Une caravane, une chaise et elle…

Silhouette au bout de l’ornière,
Elle vit sur ce lopin de terre,
Nul ne sait d’où elle vient,
Elle a toujours était là.

Elle porte des habits de couleur,
Toujours les mêmes, dit-on,
Parce que souvent elle en change,
Qu’elle aime aux caprices des cieux,
Sous l’ombrelle, se faire belle.

Pluie, nuages et vent dans ses rubans
Font d’elle une lointaine bohémienne,
Familles venues de Bohême ou d’Espagne,
De vielles tombes encore en gardent le nom.

C’est un mystère pour le cœur…

Les yeux trop bleus,
Le regard fier, elle intrigue,
Son silence impressionne,
Qui la protège et la libère, 
Mais la rend folle.

Elle cueille les fleurs du cimetière,
S’y promène les jours de Toussaint,
Elle apparait, étrange et familière,
Sourit aux uns, les autres s’étonnent.

Chez elle, s’éparpillent de lourds
Parfums d’automne, bouquets
De solitude aux senteurs de bruyère,
De si loin, qu’on les devine,
On détourne la tête.

Du cyclamen à l’ordure…

Au conseil municipal, on pense à elle,
si prés des offices, sa parcelle
Déclarée utile à ce funèbre service.

Exilée, au-delà, plus loin encore,
S’y nourrit tout un peuple charognard,
Mouettes et corbeaux criards.

Le laid, la nausée, l’ordure, 
Rien n’épargne ce cœur pur.
Sans nom toujours, on la méprise…

Elle git, sous son coin de terre, 
Loin des lys et des glaïeuls,
Et dessous l’ornière, porte, 
Gravé encore, le nom de son aïeul.