L’actualité me pousse à publier cette nouvelle écrite en 2016.

La fin est inventée.

Mais je veux montrer que déjà en 2016 nous savions et que l’Europe aurait pu réagir…

La fin que nous prépare le personnage sera sans doute pire que celle que j’ai imaginée !

La journée a été rude. Mais toutes les journées sont rudes…

Vladimir ne regrette rien. Le chemin a été long, difficile, semé d’embûches pour arriver à ce qu’il est aujourd’hui : le président du pays le plus vaste du monde.

Il est heureux de retrouver un peu de solitude dans ses appartements privés du Kremlin.

Allongé sur son lit, il sort d’une armoire son « doudou » avec lequel il va passer la nuit. C’est son secret. Même sa femme dont il est divorcé n’a jamais été au courant de l’existence de ce petit ours marron, usé par le temps, avec un œil qui pend… Bien qu’il y a une semaine auparavant il ait fêté ses soixante-trois ans, le tenir dans ses bras le ramène à son enfance.

 

Il est né à Saint Petersburg quand cette ville s’appelait encore Leningrad. Il n’a pas connu la souffrance de ses parents durant le siège de 900 jours de la ville par les Allemands. À part cet événement, qu’ils lui ont souvent raconté, il n’a que peu de souvenirs de son père et sa mère. Celui qu’il admirait le plus était son grand-père qui avait été le garde du corps et goûteur de Lénine, puis de Staline.

 

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31 octobre 1961

 Sous les ordres de Fedor Konev commandant de la garde du Kremlin, des soldats creusent une tombe derrière le mausolée de Lénine et de Staline. Le corps de Staline est sorti du sarcophage où il se trouve depuis sa mort en 1953, pour être placé dans un cercueil et porté en terre par huit officiers. Le tout prend fin un peu avant minuit. Ce sont les ordres de Khrouchtchev qui a décidé de montrer de manière spectaculaire que la période stalinienne était close. 

À 18 h, la place Rouge a été bouclée par la police sous le prétexte de la répétition de la parade militaire du 7 novembre, fête de la Révolution. Pour plus de vraisemblance, des camions militaires vides défilent devant le Kremlin pendant des heures. Pendant ce temps, des palissades ont été installées autour du mausolée pour le cacher à la vue de tous. 

À l’origine, Khrouchtchev avait pensé enterrer Staline au cimetière du monastère de Novodiévitchi à Moscou, où repose la femme du dictateur et de nombreuses personnalités russes et soviétiques. 

Puis il a finalement changé d’avis, de crainte que des Géorgiens fanatiques ne volent la dépouille de Staline (géorgien d’origine). Ce qui ne risque pas d’arriver en enterrant l’ancien dictateur au pied du Kremlin, bâtiment gardé jour et nuit. 

Fedor Konev est satisfait, les ordres ont été exécutés. L’opération a été parfaite et surtout discrète.

Le commando quitte les lieux. Un officier Mikaïl Jelezkine également est content. Il ne tâte pas sa poche, mais il sait qu’elle est là : la petite boite. Pendant l’opération il a pu couper quelques poils de la moustache du « petit père des peuples ». Cela constitue une relique inestimable pour un communiste convaincu !

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Oui la journée a été rude, mais pleine de promesses : il a rencontré le président de ce minuscule pays que l’on appelle la France. Comme il est arrogant ce petit homme avec sa veste étriquée et ses lunettes de pseudo-intellectuel ! Il s’imagine parce qu’il a engagé quelques avions en Syrie être la clé du conflit. Cette guerre l‘arrange, car elle lui permet de montrer au monde entier que la Russie est redevenue une puissance sur laquelle il faut maintenant compter. Les Occidentaux s’imaginent qu’il a envoyé ses troupes et ses avions en Syrie pour protéger Bachar el-Assad. Il n’en a rien à faire de ce pantin avec sa petite moustache, son père avait une autre carrure. Ce conflit vient à point pour faire oublier l’Ukraine ! Il sourit en pensant qu’il y a quelques mois, l’Allemande blondasse et le coq gaulois le menaçaient de représailles économiques. Aujourd’hui ils viennent manger dans sa main et trouvent son Bachar el-Assad fréquentable.

Vladimir serre un peu plus son doudou et s’endort satisfait.

