I –

 

Tablier gris

Pas lents dans la cour

Ma grand-mère

Pense au repas de midi

La poussière murmure sous ses pas

 

Doucement, elle pousse le grillage de la porte

Et sans un mot, entre dans le pigeonnier

Affolement ! Battement d’ailes !

Au creux de sa main

Déjà l’oiseau palpite

 

Elle le met dans sa poche

Comme sans y penser

Hume un peu l’air du matin

Sort de la volière

Et ouvre la main

 

L’oiseau ne bouge plus

Sa petite tête tombe, sur le côté

 

 

 

 

II –

 

L’après-midi d’été

Étire mon ennui

Sur le sol de la cour

Le silence frappe comme un marteau

 

J’aligne les bobines de fil vides

Mes petits soldats défilent, s’accordent

Ordonnés, silencieux

Je suis leur maître

La main qui commande

Jusqu’au soir

 

Dans un rythme immuable

Ils dessinent des arabesques

En attendant les étoiles

 

Puis je les range

Dans leur boîte

Jusqu’à demain

 

 

 

 

III –

 

Mon oncle,

Assis sur sa table depuis des heures

S’est levé

Il a posé ses ciseaux

C’est le soir

 

Nous sortons

Entre les grands murs arabes

Les grands murs blancs et chauds

Rongés de salpêtre

 

Sa main est douce

Comme les tissus de soie

Comme un accord parfait

 

Il fume en regardant les étoiles

Nous rentrons

 

 

 

 

IV –

 

Fin de journée

Un bar minuscule

Comme un alexandrin coupé en quatre

Visages tannés

Des ouvriers fatigués

 

L’heure de la prière est passée

Crible obligatoire

On boit je ne sais quoi

Du thé, de l’orgeat

Du vin, peut-être

 

Humble mendiant

Je quête un pourboire

Pour remplir

Ma boîte en fer blanc