Voici quatre images, choisissez-en deux.
1/ Choisissez un détail de la première image (expression, détail vestimentaire ou physique, etc.) ou un élément concret comme un objet ou un élément du décor.
2/ Évoquez ce détail en décrivant son aspect, les raisons pour lesquelles il est là, comment il a été fabriqué, son histoire, la place qu’il occupe dans la vie du ou des personnages. Décrivez ce détail de façon à ce qu’il n’y ait plus rien à ajouter.
3/ Faites la même chose pour la deuxième image.
Vous avez maintenant créé deux univers.
4/ Écrivez un texte qui les rassemble. Vous pouvez choisir des styles aussi différents que de la poésie, un article de journal, un rapport de police, une enquête policière, une note de service… la liste n’est pas limitative.
5/ Postez votre texte dans la boîte de commentaires.
[option : écrivez l’histoire dans un autre style, si vous avez envie de prolonger l’exercice…]
Françoise.
Ses parents l’avaient prénommé Françoise pour honorer la France, car c’est la France qui avait su écraser les hordes de Teutons venues de l’est. Mais quelle boucherie ! Tous ces jeunes Français et ses jeunes Allemands morts dans l’enfer des tranchées. La « der des ders » avaient-dit les gouvernants des deux bords !
Mais l’enfer avait recommencé, cette fois-ci l’armée française commandée par des généraux et des politiques incapables avait succombé sous la force mécanique de l’envahisseur.
Et cela avait été l’occupation avec ses privations, ses longues queues pour obtenir un peu de pâté de déchets le poisson ou un œuf, ses hivers rigoureux sans charbon. Et surtout le liquide marron et clairet que l’on appelait du « café », obtenu en grillant des grains d’orge. Aujourd’hui Françoise boit sa tasse à petites gorgées, pour mieux en profiter, cette tasse de vrai café.
Merci, Joe, ce soldat américain passé dans le village qui pour un simple baiser lui avait donné un peu de chocolat et un peu de café. Quand le reverra-t-elle ? Il l’avait quitté pour continuer sa marche libératrice…
La mer.
Joe n’avait jamais vu la mer avant de quitter son Nebraska, son élevage et ses chevaux.
Cela avait été l’enrôlement, la formation accélérée au métier de soldat.
Puis la traversée en train à travers les États-Unis, l’embarquement pour l’Europe plus précisément la Grande-Bretagne.
L’Europe il n’y en avait qu’une vague idée. Il y avait la guerre là-bas ! La guerre en Europe qu’en avait-il à faire lui l’éleveur du Nebraska ?
Un jour cela avait été l’embarquement sur des centaines de navires puis dans des barges de débarquement, où ses camarades et lui étaient entassés.
Des milliers de barges se dirigeant vers les côtes françaises. Les obus éclataient de tout côté, les vagues trempaient les hommes. Les barges s’étaient ouvertes, les officiers hurlaient : courez, courez !
C’est ce qu’avait fait Joe ne regardant pas autour de lui, baissé pour éviter les balles, enjambant les corps des G.I. fauchés par les tirs des Allemands. Quand il pense aujourd’hui la main de Dieu s’était posée sur lui. Ensuite les embuscades, le feu, la mort le guettant à chaque pas. Quand il s’était arrêté un moment auprès d’une ferme, il l’avait vu ! Elle n’avait pas pu s’empêcher de l’embrasser lui le libérateur venu de si loin et Joe n’oublierait jamais cette rencontre, il avait sorti et donné un peu de son trésor : une tablette de chocolat et du café. Mais il avait dû repartir…
Photo fête foraine – le tee-shirt rayé
Ce tee-shirt, elle s’y sent tellement bien.
Elle a tout de suite aimé sa fraîcheur et son style.
Fraîcheur de l’imprimé, ce blanc rayé de vert printanier, éclatant comme une cosse de petit pois ; fraîcheur du coton ; fraîcheur de la coupe sans manches et de l’ouverture boutonnée.
Style des rayures qui s’agencent élégamment dans des directions différentes ; raffinement des petits boutons cachés derrière le petit col châle et qu’on peut, si on veut attacher avec une ganse de fil vert ; joliesse des rayures qui mettent la poitrine en valeur.
C’est son fiancé qui le lui a rapporté de New-York.
Ce tee-shirt, elle l’adore.
Photo homme et bateau – la digue
La digue est en granit, pierre emblématique de ce pays de Bretagne, solidement maçonnée, haute pour protéger des vagues et des tempêtes.
Un défi à la mer, planté fièrement depuis plusieurs siècles.
