Tu sais, je ne demandais pas la lune. Pourtant lorsque je suis sorti, elle était là, tapie derrière le réverbère.
Je bougeai un peu et le croissant fascinant apparut, plein ouest, virage lumineux dans la limpidité du ciel d’été.
Alors, comme un roi mage fourbu, je décidai de le suivre, dans le sens des grandes migrations, vers ce bonheur supposé qui miroitait chaque jour dans nos étranges lucarnes : l’Occident !
Maintenant que j’avais passé la frontière, je n’étais plus le chameau porteur des misères du monde, des guerres et des famines, j’étais devenu le lion rugissant pour ne pas avoir peur.
Jour après jour, nuit après nuit, dans les pluies battantes ou les soleils torrides, de camions à bestiaux en abris de fortune, j’avais transporté jusque-là mon âme de gitan nomade, jusqu’à ce paradis lisse et sécurisé où chacun jouait au bonheur.
Mais que répondre maintenant aux rires des bienheureux ?
Christian
Du réverbère lointain saillait le ciel limpide
Sortant, je vis à son premier croissant
Pâle en éclat et douce comme nacre
La lune neuve en l’obscure lumière
J’abandonnais mon habit de misère
Enfin suivant le versant des étoiles
Je partis tôt
Dressant au ciel ma stature de géant
Plus ne jouais
Mais dès ce jour vivais
Marie
“Wir schaffen das”: Le 31 août 2015, Angela Merkel ouvre les frontières aux migrants.
à lire : American dirt – Jeanine Commins https://www.avoir-alire.com/american-dirt-jeanine-cummins-la-critique-du-livre
Merci pour ces deux très beaux textes, intenses et puissants, sur un thème qui n’a pas fini de nous interpeller. Avez-vous lu le “Le silence du choeur” de Mohamed Mbougar Sarr ? Un autre roman que le dernier prix Goncourt de ce jeune auteur africain époustouflant.
Au début, il n’y avait pas de frontières. Le monde appartenait à tous.
Puis vinrent les catastrophes naturelles et les gens commencèrent à se déplacer à la recherche d’un climat plus clément et de nouveaux pâturages verts.
Dès que les estomacs furent remplis, les grands frères décidèrent d’étendre leurs territoires au prix de la vie de leurs soldats et de celle des habitants des terres attaquées.
L’histoire des Grandes Migrations est longue. Le mouvement des personnes à travers le monde, en particulier à travers l’Europe est compliqué.
C’est ainsi que “La terre promise” de l’envahisseur devient la terre de la promesse non tenue de l’envahi.
Et… l’individu, fuyant la misère, la répression ou la guerre, est pris entre deux feux.
Ce que j’aime dans vos écrits, c’est que vous avez mis en valeur l’individu et vous l’avez fait de manière bienveillante et sympathique dans deux styles différents.
Très bien orchestré !
Merci de m’avoir distraite d’une “Grande Migration” à laquelle j’assiste pour la première fois de ma vie et qui me touche le cœur et l’âme.
Personne ne quitte sa maison avec plaisir. La faim, les besoins, poussent les gens sur le chemin de l’errance, parmi des personnes parlant une autre langue, ayant d’autres habitudes, d’autres valeurs. On se réveille au milieu d’eux, avec un énorme handicap, qu’on essaye de récupérer, mais on est toujours un étranger. En attendant, les enfants deviennent adultes, la famille s’effondre et on se demande à quoi servait le sacrifice, maintenant qu’on n’est plus qu’une feuille sur les ailes du vent…
Le texte a très bien rendu l’image de ce phénomène.
Merci à vous pour ces commentaires.
J’ai écrit cela (figure libre) dans un atelier un soir de lune resplendissante, et Marie a poursuivi par un poème, figure imposée.
Chamans, je n’ai pas lu ce livre-là, seulement le Goncourt pour le moment : un livre vraiment inhabituel, dont la structure narrative est vraiment étonnante et qui évoque déjà la migration même si ce n’est pas le sujet principal.
Purana, heureux que tu aies aimé ces textes. Merci pour le premier lien, mais j’ai encore du mal avec le hongrois (!), dommage car le sujet m’intéresse mais je ne trouve pas ce titre en français. Le deuxième lien ne fonctionne pas, malheureusement.
Quant à écrire au sujet de cette migration dont tu parles, je n’ose pas, j’aurais peur d’être impudique et/ou de me donner bonne conscience à bon marché.
Lau Tatar, tu évoques la migration d’une manière vraiment sensible qui me touche beaucoup.