S’il se trouve encore quelques personnes qui ont connu « Pitch » dans les années cinquante, elles vous confirmeront qu’il a été la terreur de plusieurs générations de garçons au collège Gambetta. Surveillant général, du temps où ce titre existait, il régnait en maître aussi bien à l’internat qu’à l’externat. Je me souviens de sa […]
Quoi de plus désespérant qu’un amour non partagé ! On pourrait penser que cette situation est banale. Mais pour Flora elle ne l’est pas ! Issue d’une famille ouvrière, la jeune fille à force de travail et de persévérance a pu intégrer une école d’ingénieurs. En cette première année de l’école, après une scolarité laborieuse, elle […]
« Il ya quelque chose en toi de cassé » me lance mon éphémère compagne en claquant la porte derrière elle, définitivement. Dans le pesant silence qui suit je me demande si elle n’a pas raison car ce départ intempestif ne m’affecte guère, pas plus que les autres. Et si j’étais devenu incapable d’aimer ? Oui, il y a sans aucun doute quelque chose à réparer.
Mes deux mains posées sur le volant je fixe la route qui s’enfonce entre les platanes, inamovibles gardiens de mon itinéraire. Les taches de lumières qu’ils distribuent glissent sur le pare-brise, m’éblouissent parfois en une alternance usante d’ombre et de soleil, leurs troncs sont resserrés, tentants. Un petit mouvement sur le volant et tout pourrait s’arrêter là, quelle importance ? Allez il est encore tôt, j’arriverai en début d’après-midi et je redoute cet instant. Mais pourquoi l’ai-je quittée ?
Des images du bonheur passé s’imposent, intenses, aujourd’hui douloureuses. Je sens sa main dans mes cheveux, je revois dans ses beaux yeux toute la tendresse et l’amour absents à ces dernières années. Nous étions seuls au monde. Trop seuls sans doute et je suis parti sur un coup de tête, sans mesurer combien j’avais besoin d’elle ! Je sais que les torts ne pèsent pas tous de mon côté, il a fallu que je respire. Mais depuis qu’ai-je fait de ma vie ? Je repense à ces femmes que je n’ai su aimer, que je n’ai su retenir, parties comme on délaisse un jouet défectueux. Quelques heures encore, aurais-je le courage d’aller jusqu’au bout ? Je me suis écarté du chemin, il le fallait, j’ai fait des bêtises, des grosses, et dans cette voiture qui me mène vers elle tout est trouble et tout se mélange. Mais la décision est prise et je roule, tel un automate, vers l’espoir d’un destin nouveau.
Une halte dans un restaurant que j’ai connu avant, rien n’a vraiment changé, un de ces établissements de bord de route, au parking étendu, à la salle immense. J’observe autour de moi, il y a des couples heureux ou qui font semblant de l’être, des licites et des illicites que l’on repère au premier coup d’œil, il y a des gens au travail, des gens en vacances, des familles, beaucoup de monde, c’est l’été, la grande ruée vers le sud. Je m’enfonce dans ma solitude et n’ai envie de parler à personne. Pourtant à l’entrée du restaurant je remarque un enfant triste, au bord des larmes, il a perdu sa mère, je le prends par la main et nous la retrouvons dans des éclats de joie. Une petite BA qui me rend heureux, pendant un court moment je retrouve l’être serein et apaisé que je ne suis plus. Une jeune femme, témoin de la scène, m’adresse un grand sourire, elle est très belle et je la désire un court instant mais nous nous croisons sans un mot, une pointe de regret m’assaille, fugacement. Ce n’est pas le jour, d’ailleurs ce n’est qu’un réflexe dérisoire du séducteur que je ne souhaite plus être.
Ça y est j’approche, plus que quelques kilomètres, j’aimerais être serein, détendu, mais je ne le suis pas. La radio que j’écoutais jusque-là d’une oreille distraite diffuse une chanson connue mais toujours émouvante, je pourrais en garder quelques mots, qui se placent sur ma pensée, comme les doigts se placent à l’endroit exact sur les touches nacrées d’un bandonéon. La voiture est maintenant à l’arrêt devant le portail, moteur éteint, je sors lentement et referme la portière sans un bruit, comme si je refusais ma présence à ce cadre pourtant familier. Mon pouls martèle mes tempes.
