Par une belle journée de printemps, Julien Entrevoix profite du week-end pour partir faire un peu de jogging le long de la Seine. Il n’est pas encore sept heures quand il sort de son appartement. Négligeant l’ascenseur il descend rapidement, mais précautionneusement, car les marches de l’escalier sont recouvertes d’un tapis rouge usé par le temps.

L’épreuve commence : il doit éviter les barres métalliques dorées qui sont déboitées sur certaines marches. Les yeux fixés sur ses pieds, il maintient sa main droite au-dessus la rampe, prêt à réagir au moindre dérapage.

L’immeuble est silencieux, il passe devant la loge de la concierge fermée, le samedi et se retrouve bientôt sur le trottoir. Un air vif lui pique le visage. Il adore cette sensation. La rue de la Convention est vide. Déclenchant son chronomètre il commence à courir en direction du pont Mirabeau. Il rencontre deux ou trois passants se rendant à leur travail, mais le samedi il n’y a pas foule dans les rues à 7 h du matin. La circulation est pratiquement inexistante. Au passage il admire la pelouse, bien entretenue, derrière les grilles de l’annexe du ministère des Affaires étrangères. Seuls la statue de Gutenberg et l’immense bâtiment rougeâtre rappellent l’existence de l’ancienne imprimerie nationale.

Puis il se retrouve sur les berges de la Seine.

Le long du pavillon chinois de la station Javel, il rencontre déjà plusieurs coureurs du « samedi ». Il jette un coup d’oeil sur les deux statues accrochées à la voûte du pont Mirabeau et se souvient de la dernière crue où les colosses avaient les pieds qui baignaient dans la Seine.

Les dégradations des bâtiments placés le long de la berge montrent encore l’importance de l’inondation. Certains ont été restaurés, mais pour d’autres il ne reste plus que la charpente et des dépôts de boue sur le sol.

Il accélère, les souffrances du début de la course commencent à se dissiper. Il passe sous le pont de Grenelle et longe les superbes navires de croisières amarrés le long du quai. Seuls sur les ponts s’affairent quelques hommes d’équipage. En cette heure matinale, les touristes dorment encore dans leur cabine. Plus loin l’étrave récupérée du « France » rappelle le souvenir du prestigieux navire.

Une odeur de vieilles urines lui saute au nez, car les voûtes du pont sur lequel passe le RER sont souvent la résidence de SDF.

Il doit ralentir le rythme, la portion goudronnée s’étant transformée en pavés beaucoup, moins agréable pour les jambes.

Il longe une dizaine de péniches amarrées là depuis de nombreuses années. Julien les connait bien, il fait souvent ce périple.

À chaque fois, il se demande quel plaisir on peut avoir à habiter sur l’eau. La majorité des péniches sont en mauvais état et l’étanchéité des coques pose problème. II passe sous le pont Bir-Hakeim au moment où une rame du métro traverse la Seine. Le quai redevient plus praticable. Il aborde la partie « chic » des berges en passant à côté des bateaux réservés à l’organisation de réceptions.

Le quai est devenu plus large. Plusieurs cars utilisés pour les visites touristiques de Paris y stationnent.

Comme toujours il admire la majesté de « la dame de fer » surplombant le pont. Le quai rétrécit à côté une des piles faisant place à une frayère permettant aux pauvres poissons parisiens de se reproduire.

Puis voilà l’embarcadère des bateaux-mouches. À cette heure-là, pas de touristes, mais de nombreux camions de livraison.

Le plus souvent il va jusqu’à la passerelle des Tuileries, mais aujourd’hui il décide de traverser par la passerelle métallique Debilly. Depuis que les cadenas ont été retirés et interdits au pont des Arts, des touristes y accrochent maintenant les leurs. Arrivé sur la rive droite, il accélère son allure en direction du pont de Bir-Hakeim

Le pavage du quai rend le déplacement plus laborieux. À nouveau il passe à côté de péniches résidentielles en face de la Tour Eiffel.

Le quai se termine, car il aboutit à la voie sur berge réservée aux voitures. Il va gravir les marches de l’escalier conduisant sur le trottoir surplombant la Seine quand il aperçoit un sac à main de femme ouvert sur les pavés.