Un camaïeu de gris, parfois presque anthracite, ou en nuances de gris piqueté de mica noir ou blanc, tacheté de feldspath, de grains de quartz translucides, gris du béton qui les assemble en une muraille solide. Béton ancien ou retouches montrant l’incessant combat de l’homme contre la nature.
Face à la mer
Les étoiles brillent intensément, diamants piquetés dans le sombre velours du ciel.
Assis sur la digue, un couple se tient enlacé face à la mer, épaule contre épaule, rayures contre rayures. Lui dans son costume de marin, elle dans un tee-shirt rayé. À coté de lui, son béret. Son pompon rouge, éclairé de lune, dessine un soleil couchant dont la digue serait la ligne d’horizon.
Le garçon montre les constellations à son amie, il l’embarque dans ses pérégrinations entre l’Étoile du Berger et la Croix du Sud. Il lui conte les aurores boréales qui recouvrent le ciel de capes de lumière. C’est une capsule d’harmonie parfaite, une bulle de bonheur fragile.
Derrière moi, j’entends la voix du guide :
Regardez comment le peintre dirige le regard vers la tache blanche des vêtements. Les maillots de chaque personnage sont reconnaissables à leurs couleurs : bleu marine pour le garçon, vert émeraude pour la fille, différents mais harmonieusement unis dans une palette maritime.
Pour les étoiles, l’artiste a incrusté des grains de silice qui accentuent leur présence. Cette matière fait écho à la matière incrustée dans les pierres de la digue.
En effet, si on regarde de près, on aperçoit des particules de mica, de quartz et de feldspath. Les pierres sont enchâssées dans une résille gris mat figurant les jointures de béton. Ces inclusions de matière renforcent l’effet de lumière lunaire qui entoure les amoureux d’un halo de douceur. Elles donnent aussi un sentiment de solidité.
La digue occupe les deux tiers du tableau. Son camaïeu de gris, presque pointilliste est en total contraste avec les couleurs franches du tableau. Elle semble constituer un rempart entre les amoureux et le reste du monde.
En cette longue journée d’été mon clavier attend, inerte et noir, la fin de la pause café. La chaleur et l’ennui se sont installés dans ce morne local. Je fixe les lettres grises sur fond noir qui se mettent à danser sous mes yeux, comme une invitation à les détourner pour écrire un poème, pour subvertir les mots, les mots convenus des missives professionnelles bien réglées.
Je pose ma tasse près de la machine à écrire et répartis mes doigts sur les touches.
” Monsieur le Directeur,
Ce matin les fleurs des champs se sont posées sur ma robe.
Vu l’appel pressant de la nature ensoleillée et considérant la pauvreté de mon existence derrière ce bureau, rivée à ce sombre clavier, j’ai l’honneur de vous informer qu’aujourd’hui celui-ci va hoqueté de pollen, sautiller parmi les hautes herbes, que ses touches vont s’enfoncer dans la fange soyeuse des bords de rivières, que leur claquement accompagnera le chant des oiseaux et rythmera le galop des chevaux et qu’avec eux je suivrai l’ornière d’un vieux char à foin. Ensemble nous avons imprimé le poème que je vous prie de trouver ci-joint.
Veuillez noter que je ne m’échappe que par une petite incartade, une sorte de rapt de clavier de machine à écrire. Une fenêtre sur la vie que je vous engage à ouvrir avec moi. Je vous remercie de prendre ses quelques lignes en considération.
Veuillez croire Monsieur le directeur en l’expression de mon dévouement délié et en mon sincère désir d’évasion.
Votre dactylographe fidèle.”
– Monsieur le directeur voici un mot de la part de Marguerite, la dactylo.
L’homme que nous avons là est le patron de ” Ships and planes import-export”, une petite compagnie de commerce international. Dans ses jeunes années il vivait avec ses parents dans une petite maison sur une île minuscule, son père était un modeste pêcheur, qui arrondissait les revenus familiaux par quelques menus trafics et, il l’avouait parfois à ses intimes, c’est ainsi que lui sont venues les idées de base de ses actuelles tractations. En ce jour étouffant il pense à la brise qui inondait d’effluves marines sa maison d’enfance et chassait les fortes chaleurs. Souvent il ouvrait la fenêtre pour respirer et laisser flotter ses rêves au gré des mouvements dansants de l’écume. Mais il est étrange que Marguerite lui transmette un pli personnel, cela n’est jamais arrivé, une lettre et ce qui semble bien être un poème. La lecture le laisse figé, le regard fixé sur une photo de sa chère maison, joliment encadrée sur le mur, face à son bureau. Il se revoit à la fenêtre, comment ne comprendrait-il pas le rêve de Marguerite ? Rêve de nature campagnarde, rêve de mer, qui se rejoignent en cet après midi torride. Ses projets de voyages ont fait long feu puisque le voilà qui certes fait naviguer des bateaux, mais lui aussi prisonnier de son entreprise. La lettre : “Une fenêtre sur la vie”, l’image est banale mais quelle intuition ! Qu’elle est loin cette fenêtre de tous les espoirs ! Et ce poème, si frais, si beau. Ah ! Marguerite, un simple clavier vous a donné les clés de l’évasion !
