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Consignes suivantes : Évitez de lire les commentaires ci-dessous (textes des autres participants)
Vous avez choisi un des 7 péchés capitaux et vous avez dressé une liste de mots,
En vous servant de ces mots et de ces phrases, rédigez un texte qui décrive un personnage de fiction (un homme, une femme, un enfant, un vieillard, …) qui deviendra donc, en filigrane, l’incarnation de ce que vous aura inspiré ce péché. Tentez de dressez un portrait à la façon d’une œuvre d’art, avec un environnement, un décor, …
Postez ci-dessous votre texte en commentaire,
ou
si votre texte vous paraît assez consistant, postez-le dans une des rubriques proposées par l’Oasis dans le menu “Lire et publier” (Poèmes, nouvelles, essais, etc…). Il sera alors affiché sur la page d’accueil et vous pourrez recevoir des commentaires.
Vous pouvez maintenant lire les écrits de vos sœurs et de vos frères d’écriture !
Elle chevauche dans le feu
Sans étendard, sans bruit
L’ivresse au goût amer
Revêt un masque
Imperturbable et froid
Et quand s’embrasent les flots
Le souffle de Zeus
Jaillit de mes entrailles
Foudre, éclairs, tonnerre
En spirale
M’entraînent aux enfers
L’écume des mers
Au bord des lèvres
Brandissant le tridan
de Neptune en colère
des volcans jaillissent
vociférants, éructants,
jusqu’à ce que naisse
une île dévastée
où tout est à refaire.
La jalousie
Postée à la fenêtre, elle observe.
Par la jalousie, elle regarde
La fille gracile qui parle avec son mari.
Ses jambes longues et fines
Piquent son coeur.
Et les mouvements de ses bras souples,
Tendus vers lui, étreignent sa gorge à elle.
Elle a chaud, son corsage la serre,
Elle serre fort la jupe
Aussi fort que son estomac qui se tord.
Elle serre fort les dents
Aussi fort que la jalousie qui la mord.
Elle se regarde dans le miroir.
Mais quelle allure elle a !
Le teint gâté par les nuits sans sommeil,
Des kilos en trop, mal fagotée,
Et déjà deux rides sèches tendues entre les sourcils.
Elle voudrait une poupée vaudou
Pour enfoncer des clous
Dans le corps pulpeux de cette intrigante,
Qui veut lui voler son trésor,
L’autre moitié de sa vie.
La jalousie la mord
Et lui donne des envies de mort.
Luxure
Dans ce vieux palais de Palerme au charme suranné, le poète se prenait pour une abeille, butinant d’abord de chambre en chambre le miel de ces courtisanes qui, prisonnières attachées-là par un marquis de Sade sicilien, attendaient le défilé des hommages bourdonnants de ces insectes noirs derrière leur masque de velours. Le poète faisait une sorte de repérage, se contentant d’admirer les grenades grandes ouvertes, de respirer les parfums troubles des figues et des brioches offertes à lui dans chacune des alcôves.
Ce léger libertinage, pour le plaisir des yeux et de l’odorat, l’enchantait au point qu’à la moitié de son parcours libidineux, après avoir visité une première fois ces cages d’amour aux fragiles cloisons de papier, il s’asseyait toujours dans le sofa de l’entrée pour rédiger un nouveau sonnet inspiré par les charmes des occupantes, dont l’identité variait chaque fois en le surprenant. Un recueil qu’il conservait précieusement en attendant un hypothétique imprimatur.
Et si pour Nietzche le chameau devenait lion, ici pour lui l’abeille devenait ours et il entamait son deuxième tour de piste avec autant de fureur avide que le premier avait été tout en subtile délicatesse. Il aimait alors lâcher prise, donner libre cours à ses pulsions de mâle enfiévré, sans aucune retenue, vidant sa tête et son ventre en s’oubliant lui-même. Devenu le Mister Hyde de la poésie au palais des sens, il invoquait Boccace, hurlait sa jouissance pour finir pantelant, détruit, tous les compteurs remis à zéro au tableau de bord des émotions fortes, comme dans une virginité bizarrement retrouvée, jusqu’à la semaine suivante où recommencerait le même pèlerinage.
