Avis de recherche dans le journal oranais ‘’Al Aïn’’
Salam. Je suis Rachid Ben Youzouf d’Oran. Je recherche Jawel el Felouze, mon ami algérien.
On slalomait comme des targuis entre oued et souk. Mohammed le muezzin de la mosquée d’Oran nous disait d’aller garer sa teuf-teuf Chrysler dans le djebel, à cause de la puanteur des gaz… Il récitait ses versets du Coran en langue berbère ajoutant qu’un sirocco nous pousse vers Bab el Oued le quartier d’Alger. On aimait bien roder dans la Kasbah pour fumer la chicha et se lécher les doigts après un zouzamiel. Il avait une casquette achetée dans un souk. Il la plaçait à l’envers, à cause des rayons néfastes de la lune sur le cerveau droit. Il portait une gandourah qu’il attachait avec deux épingles à linge pour monter dans sa Chrysler. Un jour le sirocco soufflait si fort que le toit de la Chrysler s’est retourné, une bâche rafistolée par son grand-père.
Voici mon mail pour me contacter si vous avez des nouvelles à m’envoyer : rachidbenyouzouf@tresvite.com
Souk en arba, “Souvenirs, souvenirs, souvenirs chers à mon cœur.”
(sur la messagerie de tresvite.com)
— Salam. Rachid Ben Youzouf te souhaite salam ! as salam Alaykoum mon frère.
— Alaikoum salam. Ici, c’est moi : Jawel el Felouze ! Rachid mon frère, c’est bien de toi de t’intéresser à moi malgré tout ce temps.
Tu me rends heureux. Pourtant je ne suis pas loin. Je ne vis plus en France depuis 1970. Je suis à Turgot,
ce petit village de rien du tout, tu sais à 70 km d’Oran. Ma Chrysler fichue depuis la nuit belle lurette.
J’ai une Peugeot dernier modèle.
— Jawel, ça veut dire tu as du flouss dans ta vareuse, hamdoullah !
— J’ai épousé Yasmina, tu sais la fille unique du boulanger de Tlemcen, celle qui avait les ongles si longs qu’elle pouvait
retirer le bouilli du pot sans se brûler les doigts, surtout peints au henné ! À côté de ‘’LA BOULANGERIE du RIF’’,
on a monté le ‘’KAFE MAURE’’. Elle sait faire du bon tajine et du couscous ! Viens mon frère !
— J’aime toujours le thé fort à la menthe avec du gingembre, la patate qui ressemble à un topinambour, mais poivrée,
bénéfique pour les messieurs d’un âge certain, crois-moi ! Je viens avec Djamina.
On fait un tour à Oujda dans ta Peugeot kif-kif ?
— Mon frère, un kawa et chouia makrout aux dattes de chez nous et zlabia pleine de miel pour Yasmina et Djamina.
— Tu te rappelles ? Avec une bonne chicha au soleil.
— Mon frère, à bientôt pour la fête du mouton.
Pas de passé, on vit dans le présent. Je suis branché mail, à partir de ce jour d’aujourd’hui on se perd plus de vue.
— Labès mon frère, choukran. salam Alaykoum. Hamdoullah.
— Alaykoum salam. Hamdoullah.
Traduction des mots arabes algériens :
Hamdoullah = Grâce à Dieu
salam Alaykoum = salut Dieu te garde
salam = salut, bonjour
Labès = ça va
Choukran = merci
Chicha = pipe
AL AÏN = LA SOURCE
Chouia = un peu
zouzamiel ou zlabia = gâteau dégoulinant de miel
makrout = gâteau aux dattes et au miel
écrit par Lucette de Là-Bas.
Le scénario de cet atelier d’écriture : https://www.oasisdepoesie.org/forums/topic/avis-de-recherche/
En lisant les articles de cet atelier, il semblerait que seuls les hommes cherchent à contacter leurs amis du passé.
Cette fois-ci, je trouve le langage des deux vieux garçons vraiment amusant.
J’ai apprécié de trouver ces mots arabes que j’avais pris tout naturellement pour du français, sans besoin de traduction.
Au contraire, j’avoue qu’il n’y a pas mal de mots familiers que je ne pouvais saisir que dans le contexte.
Merci pour ce choix spécial de mots et d’avoir dessiné un sourire heureux sur mon visage.
Très bien fait.
Merci !