Le patron se tourne vers sa secrétaire :
– Jocelyne dites à Marguerite de prendre son après-midi, quant à moi je pense que je vais aller prendre un peu d’air.
Dans le ciel, un Ovni… ou bien est-ce un phénomène météorologique… ou encore une nouvelle invention de l’armée américaine… ou peut-être aussi un ballon sonde ? Non, ce n’est pas un ballon et encore moins un nuage bizarre, cela avance dans le ciel à grande vitesse. Oui, probablement un engin dont on se demande s’il est d’origine extra-terrestre, une forme oblongue et blanche suivie d’un long nuage grisâtre qui pourrait montrer que l’engin est en feu, à moins que ce ne soit une simple technique de camouflage. La forme, c’est bien celle d’une soucoupe volante, il y a encore quelques secondes elle avançait dans le ciel à une vitesse folle, plus vite qu’un avion supersonique, mais la voilà qui maintenant ralentit et s’approche du sol, comme pour s’y poser en douceur.
Que va-t-il se passer ?
Là, sur la droite, la vieille machine à écrire. Elle date au moins des années 30, une Remington de 1932 exactement. Elle doit bien peser ses douze kilos. Oui, une qwerty “portable” noire qui vaut maintenant une fortune, au moins autant que votre fidèle laptop. Pourtant, il faut le dire, elle n’a pas deux sous de mémoire et ne sait pas justifier les textes.
Un petit problème : le bras qui porte le point d’exclamation a souvent du mal à se rétracter, il vient rebondir sur le bras portant le $, entraînant ainsi la frappe d’un second point d’exclamation. C’est vrai que cela donne un “caractère” particulier – je veux dire un style – à tous les textes qui sortent de derrière le rouleau supérieur, mais hormis cette fantaisie la frappe est toujours parfaite à condition, bien sûr, de changer régulièrement le ruban encreur bicolore, noir et rouge et de ne pas le laisser trop s’user et s’encrasser.
Les taquets de tabulation fonctionnent parfaitement et on entend un joli “ding” en bout de ligne pour que la dactylo – presque aussi virtuose qu’une violoniste avec son archer, alors qu’elle est déjà une excellente pianiste – sache qu’il est temps d’actionner le bras tout en inox, en haut à droite de Remington, pour ramener le charriot et entamer une nouvelle ligne.
Texte mêlant les deux univers :
Lundi 30 octobre 1938. C’est la veille d’Halloween. Le soleil n’est pas encore couché. Welles interrompt le programme radio de CBS pour lire son texte : une invasion par les extra-terrestres sur la côte Est des Etats-Unis. Une sorte d’apocalypse est annoncée.
Barney, un fermier du Vermont écoute la radio après sa dure journée dans les champs. Intrigué, il sort et regarde le ciel, un peu incrédule tout de même. Mirage ou réalité – on ne voit quelquefois que ce que l’on s’attend à voir -, Barney aperçoit cet objet qui se déplace à grande vitesse dans le ciel couchant, suivi par une sorte de trainée nuageuse grisâtre, et là il se met vraiment à croire ce qu’il vient d’entendre sur son poste à galène : la terre est envahie par les extra-terrestres et cela commence ici !!
Barney est un vieux célibataire qui vit seul chez lui. Depuis la mort de sa mère, il ne fait plus que travailler et dormir. Son premier voisin est à presque un kilomètre, au milieu des champs, juste en dessous des collines. Une petite maison bien propre posée là sur la plaine.
Désormais affolé, il se rend chez ses voisins, mais ceux-ci sont absents, pas encore rentrés des champs. Il a beau frapper à la porte, personne ne répond. Pourtant, Derrick, leur petit garçon de sept ans vient lui aussi d’entendre le message de Welles sur le poste de radio qui lui tient compagnie en attendant le retour de ses parents. Derrick n’entend pas Barney, il a ouvert la fenêtre sur le côté de la maison et il n’est pas inquiet, seulement curieux de voir l’arrivée des extra-terrestres. Il ne peut pas non plus voir dans le ciel cette forme étrange qui se déplace dans le ciel de l’autre côté de la maison. Rien ne se passe pour lui, il est un peu déçu. Finalement, Derrick va refermer la fenêtre, entendre le fermier Barney et lui ouvrir. Ses parents vont bientôt arriver.
