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    Hermano
    Maître des clés

    Mercredi 20 décembre 23                                                                                              Théophile

     

    1 Présentation de l’atelier, jour de la Saint Théophile, inspiré deux poètes au prénom de Théophile : de Viau (17eme siècle et Gautier 19eme siècle). 5
    2 Distribuer un texte (ou un morceau de texte) de ces 2 poètes :

    ·        Contre l’hiver pour Théophile de Viau

    ·        Ribeira pour Théophile Gautier

    Noircir les textes reçus en ne laissant que quelques mots (des noms communs ou des verbes de préférence). Au moins 8 mots.

    10 – 15
    3 Tracer 3 colonnes sur une feuille :

    ·        Dans la première colonne écrire 8 mots de Théophile de Viau

    ·        Dans la deuxième colonne, 8 mots de Théophile Gautier

    5 – 20
    4 Pour la troisième colonne, prendre d’abord le premier mot de chaque colonne et écrire dans la troisième colonne un mot qui associe ces 2 premiers mots.

    Même chose pour les deuxièmes mots de chaque colonne et ainsi de suite jusqu’au huitièmes mots.

    15 – 35
    5 Écrire maintenant un texte avec les 8 mots de la troisième colonne, en écoutant Cavatina (4mn55 musique de Voyage au bout de l’enfer). Réserver. 15 – 50
    6 En haut d’une nouvelle feuille, écrire ces huit mots et passer la feuille à son voisin de droite. 2 – 52
    7 Sur la feuille reçue, écrire un nouveau texte en utilisant ces 8 mots et en écoutant Blue rondo à la Turk (8mn53). (ou Take five… si vous préférez) 15 – 67
    8 Lectures. 10 – 77
    9 Prendre les dix premières strophes du poème La solitude de Théophile de Viau :

    Pour chaque strophe, choisir 2 à 3 mots en les entourant.

    5 – 72
    10 En regard de chaque strophe, sur la partie droite de la feuille, écrire un “vers” (une phrase) de 10 mots maximum en écoutant Nocturne de Chopin Op.9 N°2.

    Chaque vers doit commencer par un des mots entourés et utiliser les 2 ou 3 autres mots.

    18 – 90
    11 Lectures des poèmes ainsi élaborés. 10 – 100
    12 Faire 3 colonnes sur une page, dans la première colonne, reporter les 8 mots de la troisième colonne de l’étape 4.

    Par groupe de 2… avec son voisin (d’abord sur la liste du premier membre du groupe, puis sur la liste du deuxième participant) :

    Prendre les 2 premiers mots, trouver un mot qui les associe et l’écrire dans la deuxième colonne. On obtient 4 mots pour chacun. On recommence avec ces 4 mots pour n’obtenir que 2 mots pour chacun qu’on écrit dans la troisième colonne.

    15 -115         
    13 Avec les 4 mots finaux (2 par participant) chacun écrit un texte très court. 10 – 125
    14 Lectures. 5 – 130
    15 Débrief. 10 -140

     

     

    Contre l’hiver        Théophile de Viau

    Plein de colère et de raison,

    Contre toi, barbare saison,

    Je prépare une rude guerre,

    Malgré les lois de l’univers,

    Qui de la glace des hivers

    Chassent les flammes du tonnerre,

    Aujourd’hui l’ire de mes vers

    Des foudres contre toi desserre.

     

    Tous nos arbres sont dépouillés,

    Nos promenoirs sont tout mouillés,

    L’émail de notre beau parterre

    A perdu ses vives couleurs,

    La gelée a tué les fleurs,

    L’air est malade d’un caterre,

    Et l’œil du ciel noyé de pleurs

    Ne sait plus regarder la terre.

     

    La nacelle, attendant le flux

    Des ondes qui ne courent plus,

    Oisive au port est retenue ;

    La tortue et les limaçons

    Jeûnent perclus sous les glaçons ;

    L’oiseau sur une branche nue

    Attend pour dire ses chansons

    Que la feuille soit revenue.

