Un milliardaire avait tiré de l’argent tous les plaisirs possibles. L’argent lui avait donné l’amour, la volupté, les voyages, la puissance…

Maintenant au seuil de la vieillesse, il désirerait se retirer en lui-même pour trouver un sens à la vie et plus rien d’autre ne l’intéressait. Il se mit à rendre visite aux philosophes, aux poètes et aux sages de tous les pays, mais ce fut en vain qu’il chercha auprès d’eux une réponse à la question cruciale : la vie a-t-elle un sens ?

 Enfin on finit par lui indiquer un ermite hindou qui vivait dans une grotte sur les contreforts du Tibet. Certainement ce vieillard saurait apaiser son inquiétude.

 Alors le milliardaire mit sur pied une grande expédition. Il engagea des guides et des porteurs pour le conduire jusque dans la grotte perdue au fin fond de l’Himalaya.

 Après des mois d’un difficile voyage, après avoir surmonté les embûches de la forêt, de la montagne et du froid, après avoir repoussé les attaques de grands fauves, après avoir subi des orages, des cyclones et des cataclysmes sans nombre, notre homme arriva, seul survivant de sa caravane, au terme de ces épreuves et au seuil de la caverne.

 

Il y pénétra.

Un patriarche chenu et vénérable était là, qui semblait l’attendre. Le milliardaire s’inclina devant lui et prit la parole :

  • Je suis venu de très loin pour te demander quel est le sens de la vie…

Alors le vieillard considéra son visiteur en silence et lui répondit très lentement :

  • La vie est un grand fleuve tranquille…
  • Comment ? Dis l’autre.
  • La vie est un grand fleuve tranquille ! répéta le vieillard avec béatitude.
  • Mais enfin, ce n’est pas possible ! s’écria le milliardaire. J’ai marché, souffert et risqué mille fois la mort pour arriver jusqu’ici. J’ai perdu tous mes compagnons. J’ai presque perdu la santé. Tout cela pour atteindre la vérité suprême. Et tout ce que tu me trouves à dire, c’est une ânerie pareille ?

 Alors le vieillard soudain pris de panique se mit à bégayer les lèvres tremblantes :

  • Que me dis-tu mon fils ! Ce n’est pas possible ! La vie n’est pas un grand fleuve tranquille !