C’est en avril qu’on écrit les histoires de poissons…

On dit  que les poissons n’ont aucune mémoire, et  pourtant, si vous saviez !

Nous, on était des poissons, et là dans le Nil, tous les soirs après notre festin
de moustiques  et d’éphémères,  nos aïeux nous  ont réunis sous le saule, de
génération en génération, pour nous conter tout ce qui est advenu dans cette
eau vierge comme une huile.  Nous savons même comment nos ancêtres ont
vu Moïse dans sa corbeille d’osier descendre les eaux du fleuve. Oui ! Moïse !

Toute la journée,  nous observons, et le soir sous  le vieux saule,  à l’abri des
remous, nous racontons et la mémoire se transmet.

Aujourd’hui  trois rondes  en maillot de bain  sont venues nager  et nous leur
avons gentiment chatouillé les orteils. Un dernier petit plaisir pour elles avant
d’être englouties  par les crocodiles du Nil qui n’en finissaient pas de s’ébattre
dans des gerbes de sang.

Aussitôt, tout autour, des voiles partout !
Étaient-ce des femmes ou des bateaux
venus secourir les malheureuses ?
Je ne sais…

Encore  une histoire  à se raconter  ce soir après  notre  festin  de moustiques
et  avant  que  notre  constellation  de  poissons  se  faufile  vers  les  brumes
enchantées
d’un sommeil immobile.

Demain sera un autre jour.

 

Atelier d’écriture du Théâtre du Levain à Bègles
en italique les “figures” imposés.