     

    Le héron, quand il veut pêcher,

    Trouvant l’eau toute de rocher,

    Se paît du vent et de sa plume ;

    Il se cache dans les roseaux

    Et contemple, au bord des ruisseaux,

    La bise contre sa coutume

    Souffler la neige sur les eaux

    Où bouillait autrefois l’écume.

     

    Les poissons dorment assurés,

    D’un mur de glace remparés,

    Francs de tous les dangers du monde,

    Fors que de toi tant seulement,

    Qui restreins leur moite élément

    Jusqu’à la goutte plus profonde,

    Et les laisses sans mouvement,

    Enchassés en l’argent de l’onde.

     

     

    Ribeira      Théophile Gautier (1811-1872) 
                                                             
    Recueil : España (1845).

    Il est des cœurs épris du triste amour du laid.

    Tu fus un de ceux-là, peintre à la rude brosse

    Que Naples a salué du nom d’Espagnolet.

     

    Rien ne put amollir ton âpreté féroce,

    Et le splendide azur du ciel italien

    N’a laissé nul reflet dans ta peinture atroce.

     

    Chez toi, l’on voit toujours le noir Valencien,

    Paysan hasardeux, mendiant équivoque,

    More que le baptême à peine a fait chrétien.

     

    Comme un autre le beau, tu cherches ce qui choque :

    Les martyrs, les bourreaux, les gitanos, les gueux

    Étalant un ulcère à côté d’une loque ;

     

    Les vieux au chef branlant, au cuir jaune et rugueux,

    Versant sur quelque Bible un flot de barbe grise,

    Voilà ce qui convient à ton pinceau fougueux.

     

    Tu ne dédaignes rien de ce que l’on méprise ;

    Nul haillon, Ribeira, par toi n’est rebuté :

    Le vrai, toujours le vrai, c’est ta seule devise !

     

    Et tu sais revêtir d’une étrange beauté

    Ces trois monstres abjects, effroi de l’art antique,

    La Douleur, la Misère et la Caducité.

     

    Pour toi, pas d’Apollon, pas de Vénus pudique ;

    Tu n’admets pas un seul de ces beaux rêves blancs

    Taillés dans le paros ou dans le pentélique.

     

    Il te faut des sujets sombres et violents

    Où l’ange des douleurs vide ses noirs calices,

    Où la hache s’émousse aux billots ruisselants.

     

    Tu sembles enivré par le vin des supplices,

    Comme un César romain dans sa pourpre insulté,

    Ou comme un victimaire après vingt sacrifices.

     

    Avec quelle furie et quelle volupté

    Tu retournes la peau du martyr qu’on écorche,

    Pour nous en faire voir l’envers ensanglanté !

     

    Aux pieds des patients comme tu mets la torche !

    Dans le flanc de Caton comme tu fais crier

    La plaie, affreuse bouche ouverte comme un porche !

     

    D’où te vient, Ribeira, cet instinct meurtrier ?

    Quelle dent t’a mordu, qui te donne la rage,

    Pour tordre ainsi l’espèce humaine et la broyer ?

     

    Que t’a donc fait le monde, et, dans tout ce carnage,

    Quel ennemi secret de tes coups poursuis-tu ?

    Pour tant de sang versé quel était donc l’outrage ?

     

    Ce martyr, c’est le corps d’un rival abattu ;

    Et ce n’est pas toujours au cœur de Prométhée

    Que fouille l’aigle fauve avec son bec pointu.

     

    De quelle ambition du ciel précipitée,

    De quel espoir traîné par des coursiers sans frein,

    Ton âme de démon était-elle agitée ?

     

    Qu’avais-tu donc perdu pour être si chagrin ?

    De quels amours tournés se composaient tes haines,

    Et qui jalousais-tu, toi, peintre souverain ?

