Texte inspiré par le tableau de Jacques-Henri Tayan exposé au Conservatoire des Landes de Gascogne à Sanguinet (Landes).
C’était le matin, le premier des vacances.
J’avais besoin d’une renaissance.
Nous avions planté la tente en bordure de forêt près d’un sentier qui conduisait au lac.
Nous étions arrivés tard, le temps de nous installer, la nuit était vite arrivée, noire, mystérieuse, emplie des bruits de la forêt toute proche.
Puis, nous nous écroulâmes, terrassés de fatigue.
Était-ce la fatigue du voyage ? Le matelas trop mince ? Le trop-plein de soucis accumulés ? J’eus du mal à trouver le sommeil et me réveillai aux premières lueurs de l’aube.
J’avais besoin de res-pi-rer, de prendre le large, de me retrouver…
Je laissai ma famille endormie et entrepris de découvrir le lac dont on nous avait parlé.
De part et d’autre du sentier, des fougères de plus en plus hautes m’escortaient. Elles me firent bientôt une haie d’honneur de deux mètres de haut. Un bruissement de feuilles éveilla mon attention, je m’avançai avec précaution, mais peine perdue, le petit habitant des bois s’était faufilé plus loin sous les vagues végétales qui moutonnaient à perte de vue. Les pins se découpaient fiers et droits contre l’aurore aux doigts de rose, comme l’écrivait Homère. Puis les premières lueurs du soleil apparurent entre les colonnes de troncs.
Je croisai ensuite des chênes-lièges à l’écorce grise et crevassée. Dans la partie inférieure, le liège avait été levé, révélant le cœur rouge de l’arbre.
Au fur et à mesure que j’avançai, un concert d’oiseaux m’escortait, chaque espèce distillant son chant en fonction de l’heure. Du tapis de ronces s’élevait une musique d’insectes affairés.
Enfin, les pins ouvrirent l’horizon et je vis le lac, promesse de fraîcheur sous le ciel tendre, encore légèrement rose. Je me précipitai vers le rivage, quittai mes sandales et mes vêtements pour me plonger dans l’onde bienfaisante.
Les odeurs d’humus, l’eau, le ciel, la terre emplissaient mon cœur et mon corps, je me sentis en communion parfaite avec la nature.
Un texte qui illustre bien le magnifique tableau de Jacques-Henri Tayan !
Les Landes que de souvenirs y sont attachés : l’odeur des pins, les chênes-lièges mutilés et nus comme des vers, les pins avec leurs pots attachés au tronc où s’écoule, de leurs plaies, leur sang source de l’essence de térébenthine, les aiguilles de pin où avec mes camarades nous dévalions sur les buttes avec nos luges en carton. Et cette route qui les traverse, droite et infinie, parcourut par des chauffeurs tellement fascinés par l’asphalte qu’il en oublie de regarder la beauté de la nature qu’ils traversent.
C’est le mérite du tableau de Jacques-Henri Tayan et de ce texte de nous faire sortir de la monotonie qu’évoque la forêt des Landes pour nous montrer qu’il existe au-delà des troncs alignés un havre de paix, où la nature reprend ses droits.
Le Parisien, que je suis, remercie pour ces minutes qui le sortent la vie citadine si oppressive…
Ce Parisien plus qu’un autre à besoin de respirer.
Une petite remarque ! RES-PI-RER sous cette forme d’écriture me gêne, elle me fait trop penser à des sigles RER, PI 3.14116. J’aurais plutôt accentué le mot par du gras : respirer
Merci Loki pour cet aimable commentaire. Suite à ta remarque, j’ai supprimé les majuscules mais pas les traits d’union : en effet, je souhaite ainsi illustrer que le personnage souhaite faire une pause dans le tourbillon effréné de ses activités et s’obliger à calmer son rythme respiratoire.
La nature d’origine des Landes est ce type de paysage ou les rivières boisées, qui – de la cîme des chênes ou des pins, jusqu’à la racine des fougères – offrent un havre de paix rafraichissant. C’est près de ces rivières et de ces lacs pleins de ressources que se sont établis les premiers villages. Les longues routes bordées d’immenses forêts de plantation datent de Napoléon III et de sa « loi d’assainissement et d’enrichissement » des Landes. Les Landes, comme leur nom l’indique, offraient auparavant des horizons quasi vides à perte de vue, parsemés de marécages et de broussailles.
Je savais que les Landes étaient effectivement une région de landes. Je trouve d’ailleurs à ce sujet que l’Histoire de France a été bien injuste avec Napoléon III. De grandes choses ont été réalisées sous son règne.
