Une aura de ferveur lumineuse enveloppait la sainte. Des gouttes de sang tombaient sur ses genoux, coulaient sur ses hanches, roulaient comme des perles de piété dans la poussière du matin.

Depuis quatre jours, elle était là ainsi, immobile. C’était comme un secret qu’elle possédait, une mémoire qui dormait derrière ses paupières et qui résonnait aux alentours comme une promesse de champs de blé, de moissons inépuisables.

La rumeur avait couru rapidement dans tous les villages. Le deuxième jour déjà, une longue file de paysans attendait pour voir la sainte dans ses stigmates et maintenant, une foule dense de fidèles, accourus de toutes parts, s’amassait, à la fois curieux, effrayés, et recueillis dans une sorte de foi mystique.

Les ronces qui tapissaient le mur derrière elle, un mur aussi sombre que l’outre-noir de Soulages, semblaient venir la blesser davantage pour faire couler tout son sang. Elle paraissait s’enfoncer chaque jour davantage dans ce nid douloureux.

La végétation semblait vouloir construire la prison des croyances défaites, où chacun pourrait retrouver la vraie foi.

Il faisait grand froid. Les hommes avaient allumé des braseros autour desquels on se réchauffait et qui éclairaient la nuit.

Vers minuit, il advint un miracle. Un homme, un boiteux qui ne pouvait plus  travailler sa terre,  repartit en courant sur les chemins de la nuit, laissant les badauds dans une immense ferveur, alors que de gros nuages, tels de monstrueux dirigeables, venaient obscurcir la lune.

Le lendemain, au matin du cinquième jour, la sainte avait disparu.

L’avoine, dont la verdeur contrastait avec le jaune éclatant du colza, commençait à reconquérir le paysage, faisant oublier les vertiges que la sainte avait tissés pendant ces quatre jours et ces quatre nuits.