Le temps des fleurs
C’est le temps des fleurs et vous avez dans la tête, j’en suis sûr, plein de chansons ou de poèmes qui parlent de fleurs.
1 – Je vous propose, ce mois-ci, d’aller fouiner un peu pour retrouver les paroles de ces chansons ou de ces poèmes
et d’en noter quelques passages qui vous plaisent, disons entre 8 et 10 :
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Si vous en manquez d’idées, vous trouverez ci-après un petit florilège de titres où l’on évoque les fleurs.
2 – Notez maintenant 5 ou 6 noms de fleurs, ou davantage si vous voulez un bouquet encore plus beau.
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- Notez d’abord, pour chaque fleur, tous les mots qui vous viennent spontanément par association d’idées.
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- Cherchez ensuite, pour chaque fleur, tous les mots que vous pouvez écrire en utilisant les lettres de son nom.
Vous n’êtes pas obligés d’utiliser toutes les lettres et vous pouvez utiliser plusieurs fois une même lettre.
Exemples : R.O.S.E => Rosse ou C.H.R.Y.S.A.N.T.È.M.E => Thème, Mystère, Santé.
3 – Écrivez enfin votre bouquet de printemps en évoquant chacune de ces fleurs à votre gré
en utilisant les trouvailles des étapes précédentes.
N.B. Vous pouvez évoquer chaque fleur séparément, mais vous pouvez aussi imaginer une histoire dans laquelle
ces fleurs se rencontrent et se parlent, ou une histoire qui fait intervenir un ou plusieurs personnages.
Le genre, à votre fantaisie, pourra être celui d’une nouvelle, d’un conte, d’un poème, d’un compte-rendu,
d’un article de journal, d’une page de journal intime, d’un catalogue, d’une allocution, d’une prédication,
d’une profession de foi, d’une publicité, etc… etc… etc…
Merci d’indiquer vos sources et de nous proposer votre texte « fleuri » dans la boîte de commentaires ci-dessous.
Des idées de titres, au choix :
- Comme un p’tit coquelicot
- Aux premières jonquilles
- Les roses blanches
- L’amour est un bouquet de violettes
- Mignone allons voir si la rose
- Le pouvoir des fleurs
- Mon amie la rose
- La marguerite
- Magnolias for ever
- Colchiques dans les prés
- Vive la rose
ou même
- Sag mir wo die Blumen sind (magnifique !) et bien d’autres.
Ou encore d’autres moins connus :
- Les fleurs (Mallarmé)
- Les paupières des fleurs (Victor Hugo)
- Rêve (Charles Cros)
- Les fleurs que j’aime (Louise Collet).
C’était une soirée de juin tiède et calme. Coline avait préparé pour son anniversaire un repas simple et frais : une salade composée de laitue, de tranches de concombres, de tomates et de poivrons ; elle avait disposé , sur une nappe de coton, du fromage de chèvre et un pain aux céréales.
Elle avait rencontré Henri deux mois auparavant ; elle l’avait invité.
Il sonna ; elle ouvrit la fenêtre, se pencha et le vit à côté de son vélo ; il tenait dans les bras un gros bouquet de fleurs ; il rangea sa bicyclette dans le couloir et monta. Quand il entra dans l’appartement de Coline, un parfum délicieux l’accompagna.
– Bon anniversaire ! » dit-il en l’embrassant.
Les pivoines furent les premières à trouver leur place dans son grand vase ; robustes, dans des tons rouges , bordeaux, à peine entrouvertes ; Coline installa les freesias blancs et mauves , délicats, gracieux. Elle ajouta les bleuets qui avaient vingt nuances de bleu et de mauve ; puis vinrent les jonquilles, le chèvrefeuille aux senteurs séduisantes et les gypsophiles aériens.
Ce bouquet magnifique et la gentillesse d’Henri ramenèrent à la jeune femme un faisceau de souvenirs : rondes et chansons d’enfance, airs d’accordéon et de violons des fêtes de villages, cueillette des camomilles, des fraises, ramassage des pommes de terre, cuisson du pain, cabanes, parties de cache-cache dans les bois…
Tout cela s’entremêlait avec de la joie, un peu de nostalgie et une très forte émotion.
