Chacun son rocher,
Chacun ses murs,
Chacun sa porte ouverte.
Louise aime les gens.
Quand Louise se lève le matin, elle entame sa journée avec courage.
Son mari et ses enfants d’abord.
Vite vite il faut tenir compte de l’humeur de chacun pour que tout se passe bien, petit déjeuner, toilette, habillage, ne rien oublier, être positive.
Louise fait bonne figure quoiqu’il arrive. Elle supporte, elle facilite, elle aide.
Louise aime sa famille.
Arrivée à l’arrêt de bus, elle prend sa place dans la queue avec le sourire, en veillant à ne pas se faire doubler.
Louise aime les gens…
Dans le bus, elle laisse sa place si besoin à une vieille dame, à une jeune mère, un vieux monsieur.
Louise est polie. Elle « doit » aimer les gens. Dans la famille de Louise on s’occupait des autres. C’est ainsi.
Le travail de Louise est de diriger une équipe, elle doit organiser le travail avec bienveillance, tenir compte des directives du jour et de la semaine, du mois, parler avec chacun, voir si tout le monde va bien, résoudre les problèmes s’il y en a, et faire face aux demandes, aux mécontentements. On lui adresse les clients les plus mécontents.
Louise aime les gens, elle fait de son mieux.
Louise doit rendre des comptes, atteindre des objectifs, faire des tableaux chiffrés, elle n’aime pas trop, mais Louise aime les gens même si ce sont des chiffres, alors… elle remplit les tableaux et félicite son équipe.
Le soir, Louise rentre chez elle bien fatiguée par sa journée de travail, elle a beaucoup supporté aujourd’hui des gens mécontents. Elle se dit que ce n’est pas une vie de recommencer tous les jours.
Mais Louise aime les gens..
Ce soir en plus, il y a des invités à la maison et Louise va devoir, en plus d’échanger joyeusement avec ses enfants et son mari, attentive à leurs soucis, préparer un diner sympa, veiller à ce que la maison soit impeccable.
Louise va accueillir les amis avec un grand sourire et être chaleureuse.
Louise aime les gens.
Les amis, ce soir, ont amené une grande boite de chocolats – des Mon Chéri.
Louise a horreur des Mon Chéri. Alors Louise en a ras le bol.
Le lendemain, elle fait sa valise, prend la voiture et part. Toute seule. Loin.
Ce texte sent le vécu !
Mais peut-être me trompé-je !
Quoi qu’il en soit, il évoque bien la vie d’une mère de famille associant les taches domestiques et un travail harassant.
Je suis un homme, pourtant je suis conscient de l’inégalité latente des femmes et des hommes dans notre société.
Une inégalité d’abord physique.
C’est la femme qui porte l’enfant pendant neuf mois et sa responsabilité toute sa vie.
Il ne faut pas généraliser, mais une minorité d’hommes fuit leur responsabilité, en tant que père, avec, dans des cas extrêmes, refuse leur paternité.
Ensuite, il y a des inégalités sociétales
Il faudrait qu’au sein de la famille les tâches ménagères soient plus équitablement réparties. Beaucoup d’hommes ont progressé, mais il reste encore beaucoup à faire.
Je me vante peut-être, mais je pense que j’ai essayé de faire le plus possible : changer les couches, me lever la nuit quand le bébé pleure, le conduire et le rechercher à la crèche, etc. Prendre une grande part dans la cuisine, le ménage et les courses.
Autrefois, la femme était tributaire de l’homme et le statut de la femme au foyer n’était pas enviable.
J’ai encore en tête le souvenir de ma belle-mère, victime d’un mari tyrannique et qui sans travail ne pouvait envisager un divorce.
Ce sont les raisons pour lesquelles j’ai souhaité que ma fille ait un travail qui puisse la rendre indépendante d’un futur conjoint.
Un deuxième aspect de cette inégalité sociétale, c’est la femme au travail
Il y a encore dans le privé, une inégalité dans les salaires, dans la promotion professionnelle, et que dire du handicap que constitue la maternité.
Je comprends que Louise ait horreur des « Mon Chéri ». Son ras-le-bol est compréhensible.
Le lendemain, elle fait sa valise, prend la voiture et part. Toute seule. Loin.
Mais est-ce une solution viable ?
L’algorithme qui gère le site a encore, fait, une jonction sommaire entre ton texte et ma nouvelle « Le chat » !
Le seul point commun est le fait que dans mon texte apparaît le prénom Louise !
Un texte fort, bien rythmé, bien articulé, avec une chute-couperet que l’on attend et que l’on comprend.
Qui dit plus sur la condition de la femme que bien des discours.
Merci Chrisdottir
J’ai beaucoup aimé ce texte, cette chronique de la vie quotidienne de Louise, vie quotidienne pleine d’abnégation, à répétition, et sans horizon, qui devient déprimante.
Je trouve que tout cela est fort bien évoqué et beaucoup pourraient s’y reconnaître, même si peu oseront franchir le pas…
Comme je raisonnne souvent en chansons, cela m’a d’abord fait penser bien sûr à “Comme d’habitude“.
Et puis, et surtout, cela me rappelle l’excellent roman “Les heures” de Michael Cunningham, que je recommande et qui a été utilisé pour le film du même nom, avec de formidables actrices. Mais j’avoue que comme souvent j’ai préféré le livre.
Je parle de l’épisode où le personnage de Laura Brown évoque des états d’âme semblables à ceux que tu nous montres ici :
https://compagnieaffable.com/2017/10/26/the-hours-monologue-de-laura-brown-julianne-moore/
Merci beaucoup pour cette lecture !
P.S. et pour ma part, je n’y vois aucun plaidoyer pour une triste condition féminine, simplement une évocation du côté absurde de beaucoup de vies.
La même chose pourrait facilement être écrite au masculin, il me semble, à quelques variations près, mais c’est vrai que les hommes n’ont jamais tellement eu le droit de souffrir et encore moins d’en parler.