“Parce que c’était lui, parce que c’était moi…”
Ce lien
Fusionnel
D’où vient il ?
Est-ce la rencontre
Fortuite
De deux âmes ?
Si différents
Mais unis
Par la pensée, le regard…
Jumeaux par le corps
Si ce n’est de l’esprit
Arondes imbriquées
Noeud gordien
Cet amour platonique
N’exclut pas les baisers
Les luttes et les accolades
Au commun des vivants
Il semble contre nature
Mais filial, fraternel
Il rend fiers et heureux
Les deux amis
L’absence de l’un
Les rend, tous deux
Inconsolables
Etant moi-même du pays de Montaigne et par ailleurs fervent admirateur de ses postures philosophiques à une époque où l’on n’avait pas encore assassiné Henri IV, je ne pouvais pas rester insensible à ce qu’évoque ce texte.
Je dis “ce texte” car je ne trouve pas que ce soit vraiment un poème.
Alors, disons plutôt une ode à ce qu’on nous a toujours présenté à l’école comme l’archétype de l’amitié.
Nos professeurs nous disaient “C’est parce que c’était lui, c’est parce que c’était moi” et l’affaire était close, il n’y avait pas à chercher plus loin. L’avaient-ils fait eux-mêmes ? je me le demande. Et donc l’inconscient collectif a fini par admettre que la véritable amitié, c’était celle de Montaigne et de La Boétie et voilà une question de réglée.
Pourtant, quand je lis Montaigne, l’expression de son sentiment pour La Boétie est tellement exacerbée, ce sentiment semble tellement exclusif qu’il me semble vraiment être ce que j’appelle de l’amour, qu’il soit platonique ou pas. Ce que décrit Montaigne me paraît quelque chose de différent d’une grande et solide amitié. Ce qu’il évoque en termes fort touchants et étonnants (pour moi) pour son époque n’est (toujours pour moi) qu’un profond sentiment amoureux.
Quand je lis, entre autres, les lignes suivantes : “les amitiés communes, on les peut départir, on peut aimer en celui-ci la beauté, en cet autre la facilité de ses mœurs (…) ; mais cette amitié qui possède l’âme et la régente en toute souveraineté, il est impossible qu’elle soit double.” , je me dis que cette amitié qui n’est pas “commune”, est tout simplement de l’amour, et je reste étonné par la liberté de ton de Montaigne en cette fin de XVIème siècle.
Pour ceux qui sont intéressés par ces questions je ne peux que recommander les excellents essais de Francesco Alberoni : “Le choc amoureux”, “L’amitié”, et quelques autres parce que – il faut bien le dire – il a exploité le filon.
Merci beaucoup, Tanagra, d’avoir évoqué cela dans ce texte qui commence par deux interrogations qui restent toujours fondamentales, deux questions auxquelles on ne sait pas trop répondre lorsqu’on s’interroge sur cette alchimie de l’amour.
Est-il possible de s’attaquer au thème de l’amitié, après tous les écrits sur celui-ci au fil des siècles ?
C’est un pari audacieux ! D’autant que commencer par “Parce que c’était lui, parce que c’était moi…” c’est mettre la barre d’emblée très haute…
Tout le monde n’est pas André Comte-Sponville.
Ce spécialiste de Montaigne n’a pas encore tranché sur la nature de « l’amitié » de Montaigne et de La Boétie.
Quant à définir ce qu’est exactement l’amitié, c’est aborder un sujet complexe, dans lequel je ne risquerais pas !
La définition d’un dictionnaire me semble bien incomplète :
· Sentiment réciproque d’affection, de sympathie qui n’a pour origine ni les liens du sang ni un attrait sexuel. Amitié solide, réciproque.
Et celles d’Aristote qui distingue trois types d’amitiés : l’amitié utile, fondée sur l’intérêt, l’amitié agréable, qui repose sur le plaisir, et enfin l’amitié, plus rare et plus exigeante, qui a pour fondement la vertu et pour but le bien, bien académique.
Je suis d’accord avec Hermano, je ne trouve pas que ce soit vraiment un poème. Est-ce une ode ? Non plus si l’on se reporte à ses définitions.
· antiquité – Poème lyrique grec destiné à être chanté. Odes d’Horace. Ode pindarique.
· littérature – Poème lyrique formé de strophes et de vers symétriques. Ode de Ronsard, de Malherbe.
· musique – Poème chanté.
· par analogie – Ce qui rappelle une ode par son caractère lyrique. Ce film est une véritable ode à la liberté.
Aucune ne convient.
J’y vois plutôt une apologie de l’amitié.
Je m’interroge sur le titre « idem »
· Le ou la même que ce ou celui qui a été précédemment cité.
Je ne vois pas de rapport avec le texte !
« Arondes imbriquées »
L’incorrigible matérialiste que je suis ne pouvait être qu’interpellé par un souvenir très lointain que les plus jeunes n’ont pas connu, le travail manuel du bois à l’école primaire où je m’escrimais avec divers instruments à réaliser des queues d’arondes.
Presque toujours un échec…
Hermano, ce n’est pas un poème, soit.
Je n’ai pas été inspirée par Montaigne et La Boétie mais par une histoire bien réelle de 2023 qui a fait naître ce sentiment rare.
Un sorte de réincarnation, alors ? 🙂
J’ai toujours été interpelé par la métempsychose… Merci tout de même pour cela, Tanagra !
Je n’aurai pas les références littéraires et historiques de mes amis en écriture Hermano et Loki pour parler de l’amitié. Le sujet est si difficile que je n’en dirai pas grand chose. Amitié, amour les mots ont la même racine et je ne vois pas de frontière nette. Il y a tant de formes d’amour, tant de formes d’amitié. On en revient donc à Montaigne “Parce que c’était lui parce que c’était moi”, l’amitié est unique et inexplicable. Confiance, considération mutuelle, désir du bonheur de l’autre dans le respect absolu de sa liberté, parfois souvenirs communs, partage de valeurs… Pour moi le mot le plus proche d’amitié serait fraternité, ou sororité bien sûr.
Comme Hermano je ne peux considérer ce texte comme un poème, il en revêt seulement la forme. J’ai imaginé les phrases bout à bout, comme dans un prose suivie et à mes yeux il n’y perdait rien, bien au contraire. Cela n’enlève rien à sa beauté dans l’évocation de ce sentiment essentiel. Malheureux sont les gens qui n’ont pas d’ami ou d’amie, l’amitié est un envol au dessus de l’existence, elle en saisit les couleurs, elle nous accompagne dans les paysages de la vie…
Merci Chamans pour cette très belle formule ” l’amitié est un envol au dessus de l’existence.”