Vraisemblablement un sac provenant d’un vol à l’arraché que le voleur a rejeté après y avoir pris les choses de valeur.

Ce genre de découverte est assez fréquent, un instant il s’arrête puis il continue. Mais la curiosité est plus forte et il ne peut s’empêcher de revenir en arrière et de ramasser le sac.

Rapidement il l’engouffre dans son sac à dos à côté de sa bouteille d’eau.

De retour chez lui Julien l’examine. Comme il le pensait, il est presque vide. Souvent les voleurs prennent les espèces, les cartes bancaires, mais laissent les pièces d’identité. D’autres au contraire gardent aussi ces dernières qui peuvent se monnayer. Ça doit être le cas aujourd’hui, le sac ne contient plus qu’un stylo à bille, plusieurs cachets de paracétamol, un poudrier, une lime à ongles, un papier plié en deux et une ampoule.

Rien de tout cela ne permet d’identifier la propriétaire.

Julien examine l’ampoule. Elle est en verre orangé, fermée à ses deux extrémités et d’une taille plus importante que celle que l’on rencontre d’habitude. Quel médicament peut-elle contenir ? Le jeune homme la tourne dans tous les sens. Aucune inscription ne figure sur le verre. Il la pose doucement sur la table et déplie le papier. C’est un reçu d’un dépôt de nettoyage chez un teinturier. L’adresse du commerçant figure sur le papier. Peut-être le moyen d’identifier la personne ?

Chez le teinturier, avenue Félix Faure, il présente son papier, le cœur battant. Il voit le système d’accrochage des vêtements se déplacer doucement. Au bout d’un certain temps, la jeune femme tend une perche et décroche une robe.

Julien prend son air le plus bête, il a réfléchi longuement à une stratégie pour identifier la femme propriétaire du sac. Il dit à l’employée :

  • Est-ce que ma fiancée n’avait pas aussi un corsage en dépôt chez vous ? 

Celle-ci examine le reçu et répond :

  • Non, monsieur ! Je pense qu’il n’y avait qu’une robe 
  • Vous pourriez vérifier SVP ?

La femme lève les yeux au ciel et en soupirant consulte son ordinateur.

Puis en tournant légèrement l’écran.

  • Voyez monsieur ! Seulement une robe !
  • Ah oui ! Excusez-moi !

En sortant de la teinturerie, il répète dans sa tête : « Fatima Yousfi », « Fatima Yousfi ».

Julien ne savait pas pourquoi tout cela l’excitait. Ce sac trouvé sur les quais était un événement inattendu dans sa vie très monotone. Employé dans une succursale de la Société Générale cet intermède le changeait du traitement des bordereaux. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut mener une véritable enquête policière.

Selon toute vraisemblance la femme appelée Fatima Yousfi devait habiter le quartier pour y déposer une robe dans cette teinturerie. À moins qu’elle travaille dans les environs ? Il fallait se pencher sur la première hypothèse. Julien a déposé la robe sur son lit et tout en explorant les Pages blanches sur son ordinateur, il essaie de s’imaginer sa propriétaire. Sans aucun doute une jeune femme. Il n’est pas spécialiste, mais sur l’étiquette il a lu la taille : 36. La forme, le tissu tout cela évoque une silhouette jeune. Il se l’imagine 1,60 m, 50 kg, de 25 à 30 ans, brune, une « Fatima » ne peut être que brune ! Quelle tête fera-t-elle quand il lui rapportera son sac et sa robe ?

Son esprit vagabonde, il brode. Qui sait si cette rencontre n’ira pas plus loin ? Quelle façon originale de faire connaissance ! Il se voit déjà raconter l’histoire à ses enfants et petits-enfants…

Tandis qu’il cogite, l’ordinateur lui sort les résultats de sa recherche. Les choses se compliquent ! Il y a trois Fatima Yousfi ! La première rue de Général Beuret, la deuxième rue Balard et la troisième rue St Charles. Cela ne va pas être simple ! Un moment il est prêt à renoncer. En fait qu’en a-t-il à faire de ce sac ? Les vols à l’arracher sont monnaie courante à Paris. Il aurait pu tout aussi bien ne pas ramasser ce sac…

Est-ce l’image qu’il s’est bâtie de la jeune fille qui l’arrête ? Il décide de continuer ses recherches.

