Textes de Denyse et de Christian, atelier d’écriture du 27 juin 2018. Animé par Maryline.
Retrouver les consignes de cet atelier d’écriture ici : https://www.oasisdepoesie.org/forums/topic/personnages-de-roman/
à partir du même incipit, avec des personnages très différents proposés par les participants à l’atelier…
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La mort d’Isabelle
Philibert
Je n’ai pas le courage de remonter à la mort d’Isabelle, qui marque sans doute le véritable début de cette histoire.
Isabelle, ma douce, ma tendre amie, ma frangine d’amour, ma jumelle de cœur. Depuis toujours. Elle et moi. Moi et elle. Elle avec moi puis moi sans elle….
Très jeune, elle fut adoptée par mes parents, devenant ainsi ma jumelle adorée, mon alter ego, mon double et ma moitié, mon image et mon miroir inversé.
Nous ne nous quittions pas, puis la fièvre apparut, ne la lâcha pas, me laissant sur le bas-côté dans l’adversité.
Une nuit, ma mère entra dans ma chambre, le plafonnier s’alluma : à son air je compris la gravité de la situation.
J’étais désormais seule….
Je viens de traverser la ville sous un déluge mouillé, une pluie battante, de grands abats d’eau, contrechant de la mélodie triste qui m’habite et que je chantonne alors qu’elle ne franchit pas mes lèvres.
Je passe le seuil de l’hôtel, happe la clé au passage, me hisse d’un pas lourd jusqu’au 2eme étage, écrase la moquette grise d’un corridor étroit et long, bas de plafond.
Alors il apparut sur le seuil de sa porte, son imperméable trempé, dégoulinant en une énorme flaque.
D’un abord facile, il s’adresse à moi : « mauvaise soirée ! Mieux vaut avoir le soleil intérieur, n’est-ce pas ? » avant de poursuivre d’une voix plutôt grave : « Loupé le bus, plus de taxi ; nous voici au sec, n’est-ce pas ? »
Je n’avais pas le temps de répondre, il enchaina : « l’orage s’éloigne, j’entends des notes bleues au rez-de- chaussée, je prendrais bien un verre avec vous, n’est-ce pas ? »
Je sentais le malaise monter en moi tandis qu’il ponctuait systématiquement ses fins de phrases.
D’un coup, je me sentis submergée par la vague d’une profonde tristesse sans savoir pourquoi, avant de pouvoir poser les mots : « Je suis très malheureuse et vous ne pouvez rien pour moi, n’est-ce pas ? »
Mondo
Denyse
La mort d’Isabelle
Je n’ai pas le courage de remonter à la mort d’Isabelle, qui marque sans doute le véritable début de cette histoire.
Toutes les trois s’étaient perdues de vue : Isabelle, la brune pétillante, toujours volontaire, toujours prête à toutes les aventures ; Corinne, la pleureuse, qui avait peur de tout et trainait sans cesse une grande mélancolie et Olivia, la glorieuse, qui ne redoutait rien et attirait tous les hommes avec sa manie de toujours sortir le bout de la langue pour se lécher les lèvres.
Toutes les trois avaient bourlingué ensemble autour de la planète à la fin des années quatre-vingt, à l’affut de paysages inouïs, des rives du Titicaca aux lumières du Taj Mahal ; mais surtout, ce qu’elles aimaient le plus, c’était de rencontrer les gens, se fondre dans la population, passer neuf jours et neuf nuits dans le Transsibérien à voisiner près du samovar avec les moujiks qui leur offraient de la viande crue, s’entasser à dix-neuf dans un van improbable conçu pour huit personnes pour aller rêver à Tintin sur les ruines de Tiahuanaco.
Et puis, elles s’étaient éloignées, chacune avait fait sa vie : Isabelle à Copenhague, Olivia à Londres et Corinne dans une ferme du Larzac dont elle avait hérité de son père, un soixante-huitard forcené du retour la nature qui lui avait tout de même légué cent cinquante chèvres. C’était d’ailleurs peut-être le bêlement d’un tel cheptel qui l’incitait à toujours se lamenter et pleurer comme cela.
Alors, à la mort de sa sœur Isabelle, son frère Ferdinand avait recherché ses deux anciennes amies – Olivia Archiboldo et Corinne Plantey – pour leur annoncer la funeste nouvelle.
Je n’ai pas le courage de remonter à la mort d’Isabelle, qui marque sans doute le véritable début de cette histoire, mais c’est cela qui permit à Olivia et à Corinne de renouer contact.
Toutes les deux avaient maintenant la cinquantaine et semblaient ravies de pouvoir se retrouver malgré la tristesse de la mort d’Isabelle. Olivia ne pouvait pas quitter Londres et c’est pour cela qu’elle avait proposé à Corinne de l’y rejoindre en octobre.
Quand Olivia descendit du bus londonien 142 qu l’avait conduite dans le quartier de Soho, elle se mit à arpenter la rue avec son déhanchement si caractéristique, pour aller à la rencontre de Corinne avec qui elle avait rendez-vous dans un pub voisin. Le ciel gris et bas restait plombé, parfaitement british.
Olivia trouva Corinne dans la rue où celle-ci faisait déjà les cent pas. Elle l’aperçut de loin et, comme d’habitude, Corinne pleurait. Toujours un petit cœur tendre, pensa Olivia. Les pleurs redoublèrent quand elles d’étreignirent enfin. Elles convinrent plutôt de marcher dans les rues, malgré le mauvais temps, d’abord en silence, un silence seulement troublé par les reniflements de Corinne, puis en évoquant leur chagrin, puis en émaillant leur rencontre de la foule des souvenirs qui se bousculaient dans leur tête.
- Il faudrait recommencer ! fit enfin Olivia, en secouant ses longues boucles blondes. Oui ! Un petit pélerinage All around the world ! La vuelta al mundo ! fit elle enthousiaste.
- Oui ! C’est ça, la vraie vie ! lui répondit Corine enfin joyeuse. Je vais vendre les chèvres et on va partir !
Olivia, qui n’avait pas compris, la regarda avec étonnement et lui fit :
- Mais quelles chèvres ?
Christian