Chers amis, nous voici donc tous réunis dans une même tristesse pour mettre un terme définitif à la vie d’un objet qui nous était si cher, à Denise et à moi même, si cher que nous avons décidé le principe de cette petite cérémonie funèbre et nous vous remercions du fond du coeur d’avoir bien voulu l’honorer de votre chaleureuse présence.

Objets inanimés… disait Lamartine, à moins que ce ne fut Chateaubriand ou François Maurel. Oui, chers amis la disparition d’un objet, tout objet fût-il, peut être une très grande peine. Son ronronnement saccadé et si familier sur le coup des 6 heures du matin me manquera douloureusement, et c’est avec tant de douceur que j’ai si souvent été sorti d’une profonde sieste par le discret tchac-tchac de l’aiguille ! Je revois les essais si amoureusement précis : il faudra reprendre un centimètre ici, étends bien ton bras, ne bouge plus, enfin tous ces petits réglages qui vous meublent un samedi après midi de tournoi des 6 nations. Le vide que je pressens va être si béant que je ne suis pas certain de pouvoir le combler.

Seuls restent maintenant quelques vestes ou pantalons si solides, si merveilleusement inusables que je ne vois le jour d’en choisir de nouveaux.

Chère Denise je me tourne vers toi, et lisant dans tes pensées je sais bien qu’aucune autre machine ne sera digne de remplacer celle-ci, que désormais c’est autrement que devra s’organiser notre vie. Vous devez comprendre chers amis qu’après une si longue et si tendre complicité aucune solution de remplacement ne pourrait être acceptable. Cela nous demandera force et renoncement mais à rien ne servirait en effet de vouloir singer, si vous me permettez ce modeste calembour, de vouloir singer donc ce bonheur naturel qui fut si central dans notre vie. Hélas plus de surjets, plus de zigzags, plus de points boutonnières, il nous faudra désormais apprendre à nous en passer. Soyons courageux et avec nos proches compatissants dont je mesure l’affectueuse solidarité, allons déposer ensemble, chère Denise, cette machine symbole d’une vie si douce mais hélas révolue, dans la remorque qui l’emmènera vers sa destination finale, la déchetterie