Par laquelle commencer ? Aller sur place ou téléphoner ?

Certes téléphoner serait plus pratique, mais comment identifier la « bonne » Fatima ? Et puis quel prétexte trouver pour justifier l’appel ? Il décide d’être direct : « Vous n’auriez pas perdu un sac ? » Cette simple question vaut toutes les introductions.

Il commence par la Fatima de la rue du Général Beuret.

En composant le numéro, Julien est anxieux, il prépare sa voix en raclant dans sa gorge.

Une sonnerie, deux, trois, quatre… Il n’y a personne ! Puis brusquement cela décroche. Une voix féminine avec un fort accent maghrébin. Il explique la raison de son appel. Il se demande si son interlocutrice ne va pas lui raccrocher au nez. En fait elle est très aimable, ce n’est pas elle qui est concernée par la perte du sac !

Deuxième appel : rue Balard. Personne ne répond. Pas de répondeur.

Troisième appel : échec !

Julien décide d’aller sur place. Il a placé le sac dans un cabas. Il n’est pas question qu’il se promène avec un sac de dames à la main. On pourrait le soupçonner d’être un voleur à la tire…

La rue Balard est assez longue, le jeune homme arrive à l’adresse relevée sur les Pages blanches. Pas très loin, du parc André Citroën, un immeuble bourgeois haussmannien. Impossible d’y rentrer. Il faut taper un code sur un clavier. Jullien marche de long en large sur le trottoir attendant l’entrée éventuelle d’une personne habitant l’immeuble.

La chance est avec lui ! Une camionnette Monoprix s’arrête et un livreur décharge du véhicule trois cartons qu’il place sur un chariot, présente un badge devant le clavier et pénètre dans le hall. En souriant, Julien entre négligemment derrière lui.

Tandis que le livreur entasse les cartons dans l’ascenseur, le jeune homme examine systématiquement les boîtes à lettres. Bingo ! Sur l’une d’entre elles, est inscrit : « Fatima Yousfi 2e G ».

Il emprunte l’escalier et arrive au second. Une intuition lui dit que cette fois-ci, il va enfin rencontrer cette adorable jeune fille dont il s’est bâti l’image. Il sonne le cœur battant, guettant un bruit derrière la porte, mais la cage d’escalier demeure silencieuse. Il sonne une deuxième fois, toujours sans succès.

Il redescend, sort un bout de papier de son portefeuille, inscrit le but de sa visite et son numéro de téléphone et le place dans la boite à lettres en sortant. Il faut attendre.

La rue St Charles n’est pas loin, Julien va tenter sa dernière chance.

Cette fois-ci l’immeuble est ancien. Le porche est encadré par une épicerie arabe et un restaurant asiatique.

Aucune difficulté pour entrer dans une cour dont l’accès est fermé par une grille à moitié rouillée. Julien pousse les barreaux du portail qui s’ouvre avec beaucoup de difficulté. Les bâtiments qui donnent sur la cour sont en plus mauvais état que celui donnant sur la rue. La cour est encombrée d’objets hétéroclites : un vieux vélo rouillé, deux poussettes, une machine à laver hors d’usage, une plante verte qui ne l’est plus vraiment.

Deux portes en bois donnent accès aux blocs, Julien pousse celle de droite, une odeur d’humidité lui remplit les narines. En tâtonnant, il réussit à trouver un interrupteur. Il appuie. Une ampoule au bout d’un fil éclaire d’une lumière blafarde un couloir aussi vétuste que le bâtiment. Sur le mur il repère quelques boites à lettres dont un grand nombre sont cassées. Quelques étiquettes effacées par le temps et la crasse… Pas de « Fatima Yousfi ». Les choses se compliquent ! Le jeune homme se rend dans le bloc de gauche. Même constatation… Que faire ? Il reste quelques instants debout dans la cour explorant du regard les fenêtres. Derrière laquelle se trouve Fatima ?