Gourmandise
Il était gourmand de tout. Des plaisirs de la table bien sûr, mais gourmand de la vie en général. Curieux de tout goûter il n’avait de limites que celles de la dignité et de la liberté des autres sur lesquelles il avait décidé une bonne fois pour toutes de ne jamais empiéter, car par rapport à lui-même, de limites, il n’en avait pas. C’est ainsi qu’il ne rotait à table qu’en choeur avec les autres convives et qu’il ne troussait que des filles consentantes. Dans la collection des péchés il n’avait pas tout pris. Il avait une phrase pour illustrer cette noble attitude : « Je ne vomis que dans mon propre caniveau ! ». On se doute que malgré ces précautions altruistes il n’était pas apprécié de tous. Quelques proches l’aimaient avec sincérité car il était fidèle en amitié bon et généreux, il n’hésitait jamais à renoncer à une beuverie pour se porter au secours d’un ami en détresse. Mais d’autres le condamnaient sévèrement pour tous ses écarts et ses excès. Comment pouvait-on vivre ainsi en s’adonnant aux plaisirs sans chercher la moindre élévation de l’esprit ? Ceux là le connaissaient mal, ou s’enfermaient dans un jugement moralisateur aveugle, car s’il aimait la bonne chère il était également un grand amateur d’art. Il était capable de parcourir autant de kilomètres pour admirer une toile que pour se goinfrer d’une fantastique choucroute. Quand il parcourait le pays, il dessinait sur la carte un itinéraire où l’on rencontrait autant de rendez-vous avec l’Histoire, de concerts, de musées, de représentations théâtrales que de bonnes tables et de maisons de plaisirs, et il ne partait jamais sans emporter quelques lectures. Jalousé par les uns pour cette vie décomplexée, cette folle liberté, ces débordements assumés, honni par d’autres pour les mêmes raisons.
C’était un gourmand. Un jour il s’écroula à la fin d’un repas, dans les bras d’une jolie femme qui lui avait prêté ses appâts pour un soir. Il eut juste le temps de dire qu’il avait aimé la vie sans pour autant lui trouver un sens et qu’il déplorait seulement de n’avoir jamais connu l’Amour. Il remercia la mort de le cueillir ainsi avant d’entrer dans la longue solitude, déjà pressentie, que lui réservait la vieillesse, et n’ayant ainsi rien à payer il dit enfin dans un soupir qu’il ne regrettait pas, parmi les sept péchés capitaux, d’avoir choisi le cinquième et peut-être aussi un peu le septième.
A ses obsèques, ils ne furent pas très nombreux. La plupart de ses connaissances avaient trouvé un prétexte pour être absentes et pensaient « Bon débarras ! ». Quant aux rares fidèles qui avaient suivi sa dépouille ils se retrouvèrent pour ripailler et, malgré les rires de circonstances, ils ne parvinrent pas à combler le vide que le départ de cet incorrigible pécheur avait creusé dans leur coeur.
Selon une expression française, je dis chapeau !
Les différents textes publiés sur les péchés capitaux sont d’une qualité exceptionnelle.
Je n’ai aucune excuse !
Je traversai un passage tricolore, alors qu’il était au vert pour les voitures. Il faut dire que je n’étais pas là, je rédigeais un SMS, les yeux fixés sur mon portable.
Un choc, une douleur intense et je sombrai dans le néant.
Je me retrouvai dans un chemin de montagne, au bout une maison quasiment en ruine. Une force m’incitait à grimper.
Sur le seuil, une pancarte indiquait « Sonnez puis entrez ».
C’est ainsi que je me retrouvai dans un couloir humide, je continuai, puis sans vraiment savoir pourquoi, je frappai à une porte sur la droite.
Sans attendre, je rentrai.
Je me retrouvai en face d’un petit homme au teint jaunâtre, aux lunettes de myope, aux cheveux rares.
– Bienvenue au ciel, monsieur !
– Au ciel !
– Mais oui monsieur, vous êtes au ciel, car vous êtes mort et je suis l’ange chargé de gérer votre dossier.
– Mais je croyais que les anges étaient de beaux jeunes hommes avec des ailes blanches !
– Foutaise que cela ! Ce ne sont que des rêves d’enfants, d’ailleurs je n’existe pas, c’est vous qui croyez me voir sous cette apparence.
Interloqué, je restai muet.
– Ce n’est pas tout cela, trêve de tergiversation, bien que nous ayons l’éternité devant nous il ne faut pas pour autant perdre notre temps.