Dring ! Le bouton de la sonnerie vient de s’enfoncer sous mon index indécis et tremblant. On n’entend plus rien, si ce n’est le chant lancinant des cigales, assourdissant, qui colonise sans partage l’air brûlant de ce début d’après-midi. Me répondra-t-elle ? Probablement non. Et j’en viens à le souhaiter, en dépit ou à cause des hésitations et des réticences qu’il a fallu vaincre pour parvenir jusqu’ici, « Elle fut longue la route » disait la chanson. Si la porte s’ouvre ma vie basculera. Si elle reste fermée je continuerai avec mes doutes, mes petits rêves, mes prétextes, mes accommodements, mes oublis, mes zones d’ombre, mes mensonges, finalement tout ce qui apaise les blessures, qui aide à supporter l’existence en en limant ses aspérités tranchantes, au prix de sa fausseté. Il fait très chaud et c’est une folie d’être ici ! Rien, il ne se passe rien, les cigales n’en démordront pas jusqu’au coucher du soleil, où serai-je ? Peut-être devrais-je sonner à nouveau ? Peut-être n’a-t-elle pas entendu ? Ne serait-il pas plus raisonnable de tourner les talons ? Ne pas céder à la lâcheté, aller jusqu’au bout de cette décision si longuement mûrie. Courage, je vois mon doigt se diriger à nouveau vers le bouton de la sonnerie, est-ce vraiment moi l’auteur de ce geste ? Les cigales persistent dans leur bruyante indifférence à mes tergiversations. Je suis dans une sorte de néant, comme extrait de ma vie, les secondes sont interminables. Non, elle n’ouvrira pas, je fais demi-tour et repars vers ma voiture, tant pis ou plus tôt tant mieux, la page est définitivement tournée. Mais un puissant étau m’étreint la poitrine : « Attends ! ». J’arrête mon pas, cette voix dans mon dos c’est la sienne, cette voix unique fidèlement conservée dans mon oreille, cette voix si chère, cette voix d’amour. Je me retourne, un seul mot s’échappe de ma bouche, ce mot si beau et si longtemps tu : « Maman ! »
Cette histoire aurait pu être l’histoire de n’importe quel jeune homme. Pourtant si Paul Louis est un Français sans caractéristiques particulières, on va le voir, son histoire est singulière. Cela fait deux ans que Paul Louis est rédacteur au Service de la Statistique et de la Conjecture du Ministère de l’Éducation nationale. Il passe […]
Quand Gabrielle retourna chez elle le soir de la rentrée, elle était vraiment surexcitée. La Terminale S est un bouleversement dans la vie d’une lycéenne : c’est l’aboutissement de sept années d’étude au lycée de l’Harteloire, un établissement réputé de Brest. C’est aussi la perspective du bac en fin d’année. Certes elle avait réussi certaines […]
De notre envoyé spécial au sein d’un nuage d’étourneaux. Jour J : Le nuage Savez vous qu’un nuage d’oiseaux porte aussi le joli nom de murmuration ? Un mot qui nous viendrait des ducks, nos frères d’outre manche, et de plus loin encore de nos ancêtres latins les anatis. Nous nous rapprochions donc de cet […]
La nouvelle se répandit comme une trainée de poudre ! Au début certains crurent que c’était une blague. Cette date de 22 février était bien mystérieuse, d’ailleurs, pourquoi un dimanche et pas un lundi ou un jeudi ou toute autre journée de la semaine ? Nous n’étions pas le 1er avril, il fallait se rendre […]
De notre envoyé spécial au sein d’un nuage d’étourneaux. J-1 : L’essor Nono m’attendait donc en cet après midi d’automne. Comme convenu nous nous sommes retrouvés sur la rive de l’étang à l’endroit où il avait l’habitude de venir s’ébattre. « Tu le comprendras, je ne peux m’attarder trop longtemps loin de mes congénères, nous autres […]
De notre envoyé spécial au sein d’un nuage d’étourneaux. Autant vous le dire tout de suite, ce ne fut pas un reportage de tout repos. J-2 : La prise de contact. Quand on est un canard, même de petite taille, il n’est pas facile de se faire passer pour un étourneau. J’ai donc très vite […]
Prémonition « Dans certaines circonstances, avertissement inexplicable qui s’impose à la conscience et fait connaître un événement à l’avance ou à distance. » L’air du matin était vif, j’éprouvais du plaisir à marcher dans la rue. La lumière du soleil éclairait faiblement les quelques nuages sur l’horizon. J’avais eu une nuit particulièrement agitée. Je […]
Les chemins de l’écriture sont durs et escarpés. Devant mon bureau, je suis atteint du syndrome de la page blanche. Cet instant où l’écrivain est face à sa feuille et ressent un grand vide dans sa tête. Je m’obstine, mais je sais par expérience que rien ne sortira, aujourd’hui, de ma plume. Maintes fois […]
Dans un futur pas si éloigné… Adémar Leplumeau venait de recevoir une convocation. Le libellé était bref et laconique : « Vous êtes prié de venir retirer votre carte CDB », suivaient le nom et l’adresse d’une administration. De tempérament très curieux, il s’y rendit immédiatement et fut reçu par un employé, au bureau 104. Merci d’être […]
Le titre intriguera peut-être le lecteur. S’il se risque sur Internet, il sera déçu de sa recherche, mais qu’il se rassure tout s’éclaircira à la fin. Il est des vies vraiment pas passionnantes. Celle d’Ernestine Feuillue 40 ans, employée à la Société Générale fait partie de celle-là. Il serait inutile d’évoquer son enfance, […]
Inspirée par une phrase de Nietzsche (L’antechrist) qui voit en César Borgia le précurseur du surhumain. Le jour du mariage de sa soeur, Lucrèce, échangée pour gagner de l’influence, César réfléchit à ses actes, sa volonté, sa force, son destin. Il réfléchit à la volonté et la volupté, la violence et la trahison affolé par le vin et le sang ou par l’obsession pour Lucrèce. Une obsession interdite et charnelle qui met en lumière la force du désir, la tragédie met aussi l’échec qui l’attend face à la médiocrité.
Le titre de la nouvelle est la devise attribuée à César Borgia, qui fait écho à son ambition, sa volonté, mais aussi, in fine, à son échec.
Alban est dans une phase de la vie, où un homme cherche sa voie. Né dans le neuf-trois, sa voie était mal engagée, il n’aurait pas dû se prénommer Alban, mais ce sont bizarreries de la vie, sa mère était passionnée pour un compositeur peu connu Alban Berg. Vous écouterez les œuvres de ce compositeur […]
C’est un gardien qui a donné l’alerte. Faisant sa ronde habituelle dans la salle la plus fréquentée du musée et en jetant sur le célèbre tableau un regard routinier mais néanmoins professionnel, Gérard, nous avons changé son prénom à sa demande, sentit tout à coup ses jambes se dérober : On avait volé le sourire […]