Le lac immuable frangé de sommets enneigés,
Le lac qui au fil des jours n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre,
Le lac charmant aux ciels bleus d’été, constellé de voiliers sous le vent léger,
Le lac apaisant ourlé de feuilles d’automne, où veillent des châteaux perchés,
Le lac tranchant des jours de bise, déployant des moutons enragés sur ses flots gris acier,
Le lac vivifiant du printemps, protégeant de ses ailes les cygnes majestueux et leur couvée.
Sur le quai, une petite fille emmitouflée, doudoune, bonnet à pompon et écharpe rouge, donne du pain aux cygnes, aux foulques et aux canards. Comme le pain, s’émiettent les souvenirs et les images.
Les premiers pas de l’enfant sur le rivage, la traversée sur le gros bateau blanc à aubes, les drapeaux des cantons suisses flottant sur le port, les journées joyeuses à la piscine en bord de lac, les balades hivernales entre bateaux à quai et cygnes frileux, les soleils couchants qui teintent d’or les monts du Jura.
Le lac et ses soleils joyeux de l’enfance,
Le lac et ses soleils soyeux des premières amours,
Le lac et ses soleils heureux de la vie qui va,
Le lac et ses soleils voilés de la vie qui s’en va.
Bonsoir Line
Avant tout, je voudrais te dire que j’admire ta capacité à écrire de manière fluide. C’est vraiment très agréable.
L’effet visuel et la sonorité sont les aspects les plus souvent négligés dans la poésie libre, en particulier dans la prose poétique. Il me semble que ce dernier aspect aurait pu être l’intention du narrateur et, par conséquent, dans ce qui suit, je fais face à ce texte en tant que tel.
Tu as réussi à respecter certaines règles importantes de la prose poétique : un poème en prose doit être descriptif et le lecteur doit se trouver face à l’instantané d’un moment fugitif. Il ne doit surtout pas raconter.
À ta place, je supprimerais le “Le lac qui au fil des jours n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre,” qui porte atteinte à l’authenticité de ton texte, car le “n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre” est trop connu (https://www.youtube.com/watch?v=pB4OtYHmOUQ). En le supprimant, rien n’est perdu.
Tous ces “v”s et ces “f”s dans le mot “vivifiant” me gênent un petit peu.
Je pense que tu pourrais économiser l’utilisation de “Le lac” qui, ici, ne remplit pas la fonction de répétition dans la poésie, c’est-à-dire que cela ne renforce pas le message destiné à être transmis par le narrateur.
En fait, je pense que ta prose poétique serait de meilleure qualité si tu modifiais la mise en page et si tu supprimais quelques petites choses.
Le lac immuable frangé de sommets enneigés, charmant aux ciels bleus d’été, constellé de voiliers sous le vent léger. Le lac apaisant ourlé de feuilles d’automne où veillent des châteaux perchés. Le lac tranche avec les jours de bise, déploie des moutons enragés sur ses flots gris acier et protège de ses ailes les cygnes majestueux et leur couvée.
Sur le quai, une petite fille emmitouflée, doudoune, bonnet à pompon et écharpe rouge, donne du pain aux cygnes, aux foulques et aux canards.
Comme le pain, s’émiettent les souvenirs et les images…
Les soleils couchants teintent d’or les monts du Jura, les drapeaux des cantons suisses flottent sur le port.
Les premiers pas de l’enfant sur le rivage, la traversée sur le gros bateau blanc à aubes, les joyeuses journées à la piscine en bord de lac, les balades hivernales entre bateaux à quai et cygnes frileux.
Le lac et ses soleils joyeux de l’enfance, ses soleils soyeux des premières amours, ses soleils heureux de la vie qui va et ses soleils voilés de la vie qui s’en va.
Les souvenirs d’enfance ont toujours été une source d’inspiration, souvent douce et touchante.
Cela donne aux textes sur les souvenirs l’effet spécial d’être perçus par le lecteur comme s’il s’agissait de sa propre autobiographie. Le revers de la médaille, cependant, est que le texte pourrait donner l’impression de figurer parmi tant d’autres, en particulier lorsqu’il est publié par le même auteur.
Il est vrai qu’au fil du temps, chacun de nous a développé son propre style d’écriture, une sorte de paysage monotone qui peut nous donner une signature particulière, une certaine singularité.
Le meilleur remède pour briser cette monotonie sans nuire à la singularité est de permettre aux saisons de changer sans toucher au fond. La meilleure façon de le faire est donc de changer les personnages, l’état d’esprit du narrateur et l’interprétation de ses perceptions par le narrateur lui-même.
Pour finir, je tiens à te dire, qu’à mon avis, ton texte est un exercice réussi grâce à cette musicalité intégrée dans cette prose.
Un lac si lisse et immuable qu’évoque si bien cette écriture, sage comme la Suisse, sauf quelquefois les jours de bise…
Mais quel est donc ce lac, si ce n’est pas celui d’Alfonse de Lamartine !?
Merci Purana et Hermano d’avoir pris le temps de lire mon texte et de l’avoir commenté.
Effectivement Purana, la répétition “Le lac” n’est pas indispensable, tu as raison mais j’ai écrit ce texte en atelier d’écriture avec la contrainte de m’inspirer d’un texte d’Octavio Paz qui commence toutes ses phrases ou presque par “la ville”…
Hermano, il s’agit du lac Léman (alias lac de Genève, appellation que détestent tous les riverains du lac sauf les Genevois). Et si le fameux poème Le lac a été inspiré par le lac du Bourget en Savoie, Lamartine a vécu exilé en Haute-Savoie au bord du lac Léman pendant les 100 jours, refusant de servir Napoléon.
Personnellement, la répétition est un “effet de style” qui ne m’a pas gêné.
Une sorte de leitmotiv lancinant (pléonasme ?) qu’effectivement on retrouve dans certains poèmes.
Merci pour Octavio Paz, que j’aime beaucoup, et pour Lamartine que je salue autant pour lui-même que pour son poème.
C’est bien, on en apprend ici ! On se cultive !