Eux aussi ont vu cette chose dans le ciel. Ils invitent leur voisin à souper avec eux et pendant toute la soirée, ils n’arrêtent pas d’évoquer ce qu’ils ont vu. CBS ne donne plus aucune nouvelle, aucun bulletin d’information. Alors que Derrick s’est endormi sur la table, l’angoisse se distille autant que le doute. Pendant des générations, on ne manquera pas, aux veillées dans les campagnes du Vermont et d’ailleurs, d’évoquer cette étrange soirée d’octobre.
Responsable de la comptabilité dans un garage, Louise travaille dans un bureau avec quatre collègues. Le local administratif jouxte le grand hangar où des mécaniciens réparent, rénovent et nettoient des voitures. Le patron Bertin vend aussi des voitures d’occasion.
Jef, le mari de Louise est pilote de ligne ; il part souvent pour de longs voyages.
Leur fille Vicky fréquente une haute école de marketing.
Quand le père est au loin, les deux femmes partent tôt le matin et se retrouvent, en général, vers 18 heures, à la maison.
Ce matin-là, Louise est partie la première ; elles n’ont pas eu de contact durant la journée, un jeudi très dense pour toutes les deux.
Quand elle rentre ce soir-là, Louise appelle sa fille en pensant qu’elle est dans la maison.
Ses premiers appels restent sans réponse ; Louise monte dans la chambre de Vicky ; le lit est défait ; une liquette traîne sur une chaise ; des bouquins sont ouverts ; des bics, des crayons sont éparpillés sur la table qui lui sert de bureau.
Elle entend le tic tac du radio-réveil ; il est 19 heures ; Vicky n’est pas rentrée ; elle ne lui a rien fait savoir. Elle va demander aux voisins s’ils n’ont pas vu sa fille.
Non, personne ne l’a vue !
Elle forme le numéro de Vicky mais n’obtient pas de réponse.
Louise devient de plus en plus inquiète ; elle va de pièce en pièce, fouille la cave, le grenier puis elle redescend. Elle se prépare un thé bien chaud agrémenté de miel ; assise au salon, elle déguste sa boisson et allume la télévision ; des publicités défilent ; son esprit flotte ; elle se demande avec anxiété où est sa fille. Dans un carnet, elle trouve les numéros de téléphone de deux copains de Vicky, Yann et Mélanie qui fréquentent la même école ; ils se voient régulièrement. Yann lui répond qu’il a quitté Vicky à 16 heures, après le cours de stat et un verre dans un café proche ; Mélanie lui fait la même réponse. S’ils se sont séparés à 16 heures, comment se fait-il qu’elle ne soit pas encore rentrée ? Vers 19 30 heures, l’anxiété de Louise va croissant ; elle rappelle sa fille sur son GSM ; aucune réponse. Louise envoie un courriel à son mari ; il lui conseille d’appeler la police.
A 21 heures 30, elle entend la porte d’entrée s’ouvrir et se refermer ; Vicky rentre, l’air fatigué.
Sa mère l’accueille , très émue ; elle la prend dans ses bras ; elle lui pose des questions :
– Que t’est-il arrivé ? – Pourquoi rentres-tu si tard ?
– J’ai quitté mes amis ; j’ai pris le métro ; je me suis endormie dans le métro ; je me suis réveillée à la gare de l’Ouest ; j’ai voulu t’appeler mais je n’avais plus mon téléphone ; on me l’a peut-être volé pendant que je dormais ; j’ai repris le métro dans le sens opposé ; il s’est arrêté plus d’une demi-heure ; j’ai marché depuis la station ; me voilà !
Louise lui raconte ses recherches et son inquiétude.
Après un souper sommaire, la soirée est très courte ; les deux femmes ont grand besoin de repos.
Merci à tous d’avoir joué le jeu.
Ce qui est curieux c’est qu’un souffle de liberté, d’évasion est sorti de ces petites photos nostalgiques qui ont plus d’un demi-siècle.
Pas besoin de couleurs pour rêver en grand : les marins ont pris leurs rames pour libérer la France, les dactylos ont créé des poèmes d’évasion ou des histoires d’extra-terrestres, une mère a cru à l’envol de sa fille loin du nid ou à sa disparition, un peintre a offert de grands espaces à des amoureux…
Merci pour ce grand souffle rafraîchissant…
Merci à toi, Line, de nous avoir offert ces photos,
un point de départ, un coup de pouce…