Nous pataugions dans l’eau, la gadoue, nous enfoncions nos pieds dans la boue, nous penchant sur le butin tant convoité, des primevères. C’était le début du printemps et nous cueillions aussi délicatement que le permettait nos doigts gourds les minces tiges. Et puis, armé d’un couteau, notre père nous avait donné l’idée d’en planter. D’un geste précis, déjà il formait des mottes, nous avions renchéri ; “Oui, pour Maman”Il s’agissait de simples fleurs mais c’étaient les premières.

Ces fleurs de printemps me rappellent aussi les jonquilles qui formaient tapis devant le figuier ou celles que nous allions cueillir en forêt. Mais rien n’égale, pour moi, au sortir de l’hiver le parfum prégnant du daphné : traces d’œillets, de jasmin, de jacinthe, soulignées d’une note de girofle.

A la floraison des pommiers, j’assistais impuissante à la chute des pétales fragiles emportés par le vent. Je vous ai escaladé pommiers de ma grand mère, comme vous m’avez enchantés. Pommes de reinette, clochard ou autres canada je vous dévorais toutes. Chez ma grand mère également j’ai découvert émerveillée, ton sur ton de rose le cassis _fleur que flanquaient les plants de groseilliers.

Et puis il y avait le mois de. Marie,le joli mois de mai. Nous allions à la chapelle et dans cette odeur de cire fondue, de la moisissure des murs et de celle qu’exhalaient les bouquets assemblés où figuraient les brassées glanées aux champs, campanules ,reines _marguerites et les pourpres digitales  j’avais de ces extases.

Puis venait le temps des processions. Nous allions quémander des fleurs à chaque logis. Roses rose pâle à la fragrance suave, roses bigarrées d’un rose franc frappé d’orange, roses blanches formaient nos bouquets.

Et un jour à l’endroit de l’ancienne maison de ma grand mère j’ai retrouvé un rosier qu’elle avait planté, un rosier Sidonie en son centre une fleur unique, moirée de pourpre et de violine au parfum de fruit tirant sur la prune gommée de sucre.

Et nous nous emparions de ces roses et nous en arrachions chaque pétale. Lors des processions lestées d’aumonieres nous répandions ces pétales sur la chaussée et, bercée par l’odeur de l’encens et des roses j’étais persuadée d’être en odeur de sainteté.

Au jardin des senteurs,je n’étais pas en reste humant les fleurs bleues du romarin et machonnant les feuilles de la menthe crépue et celles plus subtiles et veloutées de la menthe à feuilles rondes.

Les grandes vacances nous précipitaient sur les chemins. Là nous évitions la traitre ciguë, nous négligions la carotte sauvage, nous brandissions en trophée les ombelles d’anis.

Au jardinet clos de murs de ma tante, je cueillais les lupins, les gueules de loup et fes graminées en pagaille.

L’été s’étirait, juillet où nous foulions les blés à la recherche de bleuets et de coquelicots, ceux_ci dont les pétales fragiles rouges se fanaient aussitôt que fabriquées nos danseuses de flamenco.

Août délivrait ses amours en cage et ses monnaies du pape avec lesquelles nous montions des faces à main. Novembre était le temps des bruyères pour ceux qui reposent une grosse pierre de bas.

Noël se profilait et avec mon père nous allions chercher dans la campagne le houx orné de rouge qui méritait de figurer en bonne place face à la cheminée.

Tout ceci est loin,disparu depuis longtemps, mais ce bouquet décomposé je l’ai recréé par la force du souvenir et comme me le souffle le timide myosotis : “Forget me not”.