A la proue de la nuit,

le silence blessé s’éteint comme une bougie.

Je pars,

en quête de ce qui reste de beauté dans l’homme ;

en quête de l’homme dont la beauté

soulève une poussière d’étoiles sous la voie lactée.

L’air se rouille.

Ma parole en feu déforme la mémoire.

Les mots qui s’échappent courent à leur rendez-vous,

mais ils échouent à cadenasser les portes qui claquent.

Comment trouver son chemin quand l’inquiétude gagne ?

A l’abri de son armure, les armes à la main,

le temps cherche à s’affranchir de ses propres lois,

mais il ignore que la hache de l’instant le divise.

Il manque à ma voix la transparence et la lumière,

chaque fois que ma langue trébuche, elle rallonge mon chemin.

Le jour va bientôt se lever.

En partant

j’ai enroulé autour de mon cou

le baiser de ma bien-aimée comme une écharpe de soie,

il avait la fraicheur d’une aube d’été.

A cette heure,

le boulanger répand sur son comptoir

la bonne chaleur du pain.

La vieille dame dont j’entretiens le jardin

ne saura jamais que j’écris des poèmes.

Moi qui vis

entre les lampes à pétrole et les fers à repasser,

les clochettes de table et les miroirs,

entre des Don Quichottes qui nient tout

et des Sanchos qu’on écoute pas,

toutes les nouvelles que je reçois du grand village du monde

me disent, encore et toujours,

que l’homme est un loup pour l’homme.

J’avale des chemins, je respire de la poussière,

dans une course, un affolement, un tourbillon.

En quête de ce qui reste de beauté dans l’homme

en quête de l’homme dont la beauté

soulève une poussière d’étoiles sous la voie lactée

je pars pour de nouveaux voyages ;

tandis qu’à l’abri de son armure, les armes à la main,

le temps, qui cherche à s’affranchir de ses propres lois,

ignore que la hache de l’instant le divise.

A. KARACOBAN, PAR LA PORTE ENTROUVERTE, A PARAITRE