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Au même moment Dmitri se blottit contre sa femme Svletana. C’est l’amour de sa vie. Née en 1965 dans une famille de militaires, elle a commencé à fréquenter Dmitri Medvedev à l’école quand ils avaient tous deux à peine 14 ans, dans leur ville natale de Leningrad. Ils se sont mariés en 1989. Svetlana Medvedeva a suivi des études à l’Institut de finance. Maintenant elle travaille à Moscou et à Saint-Pétersbourg dans l’évènementiel. En plus elle dirige le « Conseil de la culture morale des jeunes gens de la Russie ».

Dmitri a du mal à trouver le sommeil et rumine dans le noir. Il commence à être excédé par ces parties de ping-pong qui durent depuis des années. Être le président de la Russie a été pour lui un immense bonheur. Et il a fallu qu’il cède la place à ce nabot de Poutine…

Bien sûr c’était convenu d’avance, mais tout le monde en était d’accord : il était l’homme des réformes, en train de mener son pays vers la modernité et voilà qu’il a dû subir cette alternance. Certes il est premier ministre, mais la potion est dure à avaler quand on a connu le pouvoir suprême.

Il doit réfréner un envoi gastrique. Il sait qu’il n’est qu’une marionnette dans les mains de Vladimir et que, celui — ci va cesser d’un moment à l’autre, ce petit jeu de passe-passe. Un jour, comme tous les opposants ou les dissidents, on le retrouvera, lui Dmitri, suicidé ou victime d’un accident.

Mais il ne se laissera pas faire ! Cela fait plusieurs mois qu’il élabore, dans sa tête, un plan machiavélique lui permettant d’éliminer ce guignol qui se pavane dans les médias.

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Comme tous les matins un officier de sa garde est venu réveiller Vladimir. Une jolie soubrette lui apporte son petit déjeuner. Quand il n’est pas pressé, comme aujourd’hui, il aime bien prolonger son repas du matin par un extra…

Cependant la journée va être longue. Ce matin : un conseil des ministres avec Medvedev. Une réunion purement formelle, car il a déjà pensé aux décisions à prendre sur les différentes questions à l’ordre du jour. Il soupire. Il faut bien donner le change, la Russie est censée être une démocratie… Mais il a déjà son plan pour transformer cela. Une première chose : éliminer Dmitri. Il a fait son temps celui-là. Depuis qu’il a été président, il est moins docile. Vladimir sent bien que sans l’avouer, il nourrit secrètement des ambitions cachées. Il le fait espionner par ses services de renseignement. À ce jour rien de précis, mais l’ancien colonel du KGB qu’il était, subodore « anguille sous roche ».

À 9 heures il doit recevoir Xi Jinping. Un malin, il a su faire le ménage dans son pays pour prendre les commandes en douceur. Il n’est pas comme son homologue Nord-Coréen Kim Jong-un qu’il a vu il y a trois jours. Une vraie caricature… En opprimant son peuple comme il le fait, en coupant son pays du monde extérieur, il prépare sa fin. Tôt ou tard un officier de son armée le renversera et sera alors accueilli comme le sauveur du pays.

Tandis qu’il écoute les différents ministres exposer leurs points de vue, l’esprit de Vladimir vagabonde.

 Il voudrait bien retrouver ses maitres d’école déclarant à ses parents qu’il était médiocre et bagarreur. Oh oui il était bagarreur ! Et il l’est encore, sinon il ne serait pas là, à la tête de la Russie ! Dès l’âge de 11 ans, il pratiquait la lutte russe, le sambo et le judo. À soixante-trois ans, il est encore très sportif : tennis, ski alpin, équitation et natation.

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Il y a longtemps que Mikaïl Jelezkine est mort, mais il a confié sa petite boite à son fils. C’est la gloire de la famille : un peu de la moustache de Staline. Aujourd’hui ce souvenir prend une valeur exceptionnelle, car le 16 novembre 1989 Boris Jelezkine a appris l’impensable à la radio : le mur de Berlin a été détruit ! L’impérialisme triomphe. Qu’est devenue la puissance du pays des travailleurs ? Des jours sombres s’annoncent…

Tandis que dans la rue il rumine sur les événements, il ne voit pas la grosse voiture qui le suit lentement. Tout à coup elle accélère, s’arrête à son niveau. Deux hommes en sortent et lui frappe le crâne avec une matraque.

