Prenez des trous, de simples trous, vides. Remplissez-les de mots.

Vous voyez, vous avez maintenant des bulles de mots qui flottent autour de vous. Des doux, des tendres, des aigres-doux, des burlesques, des mots amoureux d’autres mots, des mots qui rient et des mots qui pleurent, ou qui jouent ensemble.

Rassemblez toutes vos bulles de mots et enveloppez-les de silence, mais pas de n’importe quel silence. Choisissez-le bien, ce silence… Ce sera le vôtre ! Votre silence à vous. Un silence onctueux, mou, tiède, ou au contraire un silence d’airain, froid, métallique, ou encore un silence tranquille, apaisé, calme comme le soleil sur la rosée du matin. Pourquoi pas un silence coquin, qui espère ? Ou un silence interrogateur ? Prenez votre temps, la qualité de votre silence en dépend.

Quand vous avez enfin choisi votre silence, prenez tous les trous que vous avez emplis de vos mots et coulez une bonne couche de votre silence autour de ces bulles de vos mots.

Vous obtenez alors un bloc, une meule de silence.

Vous sentez comme cette meule est seule et lourde, et pesante, et granitique comme votre silence… Vous la voyez là, devant vous, immobile sur la table.

Et vous savez que ce silence, votre silence, n’est que l’enveloppe de tous vos mots, de tous ces mots que vous taisez, inclus dans ces bulles, ces bulles elles-mêmes incluses dans l’épaisseur du silence.

Vous n’avez plus envie de parler. Seulement de considérer cette meule inerte, qui ne dit rien.

Cette meule qui contient votre âme où les mots tournent sans cesse dans des bulles, les mêmes qui hantent le bulbe sous votre crâne.

Alors, vous prenez votre meule et vous partez à mobylette jusqu’au fond du désert, pour la déposer là, par une nuit froide, et pour méditer sous les étoiles.

 

 

écrit en atelier d’écriture à Villenave d’Ornon