Un jour un jardinier qu’un modeste labeur à peine nourrissait

Et ne pouvant s’offrir ceinture ni bretelles,

Las de risquer sans cesse une chute fâcheuse

De son vieux pantalon,

Se saisit d’un cordeau dont il n’avait l’usage

Pour entourer sa taille et, malgré sa maigreur,

Maintenir la guenille à décente hauteur.

Le cordeau se plaignait de ce coup du destin :

« Moi qui ai tiré autant de lignes droites,

Indiquant de deux points le chemin le plus court,

De notre compagnon qui ai guidé la main pour force repiquages,

Me voici aujourd’hui roulé courbé noué et lié pour la vie

A une vieille harde »

Le pantalon vexé répliqua promptement :

 » Mon Dieu que d’arrogance d’inutile dédain !

Moi qui sut en tous temps le protéger du froid

En toutes circonstances assurer sa pudeur,

Qui connut dans mes ganses les plus solides cuirs

Crois-tu qu’il me soit juste quand viennent mes vieux jours

De partager la vie d’une vieille ficelle ? »

Et tout à leur rancoeur aucun des deux compères 

N’avisa sous le bras du vieil horticulteur

Un pantalon tout neuf un beau jeu de bretelles,

Offerts par son patron le jour de la saint Fiacre.

Et le vieux vêtement et le cordeau usé qui le saucissonna 

Aboutirent d’un jet dans un massif d’orties.

 

Même si vos mérites y sont mal mesurés

Ne vous lamentez point sur votre destinée

Préparez vous plutôt à la voir empirer.