Quand pour toujours mon amour
Nos yeux seront fermés,
Parés de la poussière des ans,
Qu’enfin libérés des corps
Nous n’aurons que la nostalgie
De l’amour, mon amour.
Quand ma peau ne sera plus
Collée à la tienne,
Quand mes os flirteront
Avec les vers,
Quand l’eau de tes yeux sera
Orbite creuse,
Et la pulpe de tes lèvres
Ride amère,
C’est encore toi que je voudrai,
Ta caresse sur mes os pâles,
Et ton rire, ton rire…
Quand devenus purs esprits,
Nous aurons porté au rouge
La plaque du tombeau,
Nous ferons trembler les muses,
Et de nos cendres,
Renaîtrons alors,
Tels d’incandescents phœnix,
Pour planer ensemble,
Unissant l’agate
Et le jais de nos yeux,
Pour dérouler le monde
Sous nos ailes redéployées.
En ce vol éternel,
Dans la majesté de notre amour,
Nous remonterons sans fin
Le Magdalena de l’éternité.
Hermano je constate que toi aussi tu es hanté par l’échéance de la mort.
Quoi de plus naturel ? Il a été ainsi de tout temps.
Tu l’exprimes par ce poème qui est à la fois un espoir et la description de la réalité de la fin humaine.
Ta description de la fin de notre corps m’a glacé, mais il faut être lucide…
La prophétie : « tu es poussière et tu retourneras à la poussière » occulte les phases intermédiaires.
Mais ton poème est aussi un hymne à l’amour qui selon toi perdurera au-delà de la mort.
Qu’il est réconfortant de croire !
Quand devenus purs esprits,
Nous aurons porté au rouge
La plaque du tombeau,
Est-ce une évocation de la résurrection finale ?
Nous remonterons sans fin
Le Magdalena de l’éternité.
Oui je me suis interrogé sur le Magdalena de l’éternité, fait-il référence au Río Magdalena, le fleuve le plus important de Colombie qui coule dans une large vallée entre les cordillères Centrale et Orientale des Andes colombiennes, en direction du nord à travers tout le pays ?
Ou au Styx avec Charon faisant traverser les morts dans une barque, contre une pièce ou un objet.
Moi, qui, misérable humain ne croit qu’au néant, je te remercie de me donner par ce poème, même qu’un instant une parcelle de ta croyance.
Merci pour ce poème d’amour éternel émouvant dont la forme m’évoque une gracieuse danse macabre. Ce motif récurrent est apparu au Moyen-âge, époque troublée de guerres, de famines, d’épidémies. Une “vanité” – comme on dit en histoire de l’art – qui rappelle que nous sommes tous mortels, quelle que soit notre condition. Serait-ce notre époque qui t’a inspiré ?
Merci à vous pour ces commentaires !
Il s’agit d’un poème écrit il y a assez longtemps, que j’avais publié ailleurs dans d’autres temps au Comptoir des lettres et que je viens d'”exhumer” !!! 🙂
@Line : en effet, cela peut produire les mêmes effets que les “vanités” dont tu parles, un genre un peu morbide qui m’amène toujours à philosopher un peu sur l’existence en général et sur mes propres vanités en particulier…
Mais bon, pour moi, le texte est plutôt une tentative de conjuration de la mort dans l’espérance d’un apaisement… C’est en tout cas ce que j’ai voulu faire passer… quoique je n’ai jamais beaucoup cru à la métempsychose ou à une quelconque suite… ? Mais bon, ça fait du bien d’y croire un peu, et même les placebos peuvent guérir certains maux de l’âme. Surtout les placebos ! 🙂
@Loki : tu trouveras une partie de ma réponse ci-dessus. Oui, on sait qu’Eros et Thanatos sont les plus grands inspirateurs des poètes, ce que je regrette d’ailleurs un peu parfois. Bon, cette fois-ci je crois qu’ils cohabitent vraiment dans le texte !
Par ailleurs, pour le Magdalena, il m’a été inspiré par la fin de mon roman préféré “L’amour aux temps du choléra” qui évoque effectivement ce grand fleuve colombien. Un titre que j’ai toujours trouvé magnifique, autant que l’histoire d’amour qu’il raconte ; et j’avoue que j’attends depuis quelque temps une suite ou une parodie avec un prochain et plus actuel “L’amour aux temps du Covid“, mais rien à l’horizon pour l’instant ! 🙂
Merci encore !
Moi qui aime penser que dans l’au-delà nous retrouvons l’être cher perdu, j’ai lu avec émerveillement ce magnifique poème.
Nous nous souvenons du passé et imaginons l’avenir.
Tu as su unir très habilement le temps passé et le futur inévitable à venir. Cela, dans un langage que je trouve extrêmement poétique.
Superbe ! C’est l’un de tes meilleurs ! Bravo Hermano.
Même si, en lisant le texte pour la première fois, les images générées par tes paroles semblent macabres, je ne sais pas comment tu arrives à en faire un poème d’amour très intense au final.
Comme tu l’écris bien cette envie de croire à un amour merveilleux ! Survivant aux corps décomposés, trop intense de réels baisers, trop vivant de regards échangés pour s’éteindre avec eux !
Rêvons à l’Amour vainqueur de la mort. C’est bien là le rôle de la poésie de nous emmener où la raison ne va pas.
Encore un très beau poème ami Hermano.
Merci Purana, Lau Tatar, Chamans pour votre lecture et vos compliments.