Soudain une idée lui traverse l’esprit.

Il sort et entre dans l’épicerie. Un vieil homme est assis derrière la caisse. Voyant entrer un client son visage s’illumine avec un sourire commercial.

Julien se saisit d’un paquet de chips et le pose sur le comptoir.

Tandis qu’il paie, il interroge le commerçant.

Connaît-il Fatima Yousfi ? Il a trouvé un sac qui lui appartient et voudrait bien lui rendre, mais il ne sait pas à quel étage elle habite.

L’épicier le regarde avec méfiance. Finalement, il se décide à lui répondre. Fatima n’est pas là actuellement, elle est partie quinze jours en Algérie voir ses parents.

Le jeune homme le remercie et sur un bout de papier il écrit son nom, son adresse et son numéro de téléphone. Si l’épicier peut le donner à Fatima à son retour, il lui en sera reconnaissant.

Julien sort tout joyeux de la boutique, il sent que les choses se concrétisent.

Le pauvre ne sait pas que l’homme qu’il vient de quitter est en train de téléphoner…

Cela fait une journée qu’il a déposé ses deux papiers et pas de nouvelles.

Comme samedi dernier il décide d’aller courir le long des quais de la Seine. De penser à Fatima, le remplit d’allégresse. Aucun doute ! Quand il va la rencontrer, sa vie va changer. Ce sac trouvé au bord de la Seine est un signe du destin. L’incertitude va bientôt être levée. Quelle Fatima est la bonne, celle de la rue Balard ou celle de la rue St Charles ?

Tout à ses pensées il arrive sous le pont Bir-Hakeim, il regarde une voiture pleine de poussière qui est là en permanence. Les vitres sont tellement sales qu’il est impossible d’en voir l’intérieur. Julien la voit depuis des années. Il a la conviction qu’elle sert de refuge à un SDF. Il aperçoit un coureur qui arrive en face à lui, il s’apprête à lui sourire. Il y a de la fraternité qui s’exprime, entre les passionnés du jogging. On se fait un signe de la main ou on se salue par un rictus aimable.

Mais au lieu de le saluer ou de lui sourire le coureur s’est déporté brusquement, un couteau à cran d’arrêt s’est ouvert dans sa main droite et s’est enfoncé dans la poitrine du jeune homme. Coupé dans son élan, Julien s’écroule sur les pavés. Tranquillement l’homme continue de courir.


Le commissaire Rhodia de la brigade criminelle est chargé de l’enquête.

Un jeune homme a été poignardé sur les quais de la Seine. Il est hospitalisé à l’hôpital George Pompidou. Il est dans le coma et son pronostic vital est engagé.

Un certain nombre d’éléments étonnent le commissaire.

Pourquoi a-t-on poignardé Julien Entrevoix ?

Rien dans la vie du jeune homme ne justifie cette attaque.

Rien de particulier n’a été trouvé dans la vie banale de cet employé de banque d’une succursale de la Société Générale. Ces collègues le décrivent comme un garçon calme et timide. Sa concierge en parle comme d’un locataire discret, les voisins le connaissent à peine : quelques salutations dans les escaliers et dans le hall. Les commerçants du quartier l’ont à peine remarqué.

Le commissaire Rhodia pourrait retenir l’hypothèse de l’agression par un déséquilibré. Mais en général ceux-ci s’acharnent sur leur victime. Ici les choses se sont passées très vite. Un témoin qui se trouvait à une cinquantaine de mètres raconte que l’agression a été très brève comme si l’individu connaissait sa victime. Mais l’élément le plus suspect c’est que l’appartement de Julien Entrevoix  a été fouillé de fond en comble comme si les voleurs cherchaient quelque chose de particulier. Aucun objet de valeur n’a été emporté…

Un homme du commissaire Rhodia chargé d’examiner systématiquement l’appartement de Julien lui rapporte qu’il a trouvé sur le répondeur du jeune homme le message d’une femme, appelée Fatima Yousfi habitant rue Balard parlant d’un sac. Après la découverte de ce message, elle a été auditionnée. Elle était partie quelques jours à Marseille et a trouvé un papier dans sa boite à lettres à son retour. Julien Entrevoix  l’informait qu’il avait trouvé un sac sur les quais et lui demandait s’il était à elle. Elle lui répondait dans son message qu’elle n’avait pas perdu de sac…

Or aucun sac n’a été trouvé au domicile du jeune homme ! Est-ce cela que les étranges voleurs cherchaient ? Le mystère s’épaissit… Qu’y- avait-il de si précieux dans ce sac pour qu’il justifie l’agression de Julien Entrevoix  et le saccage de son appartement ?

