Justin Filou étouffait véritablement dans son petit studio au rez-de-chaussée d’un immeuble du 19e arrondissement.

La seule vue de sa fenêtre était une cour sombre dominée par un immeuble imposant. Ses journées n’étaient pas très exaltantes, car il était vendeur au BHV, au rayon des luminaires. Certes la lumière ne manquait pas avec toutes ces lampes continuellement allumées, mais cette lumière artificielle ne remplaçait pas la clarté du soleil. Huit heures par jour dans cet espace confiné minaient de plus en plus le moral de Justin. Ce n’est pas avec son modeste traitement qu’il aurait pu partir s’aérer à la campagne. La plus grande partie de son salaire lui servait à payer le loyer de son logis exigu.

Justin Filou ne cessait de rêver de grands espaces, d’eau turquoise, de champs de blé ondoyant sous le vent. Il y pensait le jour, il en rêvait la nuit.

On ne sait comment l’idée lui vint…

 Il avait appris que sur la ligne numéro six du métro parisien existait une station « Bel Air ».

Un dimanche il décida de s’y rendre. Il en était persuadé : un séjour dans cet endroit allait remplacer les bols d’air dont il rêvait depuis si longtemps ! Descendu du métro, avant de s’asseoir, il enleva ses chaussures qu’il plaça délicatement, à ses pieds, contre le muret puis ses vêtements qu’il aligna religieusement à côté de lui. Il avait pris soin d’enfiler chez lui un maillot de bain.

Incliné sur le siège, les jambes allongées, les bras derrière la tête il inspira de grandes bouffées. Pas de doute, l’air était meilleur ici…

 

À toute chose, malheur est bon ! Justin Filou continue son séjour à l’hôpital Sainte Anne où le personnel, au petit soin pour lui, essaie de le persuader que les promenades dans le parc de l’établissement remplaceront largement le vent qui souffle à chaque passage du métro à la station « Bel air »…