Assis sur un banc, le menton appuyé sur le pommeau de sa canne, le vieil homme observe, de l’aube côté de la grille, les enfants jouer dans la cour de l’école.

Deux petits élèves viennent timidement d’échanger une bise. Il imagine leurs prénoms, Jordan ? Déborah ? Il y a longtemps que les enfants ne se prénomment plus Pierre ou Marie-Hélène. Les amours enfantines en ont-elles changé pour autant ?

C’est la dernière récréation avant les vacances et les enfants circulent en ribambelle. Pierre précède Marie-Hélène, il sent sa petite main chaudement insérée dans la sienne. Leurs tabliers d’écolier se balancent au rythme de leurs pas et leurs voix se mêlent dans une entraînante comptine. Pierre est heureux.

Pierre voudrait que la ribambelle ne s’arrête jamais. Au départ il s’est débrouillé pour être à côté de Marie-Hélène, leurs mains se sont naturellement rencontrées et ils se sont souri.

A la fin de la récré, la ribambelle défaite, ils se tiennent encore par la main, le retour en classe les sépare cependant. Mais à présent il sait écrire et il connaît déjà les jolis mots qu’il va lui dédier.

Des mots qui ont traversé le temps.

La comptine résonne dans la tête du vieil homme et il se laisse envelopper par la douce brume de ce bonheur lointain. Une vie est passée.

Quelques notes dans un haut parleur le tirent de sa rêverie et il voit les deux enfants, chacun rejoignant son corps de bâtiment, prendre des directions différentes.

Pierre se lève, son visage se plisse légèrement et on ne sait si c’est un sourire. En s’appuyant sur sa canne il s’éloigne lentement.