Le commissaire Rhodia est à la fois découragé et intrigué. Ce grand flic est réputé pour ne pas lâcher une affaire sans en avoir exploré la plus petite piste.

Un juge a délivré une commission rogatoire pour que les policiers puissent accéder aux échanges téléphoniques du portable de Julien. Trois numéros surtout intriguent les enquêteurs. En effet ils correspondent tous les trois à des personnes s’appelant « Fatima Yousfi ». Parmi elles, la Fatima Yousfi de la rue Balard, mais aussi une Fatima Yousfi résidant rue du Général Beuret et une Fatima Yousfi habitant rue St Charles. Ainsi donc pour une raison encore inconnue Julien Entrevoix  cherchait à contacter une Fatima Yousfi. Pour lui rendre son sac ? Un nom figurait-il dans le sac ?

La Fatima Yousfi résidant rue du Général Beuret est vite interrogée par les policiers, elle s’est expliquée avec Julien, elle n’était pas la personne qu’il recherchait.

L’enquête se concentre sur la rue St Charles. Une jeune fille âgée de 23 ans, nommée Fatima Yousfi habite effectivement dans l’immeuble. Elle est caissière dans un Lidl de la rue. Ses voisins ne l’ont pas vu depuis une dizaine de jours. Elle est d’origine algérienne. Est-elle partie en Algérie ? Personne ne peut l’affirmer sauf l’épicier du bas de l’immeuble qui lui est formel. A-t-il vu Julien Entrevoix ? Il jure que non. L’enquête piétine…

Un appel de l’employeur de Julien relance les recherches. En triant les affaires du bureau du jeune homme, on a trouvé dans un des tiroirs un sac de dames…

Le commissaire Rhodia se rend immédiatement sur place.

C’est un sac de cuir noir avec une poignée de même couleur. Il ne doit pas avoir grande valeur, une copie, comme l’indique l’inscription « Viton ». Le policier fait l’inventaire du contenu : un stylo à bille, plusieurs cachets de paracétamol, un poudrier, une lime à ongles et une ampoule. Apparemment aucune inscription ou aucun objet permettant d’identifier la propriétaire. Julien Entrevoix  a dû trouver autre chose…

Mais c’est l’ampoule qui intrigue le commissaire.

Elle est en verre orangé, comme celle qui contient habituellement des fortifiants. Mais elle est d’une taille plus importante que celle que l’on rencontre d’habitude. Le verre est plus épais. Quel médicament peut-elle contenir ? Aucune indication sur les parois.

Le sac et son contenu sont envoyés dans les laboratoires de la police scientifique. Peut-être que des traces d’ADN permettront d’en savoir un peu plus ?

 

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Trois jours après le commissaire Rhodia reçoit un appel téléphonique du responsable du laboratoire qui demande à le rencontrer. Cette procédure est exceptionnelle, d’habitude les résultats des expertises arrivent sous la forme d’un rapport écrit.

Un chimiste présente l’ampoule en la maniant avec la plus grande précaution.

Le liquide contenu dans l’enceinte en verre a été identifié par une méthode opto-physique sans ouvrir le récipient.

Il est formel, l’ampoule contient du B5112.

Devant les yeux étonnés du commissaire, il explique

Le B5112 est un liquide extrêmement volatil qui donne un gaz très toxique semblable au gaz Sarin. Il est même plus dangereux que le gaz sarin, car il suffit d’une quantité encore plus minime pour tuer plus d’une centaine de personnes.

C’est l’armée américaine qui a mis au point le B5112, mais les Russes et les Chinois sont eux aussi capables de synthétiser cette molécule.