Pour parler de choses qui me sont plus proches, au 19e siècle les montagnes du Vercors, dans la Drôme, n’avaient pas les vastes forêts actuelles. On les doit à la main de l’homme…
Pour en savoir plus sur l’histoire des forêts françaises, ce podcast est très intéressant, en particulier le deuxième épisode sur la forêt landaise. Colbert est aussi à l’honneur dans cette histoire nationale de la forêt.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-histoires-de-forets
Merci Line !
J’ai commencé à lire l’épisode 2 sur l’histoire des Landes c’est très intéressant.
Merci Line pour ce moment magnifique. Inspiré par un tableau inondé de lumière et de fraîcheur matinale. Je n’ai traversé les landes que rarement dans ma vie, et mes souvenirs sont vagues, des fûts de pins à n’en plus finir, c’est un de mes arbres préférés, et surtout les reflets de l’océan et le moutonnement des dunes perçus comme une promesse au travers de ces lignes verticales.
Il s’agit là d’un instant unique, d’un miracle rare, que tu nous fais vivre par touches successives jusqu’à l’immersion dans l’eau vivifiante.
Très beau texte !
Line, j’aime beaucoup ton texte inspiré du tableau de Jacques Henri Tayan. Le récit, lui-même m’a rappelé d’heureux séjours dans la nature, le calme, la respiration, une sorte de paix intérieure…Tu décris joliment tous les éléments des abords du lac.
Moi aussi j’aimais la rencontre avec l’eau, celle de la mer, celle des rivières, celle des lacs.
Je me suis rappelé d’un séjour au bord de l’Océan, près de Bordeaux, quand j’avais 15 ans.
Je suis allée revoir Les Landes sur une carte ; je me suis intéressée au peintre Jacques Henri Tayan que je ne connaissais pas.
Tout un programme, Line, pour moi, grâce à ton texte! Merci.
L’enfant du pin
à propos de « l’enfant du pin » de Loki du 25/06/24
ELLE le porte
IL le protège
porteurs d’un futur
créateurs d’émotion
fragile et robuste espoir
transmission
merci pour cette apparition du sensible…….
A la lecture du titre, et en cette période agitée d’élections législatives, j’ai d’abord pensé à un tract politique. Mais non.
Beaucoup de mes aïeux furent landais – et pour cela mon nez ressemble à celui des moutons – et je ne peux qu’aimer ce texte qui me plonge dans le silence de la forêt, dans l’odeur des pins, dans celle des branches tombées qui feutrent le sol, un sol couvert d’aiguilles glissantes, de champignons.
Je vois le soleil levant, ou couchant, filtré par tous ces troncs longilignes. Et puis cette clairière dont je m’approche et enfin le lac, pas celui de Lamartine, mais plutôt un lac de chez nous, à la Mauriac, tellement calme au petit matin que je suis sûr qu’il cache d’insondables mystères.
C’est tellement bon, tout ça !
Et alors, cette vouivre que j’ai aperçue au petit matin, c’était donc toi ?
Merci à tous pour ces retours où souffle le bienfaisant air balsamique !
Oui, les Landes de Gascogne (à cheval sur les départements des Landes, de la Gironde et un peu du Lot-et-Garonne) méritent mieux que leur réputation de grands lignes droites monotones. Loin d’être un désert, c’est aussi un pays de sources miraculeuses. Cependant, je n’ai pas croisé de vouivre (j’ignorais ce terme, merci Hermano), mais ça ne m’étonnerait pas de me trouver nez à nez avec une mystérieuse créature de la sorte.
Bernard Manciet (1923 – 2005), grand poète landais d’expression gasconne et française, décrivait bien cette osmose qu’il ressentait avec la nature. Par exemple, ici :
Je respirai à très petits coups, comme les acacias par feuilles saccadées.
Je ne reprenais souffle que lentement, sans bruit, autant que possible, à la façon des menthes.
Ou encore :
Je pris la lassitude des herbes, des nénuphars, faisant la planche au milieu de leur fatalisme.
Je m’étalais sans fin avec eux, m’éloignais, dérivais d’immobilité.
à propos de « La vouivre » de Marcel Aymé, in https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vouivre
… … … Alors qu’Arsène approchait un étang proche du pré, il aperçoit la Vouivre se baignant nue, et ayant laissé ses bijoux et vêtements sur le bord de la rivière. Arsène voit le rubis, mais est plus intrigué encore par la baigneuse, ce qui séduit la Vouivre, plus habituée à être poursuivie pour ses richesses que pour sa beauté. … … …