– Examinons votre dossier. Votre ange gardien l’a parfaitement rempli. Voyons les 7 péchés capitaux :
– La colère. Il précise que vous avez été toujours très calme.
– L’avarice, la liste de vos donations aux œuvres caritatives est impressionnante !
– L’envie. Bien que vous ayez vécu chichement toute votre vie, vous vous êtes contenté de ce que vous aviez.
– L’orgueil, je passe très vite, je ne vois pas de quoi vous auriez pu vous enorgueillir.
– La gourmandise. Oh ! votre vie a dû être bien triste…
– La paresse. Vous étiez enseignant, ce métier ne le permet pas vraiment.
– La luxure. Si j’ose utiliser cette boutade, ce péché aurait été un luxe pour vous.
– Voyons le reste !
Il parcourut lentement l’écran de son ordinateur.
– Parfait ! Si tous les dossiers étaient aussi simples que le vôtre…
À ce moment la sonnerie de son téléphone retentit.
Il décrocha, en écoutant, sans rien dire il hocha plusieurs fois la tête.
– À votre service, Mon Dieu, il en sera fait ainsi !
Je ressentis à nouveau une vive douleur et j’entendis dans le lointain :
– Tu peux arrêter le défibrillateur Albert, il revient à lui…
Hermano, merci pour ce texte magnifique de poésie et de sensualité. Sûr que les palais siciliens se prêtent aux fantasme, est-ce encore l’ombre du guépard ? Quand on écrit : “… d’admirer les grenades grandes ouvertes, de respirer les parfums troubles des figues et des brioches offertes à lui dans chacune des alcôves” on ne peut-être qu’en Sicile ou, qui sait, en Andalousie ? Enfin un de ces endroits où le soleil, la blancheur des pierres et les scintillements de la mer débrident les désirs.
Tu maîtrises la magie des mots, tu sais débusquer notre imagination. Et si la poésie c’était ça : L’art d’arranger les mots pour déclencher l’imagination, voie vers les émotions de toutes natures.
Voilà, je ne trouve plus rien à dire si ce n’est mon amicale et sincère admiration.
@Ska
Ce poème est beau, puissant et … terrible !
C’est le côté noir de l’ivresse “L’ivresse au goût amer”. Pas cette ivresse qui vous tire joyeusement de la réalité. Non, l’ivresse ici s’impose comme une inéluctable descente dans l’horreur, ” Foudre, éclairs, tonnerre en spirale m’entraînent en enfer”. Puis vient ce réveil douloureux : “Jusqu’à ce que naisse une île dévastée où tout est à refaire”.
C’est flippant Sylvie, mais à mes yeux remarquablement réussi.
Sur la Carte de la Paresse, après avoir passé le méandre de la Sieste, on se dirigeait vers l’estuaire immobile des Langueurs, avant de faire voile vers le Pot aux noirs de l’Éternel abandon.
Et c’est là qu’on trouvait Alceste, affalé sur quelque méridienne ou dans son fauteuil Voltaire préféré, celui en velours cramoisi. Déjà, son nom semblait le prédestiner : cela rimait avec sieste. Attention, inventez donc une diérèse, prononcez bien si-es-te, en étirant bien le mot, et jamais un brutal “siest” en une seule syllabe comme le voudrait l’académie.
Dès son plus jeune âge, Alceste avait manifesté la plus grande hostilité envers toute ardeur personnelle, ce qui ne manquait pas de désoler ses parents : Alceste était lent pour se lever, lent pour manger – ses tétées de nouveau-né pouvaient durer des heures -, mais toujours prompt à aller se coucher car c’était tout de même la position allongée qu’il préférait.
Enfant, rien ne l’intéressait moins que ces jeux où il fallait courir après un ballon, ou sauter sur un pied pour atteindre le ciel. Son ciel à lui, c’était celui qu’il regardait, béatement allongé sur une chilienne posée sur la terrasse, où il s’endormait fréquemment, ce qui lui avait souvent valu quelque violent coup de soleil de début de saison. Cela avait au moins l’avantage de colorer une peu sa peau grasse et molle, et lui donnait meilleure mine.
