On se pose souvent ici la question de savoir ce qu’est un bon texte, un bon poème ou un bon commentaire et, heureusement, on continuera toujours de se la poser.

 

Quand nous étions “jeunes et larges d’épaules“, nous travaillions comme des forcenés, mais pour continuer à ramer sans attaquer la falaise, nous nous posions la question des finalités, des buts, et des objectifs des actions que nous menions. Bref, à quoi ça servait et pourquoi tout ça ? Et surtout, comment saurions-nous que nous avions convenablement réussi et qu’on pouvait se reposer un peu ?

 

Alors, nous avons beaucoup réfléchi aux critères, aux critères de réussite. Les critères sont apparus souvent très généraux, un peu idéologiques, voire philosophiques : utilité, meilleur service, meilleures performances, cohérence, fluidité des relations,… Il nous fallut bien trouver autre chose de plus mesurable, et ce pragmatisme nous amena à rechercher des indicateurs, des choses bien concrètes qu’on allait pouvoir constater, vérifier, mesurer, pour nous assurer que nos projets avaient finalement l’impact attendu.

La relation qui lie les critères aux indicateurs est du même ordre que celle qui lie les finalités (plus vagues) aux objectifs (plus mesurables): on travaille dans le dur, on éclaire la route, on explicite le vague et le confus. Et, ainsi, nos esprits cartésiens s’en trouvèrent confortés.

 

Mais comme toute pensée, serait-elle industrielle et mécanique, tend à l’universalité, nous essayâmes d’entreprendre une généralisation de cette histoire de critères et d’indicateurs aux simples choses de la vie courante. Pour nous détendre.

 

Quelle femme n’a jamais entendu son collègue de travail lui demander : “Mais c’est quoi, ce que tu aimes chez un homme, toi ?”. Quelle femme n’a jamais posé la question “Mais toi, qu’est-ce qui te plaît, chez une femme ?”.

 

Bien sûr, nous aussi, nous nous posions ces questions fondamentales, mais pragmatiques que nous étions, nous décidâmes d’aborder ce thème plus formellement sous l’angle des critères, et la question, ou plutôt l’injonction, devint : “Bon, c’est bien joli ton discours, mais donne-moi trois critères d’évaluation !”

Un genre de flirt, anodin comme une marche d’approche – les montagnards et tous les grimpeurs me comprendront -, mais qui ne manquait pas d’émoustiller nos heures de réflexions considérées plus sérieuses, et surtout pour lesquelles nous étions rémunérés.

 

Mes trois critères personnels furent, dans l’ordre : “Gaie, Intelligente et Sensuelle”, critères qui finirent par retenir une certaine unanimité, à tel point que mes collègues femmes prirent l’habitude de me demander : “Et celle-là, combien tu lui donnes pour le G.I.S. ?”.

Bien sûr, nous constatâmes rapidement que cela était insatisfaisant et qu’il fallait spécifier bien davantage, trouver des indicateurs pour chacun de ces critères, des choses qu’on pouvait mesurer sans ambiguïté, car les questions devenaient… : “Mais qu’est-ce qui fait que tu la trouves sensuelle ?” ou bien “Mais comment peux-tu savoir qu’elle est intelligente ?” Des bêtises de pause cigarette.

 

Maintenant, je me dis que ces trois critères sont tout de même ceux du cœur, du cerveau, et du sexe, trois gros moteurs de forte cylindrée, et qui ne sont pas aussi stupides et risibles que nous pensions. Oui, je vous entends dire que tout cela est inextricablement lié, et vous avez raison, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut abandonner ! Oui, je sais que votre organe sexuel majeur est votre cerveau, et vous avez raison jusqu’au seuil de l’orgasme. Oui, je sens que trouvez risible cette dissection.

 

Nous n’arrivâmes pourtant jamais à nous dépêtrer des indicateurs car il est éminemment évident qu’un même indicateur peut servir à mesurer plusieurs critères.

Tenez, prenez simplement un indicateur incontestable, purement objectif et mesurable : la fréquence cardiaque. Eh bien, la fréquence cardiaque, elle mesure tout cela à la fois. Vous comprenez dans quel embarras nous fûmes. Même chose pour la dilatation de la pupille ! Je sens que la dilatation vous amène bibliquement à penser à un autre indicateur mesurable, incontestable celui-ci, mais qu’une pudeur naturelle m’interdit d’évoquer. Finalement, cette recherche fondamentale n’a pas vraiment abouti mais nous a livré de beaux instants.

Libre à vous de m’adresser l’état de vos investigations personnelles sur ces questions ; il s’agit ici de faire avancer la science.

 

Bon, là, j’ai l’impression de rédiger une mauvaise copie pour le bac, les références philosophiques ou scientifiques me manquent atrocement, mais peut-être m’en fournirez-vous, alors je vais vous laisser méditer.

 

Et si vous m’avez lu jusque-là, c’est qu’au moins vous avez du cœur, un cœur que je salue !