Amrit (*) est un jeune Tamoul de 24 ans. Luthier, il a succédé à son père, lui-même luthier depuis des générations.

 Amrit ne se plaint pas, une activité même modeste dans ce petit village de l’Inde est un privilège dont il est conscient. Très tôt, avec son père, il a fabriqué et réparé de nombreux instruments à cordes tels que la vînâ dédiée à Sarasvatî la déesse des arts, de la connaissance, de la musique et des paroles, le sitar appelé « Satâr, 7 cordes » : sûrement l’instrument le plus répondu aux Indes.

Il a pris beaucoup de plaisir à fabriquer des instruments de musique et à les accorder pour en tirer le maximum de leurs sonorités. Lui-même est musicien. Avec quelques habitants de son village, ils ont créé un groupe qui anime les fêtes traditionnelles. Recréer un instrument, aujourd’hui, disparu est un rêve qui le hante depuis son plus jeune âge.

Réaliser ce rêve serait une épreuve qui le classerait dans l’élite des luthiers, mais aussi il n’ose se l’avouer, le ferait briller aux yeux de Daya une jeune fille de son village du même âge que lui. Enfants, ils ont joué ensemble dans la campagne. Mais devenus adolescents, les parents de Daya la surveillent. Elle ne peut plus sortir librement, car ils veulent la garder « pure » pour le beau parti qu’ils envisagent pour elle.

 

Aujourd’hui il a relevé le défi qu’il s’était fixé. Dans son atelier, en secret, il a recréé une Yazh. Cet instrument n’a pas d’équivalent au XXIe siècle. Il date d’environ deux mille ans. En compulsant les ouvrages de son arrière-grand-père, il a découvert l’existence de cette Yazh aujourd’hui oubliée. Plusieurs répliques de Yazh sont visibles dans les musées. Mais aucune n’est un instrument original ni n’est capable de produire réellement de la musique.

 Recréer l’instrument n’a pas été une tâche facile pour le jeune luthier. La littérature ne donnait aucune information sur les dimensions de l’instrument et la longueur de ses cordes. Aucun ouvrage ne fournissait même d‘illustration.

Sans aucun doute la main Sarasvatî s’était posée sur lui, ce fut un vrai miracle, car en faisant un pèlerinage à Bénarès, il a trouvé dans une des bibliothèques un ouvrage écrit en 1947 par Swami Vipulananda qui donnait la façon dont les cordes étaient alignées sur la Yazh et les notations musicales permettant de recréer le son authentique.

Cependant au lieu d’utiliser du bois de jacquier comme furent fabriqués les instruments originels, il préféra employer du cèdre rouge plus léger.

C’est ainsi cela qu’il créa une Yazh moderne à 7 cordes.

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Tout le village est aujourd’hui réuni autour du groupe d’Amrit.

La Yazh est là… Il pose délicatement ses mains sur les cordes et une musique ancestrale jaillit du fond des temps.

Amrit fait l’admiration de tout le village.

Les yeux de Daya brillent, elle sait maintenant qu’elle sera la femme de son luthier…

https://www.youtube.com/watch?v=jUskGz2ciO8

(*) (le nectar « liqueur divine »)