Arrivé à l’adolescence, le vocable favori d’Alceste devint “Mais laissez-moi tranquille…“. C’était sa seule révolte qu’il prononçait toujours mollement et sans vraiment de conviction. Ses parents dépités s’étaient résolus à admettre qu’ils hébergeaient une patate de canapé, bien soudée là devant le téléviseur. Quelques battements de cils et une moue désabusée, c’est tout ce qu’on pouvait obtenir d’Alceste. Même les pulsions amoureuses, naturelles à cet âge-là, semblaient au-delà des forces de ce doux adolescent.
Même si cela devenait irritant pour son père et sa mère, Alceste restait un garçon assez facile à vivre : jamais de colère, il ne s’opposait jamais à rien, acceptait tout en paroles mais restait le champion hors catégorie de la procrastination : “Oui, je sais, j’ai dit que je le ferai, mais il faut que je réfléchisse un peu quand même, ce n’est pas si urgent. Laissez-moi un peu tranquille…“
Et ainsi allait la vie d’Alceste, le nez au ciel ou l’œil vissé sur le téléviseur, de fauteuil en canapé et de reports en abandons.
Un jour, conscient du fait que, même si la vie est un long fleuve tranquille, il allait tout de même falloir subvenir à ses propres besoins, il décida d’acheter un billet de loto, et même plusieurs billets dans lesquels il investit une petite partie de ses économies. Mais Alceste avait négligé de vérifier le bon alignement des planètes et… il perdit presque toute sa mise.
Comment faire ? Comment faire pour continuer à vivre décemment sans rien faire ? Il ne pouvait tout de même pas se mettre à mendier ! Quoi que…
Souvent, il pensait à cette vielle chanson* : “Travailler, c’est trop dur, et voler, c’est pas beau. D’mander la charité, c’est quéqu’chose j’peux pas faire. Chaque jour que moi j’vis, on m’demande de quoi j’vis… …” et il commençait, en arrivant à l’âge adulte, à avoir tout de même un peu honte de son état.
Il lui vint alors une idée de génie. Ce grand paresseux n’en possédait pas pour autant peu d’intelligence, bien au contraire, et penser en rêvassant était une des activités qu’il s’autorisait sans limites. Il avait suivi, ou plutôt subi, des études classiques et rien de ce qui concernait l’Antiquité ne lui était étranger (son épisode favori restait bien sûr les délices de Capoue des cohortes d’Hannibal). Il n’ignorait pas non plus l’actualité, la vanité et la fatuité de ce monde et les faiblesses de ceux qui tentent d’en atteindre les avant-postes et qu’on nomme maintenant les premiers de cordée.
Oui, il lui vint alors une idée de génie. Je vous parle là d’un temps où tout n’était pas soigneusement réglementé et – potentiellement – contrôlé comme aujourd’hui. Alceste décida d’ouvrir un cabinet de psychothérapie, une activité qui nécessitait peu d’investissement : un couloir comme salle d’attente et une pièce unique et sans décor de quinze mètres carrés. Il fit graver une plaque en cuivre qu’il apposa à côté de la porte d’entrée : “Diogène, – psychothérapeute“, souligné par le dessin d’un petit tonneau, graphisme en clin d’œil aux gens cultivés dont il comptait faire sa clientèle et qu’il voulait appâter par des prétentions de grande sagesse.
Maintenant arrivé à l’âge mûr, son carnet de rendez-vous est plein pour plusieurs années, le tout Paris se presse chez Diogène : les ministres, les stars de cinéma, les PDG, tous en recherche de zénitude. Une zénitude qu’Alceste leur apporte sans peine et sans déroger à ses principes du moindre effort : ils viennent s’allonger sur le sofa dans la petite pièce aux murs nus ; Alceste s’installe le dos tourné dans son fauteuil Voltaire rouge cramoisi. Ils parlent, ils parlent et lui peut sommeiller dans son fauteuil ou lire quelque revue, regarder le marronnier par la fenêtre, choisir ses prochaines vacances au soleil en ponctuant le récit qu’il n’écoute que très peu de “Oui…“, “Je comprends…“, “Continuez…“, de “et alors… ?” ou simplement d’un soupir ou d’un silence.
À chacun sa voie. Alceste, aux yeux de tous, est devenu un grand sage. Personne ne peut plus lui cacher le soleil. Il est un grand sage, ses clients en sont persuadés, et moi aussi.
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* https://www.youtube.com/watch?v=nKG11XJi8uM