Mon amie,

Je crois que depuis longtemps tu m’as oubliée, que depuis longtemps tu ne penses plus à moi.
Cette lettre ne te parviendra jamais, je crois, c’est comme une bouteille à la mer qui est si grande.

Je ne sais plus où tu es, je ne connais même pas ta dernière adresse.

Est-ce une lettre d’amour que je suis en train de t’écrire ? Je crois que oui…

Je dois te dire que parfois, dans la rue, j’aperçois ici ou là une fille de dos, dont les grands cheveux pendent jusqu’à la taille et ces fois-là, mon cœur se met à battre très fort car je crois t’avoir reconnue. Bien sûr, ce n’est pas toi mais, alors, je sais que de toute ma vie je n’ai jamais cessé de t’aimer.

De t’aimer toujours et autant que dans ce temps où nous marchions sur les plages main dans la main, où nous dansions serrées l’une contre l’autre, où l’on se roulait dans l’herbe en riant, où l’on se parlait toute la nuit jusqu’à l’aube et où, mes yeux plongés dans les tiens nous nous regardions pendant des heures jusqu’à percer nos âmes.

Ah ! Tes yeux sont restés là, dans la chambre noire qui me sert de cerveau. Non, ce n’est pas comme l’œil qui dans la tombe regarde Caïn, plein de reproche, non, c’est une infinie douceur de jade.

Et je me laisse ainsi bercer, je me laisse immerger doucement dans le souvenir de nos étreintes, quand l’amour s’ajoutait à l’amour. Tu me rendais heureuse et, tu vois, tu me rends toujours heureuse.

Oui, c’est vraiment platonique de penser à toi comme cela, de caresser ta peau avec seulement ces quelques lignes qui s’écoulent sur la page, ces lignes que tu ne liras jamais. Nous nous sommes éloignées mais je n’ai aucune amertume de ne plus te savoir près de moi. A-t-on l’amertume d’un splendide coucher de soleil qui a disparu ? Non, son image reste toujours magnifique en nous. C’est cela que je ressens quand je pense à toi.

Je me dis que peut-être, toi aussi, tu penses à moi en ce moment même avec la même intensité, la même émotion. J’aime à le croire et c’est pour cela, pour sentir cette vibration, que je reste vivante.

À toi.

Sappho

Atelier d’écriture Bègles. 1er mars 22. CG.