Quand Philippe se retourna, il fut surpris de se retrouver nez à nez avec cette girafe qu’on lui tendait par dessus le rempart mouvant de journalistes, photographes, cameramen restés au pied de l’escalier… Tous se bousculaient en quête d’une meilleure place. Derrière les barreaux du perron il eut le sentiment d’être le singe en cage du zoo. Certes l’auditoire venu en nombre avait réservé bon accueil à sa conférence “Famine et préconisation d’une agriculture vivrière”, il n’avait pas envisagé que la presse pouvait lui accorder autant d’importance.
— Philippe Gémont ! Philippe Gémont !
Son nom résonnait à ses oreilles de tous côtés. Les plus hardis s’étaient approchés micro en main. Les flashs des appareils crépitaient de plus en plus près. Les sunlights des télévisions l’éblouissaient.
— Pour Paris Soir, une déclaration ?
— S’il vous plait ? pour les lecteurs de Midi Minuit…
Il ne lui vint pas à l’idée que les échotiers allaient diffuser sa théorie. Philippe ne savait où donner de la tête, à qui répondre. Devait-il répondre ? Sollicité pour la première fois de s’exprimer à l’improviste le laissait sans voix. Quand les plus téméraires posèrent les pieds sur les premières marches, au bord de la panique, il voulut faire demi-tour. La porte du couloir avait été refermée derrière lui. Aucune échappatoire, il devait aller de l’avant. Il s’engagea avec courage. Il lui fallut répondre à une nuée de questions dont la grande majorité sans le moindre intérêt pour la cause défendue appelait des réponses tout aussi vaines.
Quand le conférencier eut enfin satisfait la voracité des informateurs du bon peuple, rassuré par la réussite de cet exercice imprévu, il put se frayer un passage dans la meute. Rentré chez lui, Philippe constata qu’il avait une faim de loup. Le frigo désespérément vide, il appela le marchand de pizza au coin de la rue et se fit livrer une maxi-margherita, sans basilic, précisa-t-il avec insistance. Il avait horreur du vert.
Repu, rencogné au plus profond de son fauteuil de prédilection sans avoir même retiré sa veste de costume, il mena une lutte sans espoir contre les assauts d’une somnolence sournoise. Le sifflet de la cafetière le tira du cortège d’infirmières en tenue de tennis qui suivait un curé en soutane dans un cimetière. La chaleur du breuvage le ramena aux réalités. Il prit un livre, le marque-page resté à la fable “Le milan et le rossignol” lui remit en mémoire l’adage du sage La Fontaine :
“Ventre affamé n’a point d’oreilles.“
Gérard
Atelier d’écriture du 31 août à Villenave d’Ornon
Le scénario de cet atelier d’écriture :
https://www.oasisdepoesie.org/forums/topic/avec-jean-de-la-fontaine-moralites/
En première lecture, je me suis demandée ce que cette “girafe” avait à voir avec le reste de l’histoire.
Le gentil animal a été mentionné une seule fois, puis complètement oublié.
Ce n’est que plus tard que j’ai appris que cela pourrait être une allusion au “micro girafe” des cameramen.
Cela m’a fait sourire.
En tant qu’exercice de construction d’événements autour d’une collection de mots, cet effort est un succès. Surtout parce que le texte a été écrit dans les contraintes d’un atelier d’écriture.
Cependant, pour un non-initié comme moi, il éveille pas mal de questions. Je me suis même demandée pourquoi l’acteur principal devait lutter contre la somnolence ; pourquoi pas une sieste ? Sourire.
D’autre part, je comprends que l’un des concepts de ces ateliers est d’inciter les participants à écrire pour le plaisir d’écrire. Une fois ce plaisir découvert, il peut être utilisé comme un instrument facile afin de pouvoir présenter un autre talent caché : l’art de conter de belles histoires.
Je me réjouis de te lire prochainement,
Purana
De l’humour, du rythme, de la fluidité malgré les nombreuses contraintes de la consigne… Gérard tu es un conteur né!
PS: Merci Purana, de m’avoir fait comprendre l’autre sens du mot girafe…
J’avoue que je suis déçu ! Si l’exercice proposé fait intervenir les différents membres de l’atelier, ce qui est en soit positif et la finalité de l’atelier, les nouvelles qui en résultent manque de cohérence et sont dépourvues de la rigidité qu’apporterait une histoire monobloc
C’est quoi, au juste, une histoire “monobloc”…? Quelque chose qui pèse très lourd ?
Non c’est juste le contraire de :
patchwork *
🙂