J’ai écrit, j’ai lu un certain nombre de textes qualifiés de « nouvelles ».
Mais tous les écrits ne sont pas des nouvelles.
La littérature regorge de définitions qui se recoupent plus ou moins, aussi il m’est apparu opportun d’en esquisser une définition concise et courte.
Ce texte que j’écris présentement n’est pas une nouvelle, mais un essai.
Essai
Ouvrage en prose regroupant des réflexions diverses, ou traitant un sujet sans l’épuiser.
Je pense que le titre que j’ai choisi répond bien à cette définition.
Par contre.
Une nouvelle est un récit de fiction court en prose, qui peut de ce fait être publié aussi bien dans les journaux qu’en recueil.
Une nouvelle possède plusieurs caractéristiques, toutes liées à sa brièveté.
- Contrairement au roman, elle est centrée sur un seul événement.
- Les personnages sont peu nombreux et sont moins développés que dans le roman.
- La fin est souvent inattendue, et prend la forme d’une « chute » parfois longue de quelques lignes seulement.
Je reproduis ici, la définition de la nouvelle, donnée par Baudelaire qui n’était pas que poète, mais aussi, on le sait moins, traducteur d’Edgard Poe, car elle a le mérite de la concision et de la brièveté.
« Elle a sur le roman à vastes proportions cet immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d’une haleine, laisse dans l’esprit un souvenir bien plus puissant qu’une lecture brisée, interrompue souvent par le tracas des affaires et le soin des intérêts mondains. L’unité d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop longue. L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l’effet voulu. Si la première phrase n’est pas écrite en vue de prépare cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début. Dans la composition tout entière, il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité. »
Comme un essai sans un exemple serait un corps sans squelette, voici un exemple de nouvelle, où on trouvera les éléments définis précédemment.
La non-histoire d’amour.
Quand Kevin et Géraldine naquirent, il était écrit qu’ils ne devaient pas s’aimer. Ainsi débuta une belle histoire de non-amour. Il y avait toutes les chances qu’ils ne se rencontrent pas, mais dans ce cas l’histoire aurait été extrêmement courte. Ils se rencontrèrent donc. Bien qu’il habita Dieppe et elle, Antibes, il arriva qu’à l’âge de vingt ans Kevin parte en vacances à Antibes. Les choses sont d’ailleurs bizarres, car à l’origine il avait envisagé de partir à Quiberon, mais une météo défavorable l’en avait dissuadé. Il la croisa sur la promenade des Anglais. Bien qu’elle fût jeune et jolie comme un cœur dans sa robe à pois rouge, il ne la remarqua pas. Elle, de son côté, ne porta pas, une minute, son regard, sur le fringant jeune homme. Il eût été une de ces bornes qui parsèment le trottoir que cela aurait été la même chose. Non, car dans ce cas elle l’aurait évité. Là, elle ne le vit même pas. Il quitta Antibes au bout de quinze jours. On ne peut pas dire que leur histoire de non-amour avait commencé, car elle avait débuté dès leur naissance. . .
J’attends maintenant de nombreuses nouvelles pour m’en délecter…
Merci, Loki, pour ce recentrage théorique et documenté.
Je me demande s’il existe vraiment une définition “canonique” de la nouvelle.
C’est vrai qu’on trouve beaucoup de textes un peu inclassables et que les frontières de ce genre littéraire sont souvent poreuses.
Par exemple, un conte est-il une nouvelle ?
Une fable, qui est souvent une histoire courte avec une chute en forme de morale, faisant intervenir peu de personnages ou de protagonistes, n’est-t-elle pas une sorte de nouvelle ?
D’ailleurs, je me demande depuis quand, historiquement, on parle de nouvelles ?
Voici ce que m’en dit Wikipédia et qui ne manquera pas de réjouir Purana : “Al-Hamadhani, écrivain iranien (de Hamadan ancienne capitale de la Perse) du xe siècle passe pour être l’inventeur de la « nouvelle »2, ou tout du moins son précurseur à travers le maqâma3.
En France, la nouvelle prend naissance au Moyen Âge.”
Hermano, pour tenter de répondre à ta question : “un conte est-il une nouvelle ?”
