesure de sa progression, il se sentit envahir par un froid intérieur.
Il n’avait jamais éprouvé une telle sensation. Même quand il avait été confronté à son pire ennemi jamais il n’avait ressenti une telle hostilité.
La haine est un sentiment souvent, insupportable, mais ici c’était d’un autre ordre. Une hostilité froide, mécanique dans laquelle ne se glissait aucun sentiment.
Le soldat, qu’il était, aurait aimé avoir une arme appropriée pour détruire ces êtres d’un autre monde ! Mais ici la mission était d’un autre ordre : il ne fallait pas détruire, mais communiquer…
Ce n’était pourtant pas le moment, mais une pensée comique lui va à l’esprit. Pouvait-il sur Terre communiquer avec son aspirateur, son réfrigérateur ou son canapé ?
Le défi était du même ordre !
Il tenta une chose. Comme son interlocuteur métallique insufflait dans son cerveau ses pensées, la réciproque devait être vraie.
Il pensa à la Terre, à ses océans, ses forêts, ses montagnes, aux animaux qui la peuplaient, aux réalisations et aux technologies humaines.
Le cristal de ferronickel ne pouvait être que subjugué par la beauté des paysages dans la pensée du commandant Jimmy Lancaster !
Une communication allait enfin s’établir entre un être organique et un être minéral…
Sans aucun doute, son interlocuteur allait lui envoyer des pensées décrivant l’univers dans lequel il vivait…
Mais, il n’eut pas le temps de vérifier l’exactitude de son hypothèse !
Le commandant Jimmy Lancaster et la fusée derrière lui disparurent dans un immense éclair lumineux violacé…
Si la situation avait été inversée, n’aurions-nous pas réagi de la même façon ?
Félicitations, Loki !
Tu viens de publier le 1 000 ème texte sur notre site !!!
Merci !
C’est un plaisir de publier et de lire en si bonne compagnie !
Vertigineux !
Tu as réussi à me plonger dans cet univers sans retour et je sentais mon angoisse monter à chaque ligne de cette nouvelle. Bien joué !
Je trouve cependant la fin un peu tronquée.
Je suis d’accord avec toi @Hermano, la fin est un peu tronquée !
J’avoue, une certaine impuissance à terminer, d’une façon satisfaisante, cette histoire qui se déroule quand même à 3 milliards d’années-lumière…
J’aurais pu par exemple, choisir une fin un peu farfelue, telle que : le commandant, cet homme d’acier tomba amoureux d’une jeune extra-terrestre ferronickel et ils eurent beaucoup de petits cristaux liquides !
Cette fin serait lamentable !
Aussi, je suis preneur, de toute fin qui serait en harmonie avec cette nouvelle ! Merci par avance.
Le hasard fait bien les choses. Il est juste que ce soit toi qu’il ait désigné pour ce 1000ème texte, car je crois bien que tu est plus prolixe d’entre nous, et toujours inspiré !
Comme Hermano je me suis laissé embarqué dans l’expédition. Un vieux rêve, aller à la rencontre d’autres habitants de l’univers, qui, selon toute probabilité existent, mais si c’est le cas ils seront si loin…Sans doute trop loin pour nous ressembler et espérer une rencontre…(heureusement ?). Les habitants de E623 ont en effet eu une réaction fort prévisible par les humains que nous sommes devenus, mais il n’en n’a pas toujours été ainsi, certains peuples ont bien accueilli les nouveaux arrivants, mais mal leur en a pris !