Quand il se réveille, il est ligoté sur un lit. Il n’a même pas le temps de prononcer un mot qu’un homme masqué lui pose un pistolet sur la tempe et l’interroge : où est la boite ? Pour prouver sa détermination, il détourne l’arme de quelques millimètres et tire. La balle laisse une trace sanglante dans le cuir chevelu de Boris. Son père était un héros de l’Union soviétique, mais lui n’a pas l’étoffe d’un héros : il parle. Cette information ne servira à rien. On retrouve son corps quelques semaines plus tard à moitié mangé par les loups dans la toundra gelée…

 

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Dmitri rumine sa haine. Quelle simagrée ce conseil des ministres ! Il sait bien, comme à chaque fois, le président terminera la séance en donnant ses ordres, faisant fi de tous les avis qui ont été exprimés et chacun s’exécutera servilement. Les places sont trop juteuses et il serait dangereux de s’opposer aux volontés du nabot. Le voir sourire et s’exprimer mielleusement l’écœure. Quand il pense qu’il y a quelques mois il était à sa place…

Profite bien mon bonhomme ! Ceci n’aura qu’un temps. Bientôt tu devras quitter ton poste de tsar de pacotille. Que peut bien lui trouver Alina Kabaeva de 30 ans sa cadette ? Ce n’est pas difficile, cette championne olympique de gymnastique a les dents longues. La gloire du sport a un temps, elle se verrait bien dans la peau d’une tsarine…

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26 décembre 1991

Hier Gorbatchev a démissionné, malgré un putsch en août 1991 des « communistes orthodoxes » l’URSS a volé en éclat et les quinze Républiques socialistes soviétiques formant l’Union ont pris leur indépendance.

Un front du refus, secret, s’est créé. Dans l’ombre il a suivi l’évolution du pays. Sous Eltsine les choses se sont encore dégradées. D’anciens apparatchiks ont bâti des fortunes, la corruption a gagné les élites, l’esprit de Lénine s’est dilué dans une idéologie capitaliste pavanant sans retenue. Quand Poutine a pris le pouvoir, les membres du front ont eu un espoir. Cet ancien colonel du KGB allait reprendre les choses en main et revenir aux sources du marxisme. La guerre en Tchétchénie semblait montrer qu’il était sur la bonne voie. Son intervention dans certaines anciennes républiques soviétiques était de bon augure. Mais finalement malgré de multiples interventions dans le bon sens, les membres du front secret ont trouvé qu’elles étaient bien lentes et bien molles. Au temps de l’Union soviétique, les choses auraient été plus rapides et plus violentes. Il y a longtemps que l’Ukraine, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie auraient réintégré la fédération. Et quel camouflet : la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie font partie maintenant de l’OTAN, comme d’ailleurs la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie.

La situation n’a que trop duré, il est temps de réagir !

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Le chef d’état-major des armées russes le général Valeri Guerassimov s’est entretenu par téléphone pour la première fois vendredi avec son homologue français Pierre de Villiers, pour discuter de la « coordination » des opérations militaires en Syrie.

Vladimir Poutine l’a reçu ensuite dans sa datcha de Novo-Ogorevo. Il est heureux de la tournure que prennent les événements. Il contourne « le grand noir américain » qui règne à la Maison-Blanche. Le président russe se frotte les mains : Obama doit se battre avec son opposition républicaine au Congrés. Le passé calamiteux de l’intervention américaine en Irak l’empêche de s’engager plus avant en Syrie. L’influence russe va donc pouvoir s’exercer pleinement au Moyen-Orient.

Poutine regagne le Kremlin satisfait. Valeri Guerassimov est vraiment sa chose. Ce militaire lui doit tout. Ce qu’il ignore c’est que cette « chose » a rencontré hier Dmitri Medvedev. Les deux hommes ont élaboré un plan pour éliminer le petit tsar et prendre le pouvoir.

Tandis qu’il regagne son bureau, Valeri Guerassimov boit du petit lait, il va gruger à la fois Poutine et Medvedev. Qu’est-ce qu’il croit cet intellectuel ? L’armée ne va pas le laisser prendre le pouvoir comme ça pour continuer cette politique libérale désastreuse.

Valeri Guerassimov est membre du front du refus. Le plan S est prêt…

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La Transbaïkalie est non loin de la frontière avec la Mongolie.

