Il suffit d’y croire

 

Léa est une petite fille de neuf ans. Ses cheveux, châtains, bouclés, tombent sur ses épaules. Ils sont retenus par un serre-tête serti de pierres brillantes, tels des diamants. C’est un bijou de tête lui a dit son parrain Guillaume, en le lui offrant. Elle aime le porter en toute circonstance. Ce matin, vêtue d’un pantalon et d’un pull-over rouges, tel le petit chaperon, elle a décidé de faire une promenade dans les bois. Elle sait qu’elle ne doit pas s’éloigner, mais depuis toujours, la maison de la forêt, comme elle l’appelle, l’intrigue. Et voilà elle y est.

C’est une maison haute, carrée, avec des tas de fenêtres et des volets bleus, délavés et vieillis par le temps. Les carreaux sont pleins de toiles d’araignées. Nul n’y habite depuis longtemps, c’est sûr.  

Elle pousse délicatement la porte vermoulue. « Elle grince, comme celle d’un château hanté, » se dit-elle, mais elle n’a pas peur.

Léa pénètre dans l’immense bâtisse nichée au fond des bois. La lumière filtre par la haute fenêtre, elle fait briller dans l’air tous les grains de poussière. Une poussière qui s’accumule ici depuis longtemps. « On pourrait s’amuser à écrire son nom » se dit-elle. Elle regarde autour d’elle, la grande table trône au milieu de la pièce, les chaises qui l’entourent ont de hauts dossiers en bois foncé. Elles sont recouvertes d’une tapisserie, dont les motifs ont disparu sous le poids des invités.

Léa est émerveillée, « que c’est beau !! et comme j’aurai aimé vivre dans un endroit aussi joli. » se dit-elle. Le guéridon au coin de la pièce, est lui aussi plein de poussière. Elle souffle de toutes ses forces, les grains s’envolent, et à son grand étonnement retombent en scintillant comme des milliers de petites étoiles. « C’est vraiment magique ici » pense-t-elle.

Elle poursuit son chemin, et pénètre dans la pièce suivante : le salon. Aux murs, des ancêtres fatigués, veillent sur cette immobilité. Figés pour toujours dans une posture, une attitude, dans un regard bienveillant ou fier, ils continuent de pendre impavides, abandonnés aux murs de cette pièce où ils ont vécu.

Léa s’approche du premier cadre. Un homme, avec une belle moustache, droit comme un I, en habit militaire. Il a l’air sévère. Le deuxième est celui d’une femme. Elle porte une jolie robe avec des volants, un peigne sur la tête et un châle noir sur les épaules. Une Espagnole, peut-être, sa femme sûrement. Le troisième est celui d’un jeune homme, en tenue de cavalier, avec une belle allure fière. Le suivant, une femme au sourire radieux, dans un jardin, semble profiter des derniers rayons de soleil. Le cinquième, 2 enfants, un garçon et une petite fille, jouant au ballon et au cerceau. « Une belle famille » se dit Léa enviant la petite fille du cadre et ses boucles blondes.

Elle s’approche de plus près : le militaire fronce les sourcils, à moins que son imagination lui joue des tours ? Il lui fait penser au Général Dourakine, dans les romans de la Comtesse de Ségur. « Que fais-tu là ? Pourquoi viens-tu troubler notre tranquillité ? Qui t’a dit d’entrer ? » dit-il. Léa ne sait que répondre, tant sa surprise est grande.

-Allons, allons mon cher ami, un peu de calme, vous faites peur à cette pauvre enfant dit sa femme d’une voix douce et aimante. C’est bien que nous ayons un peu de visite, cela fait si longtemps que nous n’avons vu personne !

-Oh oui Grand-Mère, disent les enfants en chœur, nous voudrions avoir une nouvelle amie. Comment t’appelles-tu ? te plairait-il d’être notre amie ?

-Bien sûr, je m’appelle Léa, si vous voulez de moi je serai contente de venir jouer avec vous. Mais euh…pas maintenant, euh…une prochaine fois.

« Les tableaux parlent, je rêve » se dit-elle, et elle s’enfuit à grandes enjambées vers la sortie.

Mais arrivée dans le hall, sa curiosité la pousse à découvrir l’étage.

Un escalier double, sombre, aux larges marches de bois grinçantes, monte jusqu’à un perron aux vitraux art- déco, qui s’ouvre sur un balcon en ferronnerie, d’où l’on peut voir s’étaler un jardin à l’anglaise. Il pleut maintenant. Léa s’appuie sur la rampe du balcon, avec précaution. Tout est si ancien ici. Au travers de la pluie fine, elle voit le jardin. Elle reconnaît les parterres et les allées peintes sur le tableau de la jeune femme. Que ça a dû être beau ! Tout est en friche à présent. Elle est peinée et ses larmes se mêlent à la pluie qui ruisselle sur son visage. « Sèche tes larmes, tout va s’arranger, il suffit d’y croire. » murmure une voix mélodieuse.

Aussitôt dit, le soleil se met à briller, le ciel devient bleu, les brindilles d’herbes et les fleurs fanées retrouvent leurs couleurs et leur éclat. Le jardin resplendit. Léa n’en croit pas ses yeux. « Mais que se passe- t-il ici ? cette maison est enchantée » pense-t-elle de plus en plus intriguée.

