Ah ! Tiens ! te revoilà ? Après tant d’années, tu te souviens soudain de moi… de moi qui avais oublié jusqu’à la caresse de tes mains. Oh ! comme j’aimais alors cette douce et tendre frappe sur mes rondeurs, aux temps où tu aimais me prendre sur tes genoux pour me faire vibrer, me serrer contre toi jusqu’à … non, je ne dirais pas jusqu’à l’orgasme, pas souvent en tout cas, mais au moins jusqu’à cette extase commune qui pouvait durer des heures… ! Du temps où tous les deux nous étions dans cette symbiose toujours attendue, toujours répétée.

Alors donc, te revoilà. Je vois que tu te sens honteux ; tu peux l’être ! Tu baisses les yeux et c’est ce que tu as de mieux à faire quand tu vois que pour toi je suis restée la même : la modestie, la contrition, c’est ce qui te conviendra le mieux aujourd’hui. Tu sais, personne ne m’a touchée depuis toi. Allez ! essaie ! rapproche-toi, tu sais que je ne crains rien de toi. Dois-je le dire : je t’ai toujours espéré, toujours attendu. Accordons de nouveau nos âmes pour de nouvelles symphonies…

Mais que fais-tu ? Tu m’écorches ! Mais où sont passés tes doigts si doux, caressants, si habiles à me faire vibrer, tes ongles dont les griffures n’étaient que des caresses. Je vois que tu ne m’avais pas abandonnée pour une autre ; s’il en existait une autre tu ne serais pas devenu si maladroit ! Mais non ! Pas comme cela ! Il te faut tout réapprendre, me réapprendre ! D’abord, ne me serre pas si fort et mets ta main là, oui comme ça, un peu plus haut, et pose tes doigts là, comme ça. Non ! tu te trompes ! Oui, mon cri écorche tes oreilles, mais tu comprends bien que tout cela est de ta faute ! Tu as tout oublié ! Patience, mon aimé, tu vas devenir de nouveau le virtuose de nos dimanches de bluegrass et de nos nuits de blues jusqu’à plus d’heure. Tu verras, tu verras !

Hum… je ne me sens pas très bien tout d’un coup. C’est le sol qui ne va pas, le sol a bougé je crois… Ferme les yeux, mon aimé, et recommence à m’accorder doucement la quatrième sans la casser. Sans la casser ! et oui, tu verras, ça va aller.