 

Au milieu des champs s’étendant sur des milliers d’hectares, on peut apercevoir plusieurs corps de bâtiment. Pour un observateur non averti, rien de suspect… Ces bâtiments font partie de la ferme qui gère cette exploitation. En fait tout se passe de façon souterraine. Des laboratoires richement équipés sont en train de mettre en application les dernières découvertes en biologie. La petite boite de Boris Jelezkine est là…

Les meilleurs chercheurs de l’ex Union soviétique combinent leurs efforts et leurs connaissances pour faire aboutir un projet jugé impossible, mais qui pourtant a réussi. Le front du refus va enfin pouvoir mettre à exécution le plan S. Le « noyau » de ce plan est maintenant opérationnel. Le général Valeri Guerassimov vient de quitter la ferme. L’Union soviétique va retrouver sa gloire d’antan…

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Vladimir exulte ! Tout est en place. Il vient de quitter les bras d’Alina après une nuit torride. Décidément sa compagne n’est pas uniquement championne olympique de gymnastique…

Il a choisi d’aller passer deux jours à Sheregesh une station du massif de l’Altaï en Sibérie.

Il se relaxe en descendant la neige sèche et poudreuse. Alina a choisi de rester à la résidence faire la grasse matinée. Il veut montrer à sa maitresse et au monde entier qu’il est le surhomme dont tous les médias distillent l’image. Aujourd’hui il jubile d’autant plus qu’à Moscou les hommes de Valeri Guerassimov vont agir : Medvedev va tomber par la fenêtre, un regrettable accident… Comme celui d’Edvard Beneš en 1948 après le coup de Prague. Quelle idée de se pencher ? Dans le même temps, les partisans de Medvedev vont être arrêtés : ils préparaient avec leur chef un coup d’État. Il aura des preuves irréfutables à leurs procès, ensuite ils seront envoyés loin, très loin aux goulags toujours en fonction. Vladimir sourit : la chute de Dmitri ne sera pas un accident pour les médias, son complot démasqué il se sera suicidé. Il n’y aura plus qu’un seul maitre en Russie le grand Poutine !

Tandis que toutes ces idées défilent dans son cerveau Vladimir, entame sa deuxième descente. Il glisse à tombeau ouvert. L’image rejoint la réalité… En haut d’une bosse, sa tête éclate, touchée par un projectile. Dans le même temps ses gardes du corps poursuivent leurs courses le corps criblé de balles. La neige de Sheregesh n’est plus blanche… Le commando des loups rouges décroche. À la résidence Alina Kabaeva achève sa grasse matinée, la tête coincée solidement sous un oreiller. Ainsi se termine le rêve de la future tsarine !

Au même moment à 4000 km de là, Medvedev repose son téléphone. Tout s’est bien passé ! Vladimir n’est plus, des militaires ont arrêté tous les partisans du petit tsar. Il est maintenant le président autoproclamé de la Russie. Il va dissoudre la Douma et le Conseil de la Fédération. Toutes les télévisions, radios annoncent : « le tyran est tombé ». La Russie entre dans une période de renouveau avec un homme providentiel : Dmitri Medvedev.

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Mars 2016.

Le général Valeri Guerassimov regarde le nouveau président à la télévision. Quel polichinelle celui-là ! Il s’imagine que son heure est arrivée !

Plus qu’une heure et le plan S va se déclencher…

À 19 h, heure de Moscou, tous les écrans de télévision s’éteignent. Au bout de trois minutes qui semblent une éternité, l’image réapparait. La stupeur fige les téléspectateurs. Inimaginable ! Staline est là, tel qu’il était à l’âge de vingt-quatre ans. Il annonce qu’il reprend les commandes, l’URSS renait de ses cendres. L’armée russe redevient l’Armée rouge. Elle fait route de tous les côtés de l’empire, elle envahit l’Ukraine, la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie.

Tous les traitres ont été arrêtés. Medvedev et Gorbatchev sont exécutés. Les travailleurs ont repris le pouvoir.

Tous les Russes s’interrogent sur cette résurrection de Staline. Ils l’apprendront plus tard…

Valeri Guerassimov lui sait tout. Des cellules de la moustache de Staline ont été prélevées et clonées en Transbaïkalie. Les chercheurs sous l’impulsion du front du refus ont ressuscité le double de Joseph Vissarionovitch Djougachvili. Sous l’influence de ses maitres à penser, l’enfant, l’adolescent puis l’adulte n’avait qu’une hâte reprendre le pouvoir volé par les valets du capitalisme…