Elle poursuit son exploration. De part et d’autre du balcon une longue galerie, envahie de vigne vierge, court le long de la façade. Les lourdes portes des cellules, en bois clouté, donnent toutes sur cette galerie. On en compte 12, comme les 12 apôtres pense-t-elle se souvenant de ses cours de catéchisme. Elles sont munies de grosses poignées rondes, toutes décorées de façons différentes, sauf une, la première ? Léa choisit de l’ouvrir.

La pièce est sombre, seule une petite lanterne éclaire le coin. Elle y pénètre, la porte se referme. Elle n’est pas seule, elle le sent, elle commence à frissonner. « N’ai pas peur. » lui dit alors une petite voix. La lanterne s’élève, éclairant un petit lutin. Il a de grandes oreilles, un peu pointues, une petite barbe, un bonnet et des habits verts. « Tu es courageuse de venir ici toute seule. C’est bien. Il y a des années que ma porte n’a pas été ouverte. Grâce à toi je vais pouvoir retrouver la forêt et mes amis. Pour te remercier, je vais te donner une énigme à résoudre. Si tu arrives à ouvrir la bonne porte, un avenir radieux t’attendra :  Entre le ciel et la terre, il faut choisir le ciel.  Voilà c’est tout. Ce gros sablier va décompter le temps. Si tu trouves avant que le sable se soit écoulé, tu auras gagné. Allez au travail !!!

Léa parcourt à toute vitesse la galerie, sur les poignées de laiton elle découvre des dessins : un tigre, une souris, du muguet, un champignon, un chat, un oiseau, un poisson, un cheval, un arbre, un chien, une rose. Elle s’arrête brièvement devant chaque porte, réfléchit : Entre le ciel et la terre tu choisiras le ciel se répète- t- elle à chaque fois. Il faut trouver, le temps presse…des animaux, des fleurs…ah ! ça y est, un seul peut voler dans le ciel. L’oiseau, c’est l’oiseau, la bonne réponse et elle tourne la poignée.

Contrairement à la première pièce, celle-ci est tout éclairée. Une femme se tient devant elle. Elle ressemble aux fées du film Cendrillon, petite, ronde. Elle s’adresse avec elle avec douceur. « Je suis la fée Violette, bonjour Léa. Dès que tu as soufflé les poussières d’or, j’ai compris que tu étais la petite fille que nous attendions depuis longtemps. Tu as mis de la vie et de la beauté dans cette triste maison. Elle va pouvoir revivre.

A présent, soit très attentive, écoute- moi bien : Tu vas rentrer chez toi, et ce soir, lorsque tu seras couchée, tu penseras très fort à cette journée magique, tu feras un vœu, et je l’exaucerai. » La fée Violette se penche alors sur elle, lui touche l’épaule de sa baguette magique, l’embrasse, et disparaît.

Léa se demande si tout ça est bien réel. Quoiqu’il en soit, elle suivra la consigne. Elle sait déjà ce qu’elle aimerait avoir le plus au monde.

Elle fait le chemin inverse, descend le grand escalier, fait signe de la main aux enfants du dernier tableau, passe devant le Général Dourakine. Tient il lui sourit. Peut être n’est-il pas si sévère après tout.

Un peu triste, elle quitte la maison. Dans ces lieux règnent à la fois une grande quiétude et une odeur un peu piquante, celle de la nostalgie, celle qui vous pique le nez et vous fait pleurer quand une belle journée s’est terminée et que vous voudriez tant qu’elle ne finisse jamais.

A présent la nuit est tombée, Léa se dépêche de dîner et d’aller se coucher. Elle ressent une grande solitude après cette aventure extraordinaire, et ces rencontres formidables.

Elle pense très fort à son vœu et elle s’endort.

Nounou Germaine la réveille. Nounou Germaine et son parrain Guillaume sont sa seule famille. Elle n’a ni parent, ni frère, ni sœur. « Alors ma poupée, tu as bien dormi ? tu te lèves ? Tu sais c’est une journée importante. Nous avons des invités pour le petit-déjeuner.  Ils sont là. On n’attend plus que toi. »

Léa descend le petit escalier en bois, il ne grince pas, il n’a pas de poussière. Elle prend son temps, arrive dans la cuisine. Ça sent bon le chocolat chaud et le pain grillé. Autour de la table sont assises quatre personnes.

« Je te présente Cédric, sa femme Aline et leurs 2 enfants Paul et Sophie. Si ça te convient tu pourrais aller vivre chez eux. Tu sais, je me fais vieille à présent et tu as besoin d’une vraie famille. Et si toutefois ça n’allait pas tu pourras toujours revenir » dit Nounou avec tendresse.

Léa les regarde chacun à tour de rôle. Ils ressemblent étrangement à ceux des tableaux.  Décidément, encore une journée digne d’un conte de fée.

« Oui Nounou, je veux bien essayer, » dit-elle en souriant.

Hasard ou magie ? Rêve ou réalité ? En fait il suffit d’y croire, n’est ce pas ?

 

Rolande.  

Exercice Oasis de poésie. Le décor. Phrases à utiliser.