     

    Les plus grands cœurs, hélas ! ont les plus grandes peines ;

    Dans la coupe profonde il tient plus de douleurs ;

    Le ciel se venge ainsi sur les gloires humaines.

     

    Un jour, las de l’horrible et des noires couleurs,

    Tu voulus peindre aussi des corps blancs comme neige,

    Des anges souriants, des oiseaux et des fleurs,

     

    Des nymphes dans les bois que le satyre assiège,

    Des amours endormis sur un sein frémissant,

    Et tous ces frais motifs chers au moelleux Corrège ;

     

    Mais tu ne sus trouver que du rouge de sang,

    Et quand du haut des cieux apportant l’auréole,

    Sur le front de tes saints l’ange de Dieu descend,

     

    En détournant les yeux, il la pose et s’envole !

     

    Théophile Gautier – http://www.poesie-francaise.fr/theophile-gautier/

     

     

    La solitude – Théophile de Viau – 17ème siècle, Ode
                                https://www.poeticamundi.com/theophile-de-viau/

     

     

    Dans ce val solitaire et sombre
    Le cerf qui brame au bruit de l’eau,
    Penchant ses yeux dans un ruisseau,
    S’amuse à regarder son ombre.

    De cette source une Naïade
    Tous les soirs ouvre le portail
    De sa demeure de cristal
    Et nous chante une sérénade.

    Les Nymphes que la chasse attire
    À l’ombrage de ces forêts
    Cherchent des cabinets secrets
    Loin de l’embûche du Satyre.

    Jadis au pied de ce grand chêne,
    Presque aussi vieux que le Soleil,
    Bacchus, l’Amour et le Sommeil
    Firent la fosse de Silène.

    Un froid et ténébreux silence
    Dort à l’ombre de ces ormeaux,
    Et les vents battent les rameaux
    D’une amoureuse violence.

    L’esprit plus retenu s’engage
    Au plaisir de ce doux séjour,
    Où Philomèle nuit et jour
    Renouvelle un piteux langage.

    L’orfraie et le hibou s’y perchent,
    Ici vivent les loups-garous ;
    Jamais la justice en courroux
    Ici de criminels ne cherche.

    Ici l’amour fait ses études,
    Vénus dresse des autels,
    Et les visites des mortels
    Ne troublent point ces solitudes.

    Cette forêt n’est point profane,
    Ce ne fut point sans la fâcher
    Qu’Amour y vint jadis cacher
    Le berger qu’enseignait Diane.

    Amour pouvait par innocence,
    Comme enfant, tendre ici des rets ;
    Et comme reine des forêts,
    Diane avait cette licence.

    Cupidon, d’une douce flamme
    Ouvrant la nuit de ce vallon,
    Mit devant les yeux d’Apollon
    Le garçon qu’il avait dans l’âme.

    À l’ombrage de ce bois sombre
    Hyacinthe se retira,
    Et depuis le Soleil jura
    Qu’il serait ennemi de l’ombre.

    Tout auprès le jaloux Borée
    Pressé d’un amoureux tourment,
    Fut la mort de ce jeune amant
    Encore par lui soupirée.

    Sainte forêt, ma confidente,
    Je jure par le Dieu du jour
    Que je n’aurai jamais amour
    Qui ne te soit toute évidente.

    Mon Ange ira par cet ombrage ;
    Le Soleil, le voyant venir,
    Ressentira du souvenir
    L’accès de sa première rage.

    Corine, je te prie, approche ;
    Couchons-nous sur ce tapis vert
    Et pour être mieux à couvert
    Entrons au creux de cette roche.

    Ouvre tes yeux, je te supplie :
    Mille amours logent là-dedans,
    Et de leurs petits traits ardents
    Ta prunelle est toute remplie.

    Amour de tes regards soupire,
    Et, ton esclave devenu,
    Se voit lui-même retenu,
    Dans les liens de son empire.