La nouvelle se différencie du conte en ce sens que, si elle peut être fantastique ou faire appel au surnaturel, elle ne comporte pas d’éléments relevant du merveilleux, puisqu’elle relate des événements réputés réels. En outre, la structure des contes comprend des invariants et des éléments codifiés qui sont des conventions définitoires du genre : les conventions génériques du conte, du conte de fées et du conte populaire, s’opposent à l’absence de conventions génériques qui caractérise la nouvelle. Il est vrai qu’un certain nombre de textes qui sont en fait des nouvelles peuvent s’intituler contes : c’est le cas des Contes cruels (1883) de Villiers de l’Isle-Adam, qui sont des récits dans la veine de ceux d’Edgar Poe, c’est le cas encore des Contes du chat perché (1934, 1950 et 1958) de Marcel Aymé, qui mêlent des éléments de merveilleux (les animaux qui parlent) à une évocation drôle de la vie à la ferme ; mais en réalité il s’agit là de variantes modernes et parodiques du genre du conte.
Bien que je préfère une définition canonique pour chaque forme d’écriture, j’ai du mal à adhérer à une définition trop stricte de la “nouvelle” qui semble néanmoins, aller dans n’importe quelle direction en fonction du moment et de l’espace où cette forme d’écriture est définie.
Pour ma part, je préférerais élargir la définition de “nouvelle” en adhérant à son équivalent anglais le “flash fiction” définie comme un bref travail fictif avec des personnages et des intrigues tout en permettant des variations.
Dans ce modèle, chaque variation a sa propre définition où surtout le nombre de mots définie un sub-style du “flash fiction”.
Comme Hermano l’a déjà remarqué, ‘histoire de l’écriture de la nouvelle est très ancienne.
En fait, l’une des fictions orientales les plus célèbres se trouve dans un recueil de très courtes histoires écrites par l’écrivain satirique turco-perse Nasredin Hodja (1208-1284).
Ces récits, traduits dans de très nombreuses langues, sont historiquement acceptés en tant que “nouvelle”
Celle-ci est l’une de mes nouvelles préférées :
162. Pain quotidien
Des gardes viennent arrêter Nasreddin Hodja.
Le sultan veut le confronter avec les sages les plus éminents du pays, qui l’accusent d’hérésie.
Pour sa défense, Hodja demande qu’on donne de quoi écrire aux savants.
Il les invite à répondre par écrit à une seule question : “Qu’est-ce qu’un pain ?”
Puis il lit les réponses à l’assemblée :
– Pour le juriste, le pain est une nourriture.
– Pour le physicien, c’est de la farine et de l’eau.
– Pour le théologien, un don du Ciel.
– Pour le géographe, une pâte cuite.
– Pour le philosophe : cela dépend de ce qu’on entend par “pain”.
– Pour le médecin, c’est une substance nutritive.
– Enfin, pour l’historien, personne ne sait ce que c’est.
Puis il se tourne vers le sultan et dit :
– Seigneur, ils sont incapables de se mettre d’accord pour définir une chose qu’ils mangent tous les jours. Comment pourraient-ils décréter de commun accord que je suis un hérétique ?
Tiens, mon camarade, te voilà matière à lecture et à réflexion :
https://www.etudes-litteraires.com/forum/sujets/invention-nouvelle.php
Bonjour à tous,
En complément de vos commentaires documentés, voici le site de l’association “Tu connais la nouvelle” dans le Loiret. C’est une association très dynamique qui organise depuis 15 ans un concours de nouvelles qui fait référence, une nuit de la nouvelle, des ateliers d’écriture, plein d’événements pour les adultes et les populations scolaires, etc.
À noter, le règlement de participation au concours de nouvelles ne donne pas de cadre précis si ce n’est une limitation à 10 000 caractères.
Chers tous ! Je vous remercie de vos contributions qui vont enrichir mes connaissances sur les nouvelles. Je vais lire et relire tout cela à tête reposée pour me régaler de la diversité des cultures.
Je me réjouis également du fait que ce modeste essai ait permis des échanges fructueux.
Par contre je suis assez anxieux, car pour l’instant j’ai l’impression que nous tournons en rond…
Le site est jeune et j’espère qu’avec le temps il s’étoffera.
En son temps j’avais averti Purana que le titre du site risquait d’éloigner les internautes amateurs de nouvelles. Elle m’avait expliqué les raisons de cette situation ! On ne peut rien faire contre cela, d’autant que et c’est une opinion personnelle, en plus il est plus difficile d’écrire une nouvelle qu’une poésie.
Amitiés. Loki