L’affaire prend une autre dimension…

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La hiérarchie du commissaire Rhodia averti par celui-ci comprend qu’on est plus dans une affaire purement criminelle. Elle transmet l’information à la cellule antiterroriste.

La découverte d’une ampoule de B5112 dans un sac de dames est extrêmement grave. Cela signifie que les réseaux islamistes ont décidé de programmer un attentat terroriste. Vraisemblablement dans le métro ou dans une salle de spectacle. Les grandes salles ne manquent pas : AccorHotels Arena, le Palais des Congrès de Paris, le Zénith Paris, le Dôme de Paris-Palais des sports. La toxicité du B5112 est telle que tous les occupants de ce genre de salle seraient décimés. On a eu beaucoup de chance. La jeune femme Fatima Yousfi était sûrement la combattante de Daesh ayant pour mission de commettre un attentat suicide. Une ampoule à briser au bon moment… La France peut remercier le voleur qui s’est emparé du sac de la jeune femme et l’a ensuite jeté sur les quais.

Qu’est devenue Fatima Yousfi ? Est-elle partie en Algérie, en Syrie ou en Irak ? Cette hypothèse est peu crédible. Elle a sûrement été exécutée, les terroristes ne pardonnent pas les erreurs. L’ampoule était plus importante que tout, d’ailleurs ils ont cherché à la récupérer en fouillant de fond en comble l’appartement de Julien Entrevoix.

Une interrogation hante les esprits des responsables de la cellule antiterroriste. Y a-t’il d’autres ampoules en circulation ? Il va falloir secouer les indicateurs qui noyautent les réseaux islamistes. Un élément positif dans cette réflexion : si les terroristes avaient prévu plusieurs attentats du même genre, en tout état de cause ils auraient eu lieu !

Le président Macron a réuni la cellule de crise de l’Élysée. On est passé à deux doigts de la catastrophe. Cet attentat aurait été une attaque majeure contre la France. Il est urgent de réagir, d’identifier le réseau responsable de cette attaque chimique. D’où vient ce B5112 ?

Est-ce que les chimistes de Daesh sont capables à ce jour de le fabriquer ou leur a-t-il été fourni par une puissance étrangère ? Les services de renseignement français doivent impérativement prendre contact avec les services alliés pour savoir s’ils ont des informations sur ce gaz et les avertir des dangers que courent leurs pays.

 

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La Transbaïkalie est non loin de la frontière avec la Mongolie.

Au milieu des champs s’étendant sur des milliers d’hectares, on peut apercevoir plusieurs corps de bâtiment. Pour un observateur non averti, rien de suspect… Ces bâtiments font partie de la ferme qui gère cette exploitation. En fait tout se passe de façon souterraine. Dans des laboratoires richement équipés, les meilleurs chercheurs de la Russie sont en train de mettre au point les armes qui rendront à celle-ci sa grandeur d’autrefois.

Des ampoules de B5112 attendent de rejoindre leurs petites sœurs dans un pays arabe ami.

Amojgar est prêt, cela fait plusieurs années qu’il travaille dans la ferme. Il faisait partie de ces 30 000 Kurdes vivant en France. Il est né en Iran près de la frontière avec l’Azerbaïdjan. Il parle parfaitement le russe. Il a été approché par les services de renseignement français et envoyé en URSS avant la chute du mur de Berlin. Cela fait des années qu’il joue la taupe en Transbaïkalie.

Aujourd’hui la taupe va se mettre en mouvement. Il s’éloigne de la ferme, dans les champs, avec son tracteur. Il stoppe l’engin, sort de son habit de travail une petite boite noire.

Sous terre les ampoules ont éclaté… Un fleuron de la recherche scientifique russe a disparu. Les médias n’en parleront pas…

Entre la frontière syrienne et irakienne, un drone vole doucement dans la nuit, il s’immobilise au-dessus d’un bâtiment, un éclair zèbre la nuit, à plusieurs kilomètres de la Transbaïkalie d’autres ampoules sont pulvérisées. Le gaz libéré pénètre dans les poumons des combattants du camp. Donald Trump décroche son téléphone, l’ami Emmanuel va être content…