Je dirai quelques fois les saveurs de l’enfance.

Blanc chèvrefeuille à la bouche, savourer le nectar au pistil, fleur tôt fanée.

Sirop, taches aux mains, mûre grappillée aux impénétrables ronciers.

Éclats de noisette hachés entre deux silex.

Gaulées les noix, pâte à modeler en guise de soute, allumette comme mât, feuille de maïs faute de voile et la nave va, tant de voyages soupirés.

Fleurs de capucine, vivant crépon, oh les beignets de fleurs d’acacia, goût d’amande dans  la bouche.

Et les châtaignes dérobées au champ du fermier, au sol, dégager  le fruit vernissé de la bogue aux piquants acérés.

Les senteurs de sous-bois : glèbe collante, amas de feuilles mortes, odeur subtile des coulemelles et des cèpes, mousse discrète aux pas.

Reposoirs des mois de marie, procession ostentatoire, frais pétales pastels foulés aux pieds d’où s’exhalent la rose mêlée d’encens.

Je dirai quelques jours le cerisier sauvage enté par mon père et la vigne du voisin, drupes  acides au goût de revenez-y,  cépages improbables aux fantasques noms, Isabelle, Oberlin et le prohibé Noah.

Les énormes pêches du père Auguste dont le jus nous coulait aux mentons.

Ribambelle de poires qui nous faisaient la guigne au jardin du curé, passe crassanes, louise- bonnes, guyots et autres conférences.

L’enfance fut une fête, un festival et un festin.

Œufs au lait longtemps mijotés au parfum de vanille. Soufflés au chocolat, omelette norvégienne, confitures de figues.

Et les baies dont nous délestions le clos de ma grand-mère, groseilles, cassis, groseilles à maquereaux.

Je dirai à l’envie les fragrances de l’enfance, cassis-fleur, lilas, mimosa tout poudré de pollen.

 

Je dirai encore ce sortir de l’enfance par un jour augmenté de chaleur, d’août finissant, où le couchant ensanglanté saluait la fin d’un été, où les larmes aux yeux je me languissais que la fête fût finie et qu’il me restât tant à vivre mais tant de sérieux et si peu d’insouciance.