    Ô beauté sans doute immortelle
    Où les Dieux trouvent des appas !
    Par vos yeux je ne croyais pas
    Que vous fussiez du tout si belle.

    Qui voudrait faire une peinture
    Qui peut ses traits représenter,
    Il faudrait bien mieux inventer
    Que ne fera jamais nature.

    Tout un siècle les destinées
    Travaillèrent après ses yeux,
    Et je crois que pour faire mieux
    Le temps n’a point assez d’années.

    D’une fierté pleine d’amorce,
    Ce beau visage a des regards
    Qui jettent des feux et des dards
    Dont les Dieux aimeraient la force.

    Que ton teint est de bonne grâce !
    Qu’il est blanc, et qu’il est vermeil !
    Il est plus net que le Soleil,
    Et plus uni que de la glace,

    Mon Dieu ! que tes cheveux me plaisent !
    Ils s’ébattent dessus ton front
    Et les voyant beaux comme ils sont
    Je suis jaloux quand ils te baisent.

    Belle bouche d’ambre et de rose
    Ton entretien est déplaisant
    Si tu ne dis, en me baisant,
    Qu’aimer est une belle chose.

    D’un air plein d’amoureuse flamme,
    Aux accents de ta douce voix
    Je vois les fleuves et les bois
    S’embraser comme a fait mon âme.

    Si tu mouilles tes doigts d’ivoire
    Dans le cristal de ce ruisseau,
    Le Dieu qui loge dans cette eau
    Aimera, S’il en ose boire.

    Présente-lui ta face nue,
    Tes yeux avecques l’eau riront,
    Et dans ce miroir écriront
    Que Vénus est ici venue.

    Si bien elle y sera dépeinte
    Que les Faunes s’enflammeront,
    Et de tes yeux, qu’ils aimeront,
    Ne sauront découvrir la feinte.

    Entends ce Dieu qui te convie
    A passer dans son élément ;
    Ouïs qu’il soupire bellement
    Sa liberté déjà ravie.

    Trouble-lui cette fantaisie
    Détourne-toi de ce miroir,
    Tu le mettras au désespoir
    Et m’ôteras la jalousie.

    Vois-tu ce tronc et cette pierre !
    Je crois qu’ils prennent garde à nous,
    Et mon amour devient jaloux
    De ce myrte et de ce lierre.

    Sus, ma Corine ! que je cueille
    Tes baisers du matin au soir
    Vois, comment, pour nous faire asseoir,
    Ce myrte a laissé choir sa feuille !

    Ouïs le pinson et la linotte,
    Sur la branche de ce rosier ;
    Vois branler leur petit gosier
    Ouïs comme ils ont changé de note !

    Approche, approche, ma Driade !
    Ici murmureront les eaux ;
    Ici les amoureux oiseaux
    Chanteront une sérénade.

    Prête-moi ton sein pour y boire
    Des odeurs qui m’embaumeront ;
    Ainsi mes sens se pâmeront
    Dans les lacs de tes bras d’ivoire.

    Je baignerai mes mains folâtres
    Dans les ondes de tes cheveux
    Et ta beauté prendra les vœux
    De mes œillades idolâtres.

    Ne crains rien, Cupidon nous garde.
    Mon petit Ange, es-tu pas mien !
    Ha ! je vois que tu m’aimes bien
    Tu rougis quand je te regarde.

    Dieux ! que cette façon timide
    Est puissante sur mes esprits !
    Regnauld ne fut pas mieux épris
    Par les charmes de son Armide.

    Ma Corine, que je t’embrasse !
    Personne ne nous voit qu’Amour ;
    Vois que même les yeux du jour
    Ne trouvent point ici de place.

    Les vents, qui ne se peuvent taire,
    Ne peuvent écouter aussi,
    Et ce que nous ferons ici
    Leur est un inconnu mystère.

    Théophile de Viau – https://www.poeticamundi.com/theophile-de-viau/

     

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