De retour de promenade, les rayons du soleil filtrés par le store baissé raient de lumière l’ombre de la pièce. Il dépose sa cueillette et les fleurs de verveine éparses emportent son âme vers celles de Verlaine : » Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches, et puis voici mon coeur… », il reste rêveur et frustré de ne pouvoir inventer de telles paroles pour dire son amour à celle qu’il attend. Bien sûr il va lui offrir le bouquet de toutes ces merveilles étalées sur la table, mais ces cadeaux du printemps remplaceront-ils les mots qu’il ne trouve pas ? Bercé par le poème qu’il se récite sans cesse il se lance dans la composition de sa déclaration : Verveine oui mais aussi, iris volés au fossé, branches de genets dorés du bord du chemin, roses, pensées et jonquilles du jardin, et même quelques brins de muguet. Il sait bien qu’il existe un langage des fleurs, artificiel et inventé et auquel il ne compte pas se soumettre, d’ailleurs elle l’ignore probablement. Non ! Ces fleurs là doivent dire son amour à lui, sans emprunt stéréotypé. Il les a choisies pour leur beauté printanière, au hasard de la générosité de la nature, en pensant si fort à son aimée qu’elle y captera forcément les élans de son coeur. Peu à peu le bouquet naît de ses mains et tout en l’arrangeant, tendant de temps à autre son bras, cou tendu vers l’arrière pour en apprécier l’équilibre, quelques mots lui viennent à l’esprit : Verveine, veine, chance d’aimer et d’être aimé ? Iris, amour irisé aux couleurs de l’arc en ciel ? Genets, gêne, timidité, maladresse des mots ? Roses, ose mon vieux, re-ose s’il le faut, sort de ton silence ? Pensées, pensées amoureuses bien sûr qui envahissent sa vie ? Jonquilles, jolie, joie ? Muguet, muet, va-t-il rester muet ? Aïe, aïe, aïe ! N’est pas Verlaine qui veut, restons simple : « Ces quelques fleurs cueillies pour toi te disent tout mon … « , mais la sonnerie retentit, ses mains tremblent et le bouquet s’en échappe et manque de se disloquer, après un long moment d’immobilité qui semble avoir vidé son esprit, il se dirige vers la porte…
La pâquerette
Une pâquerette dans un gazon, se lamentait :
On admire les fleurs de serre
Qui loin de leur soleil natal,
Comme des joyaux mis sous verre,
Brillent sous un ciel de cristal.
Sans que les brises les effleurent
De leurs baisers mystérieux,
Elles naissent, vivent et meurent
Devant le regard curieux.
A l’abri de murs diaphanes,
De leur sein ouvrant le trésor,
Comme de belles courtisanes,
Elles se vendent à prix d’or.
La porcelaine de la Chine
Les reçoit par groupes coquets,
Ou quelque main gantée et fine
Au bal les balance en bouquets.
La rose en particulier déclenchait sa rancœur !
Elle les détestait toutes ces chansons ou poésie qui ne parlaient que de cette gourgandine !
Peut-on écrire et composer une chanson aussi mièvre que :
C’est aujourd’hui dimanche
Tiens ma jolie maman
Voici des roses blanches
Toi qui les aimes tant
Va, quand je serai grand
J’achèterai au marchand
Toutes ses roses blanches
Pour toi jolie maman
Oh rose je te déteste, quel poète écrira sur mon cœur jaune et ma collerette blanche une si admirable tirade ?
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu, ceste vesprée,
Les plis de sa robe pourprée.
Et son teint au vostre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las, las, ses beautez laissé cheoir !
O vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.
Mais un poète eut pitié de la malheureuse :
Mais souvent parmi l’herbe verte,
Fuyant les yeux, fuyant les doigts,
De silence et d’ombre couverte,
Une fleur vit au fond des bois.
Un papillon blanc qui voltige,
Un coup d’oeil au hasard jeté,
Vous fait surprendre sur sa tige
La fleur dans sa simplicité.
Belle de sa parure agreste
S’épanouissant au ciel bleu,
Et versant son parfum modeste
Pour la solitude et pour Dieu.
Sans toucher à son pur calice
Qu’agite un frisson de pudeur,
Vous respirez avec délice
Son âme dans sa fraîche odeur.
Et tulipes au port superbe,
Camélias si chers payés,
Pour la petite fleur sous l’herbe
En un instant, sont oubliés !
Camélia et Pâquerette
Théophile Gautier
Émaux et Camées (1852).
Bravo à vous tous pour ces belles inspirations. Une mention pour Chamans pour ce texte plein de délicatesse et cet art à nous faire partager tout ce que lui évoque chaque fleur : très joli.
Quant à moi, j’avoue ne pas avoir suivi les consignes jusqu’au bout et m’être rapidement laissé entraîner à écrire le texte qui suit :
« En avant, Fanfan La Tulipe, en avant La Tulipe en avant ».
La jeune troupe avançait en martelant le bitume : « En avant, Fanfan La Tulipe, en avant La Tulipe en avant ». Le jeune abbé qui menait la troupe était un romantique, il portait depuis toujours dans son bréviaire cette marguerite séchée à la page 63, l’année où il l’avait cueillie sans jamais oser l’effeuiller.
Bien sûr, il y avait eu quelques tentations dans les dortoirs du séminaire, où régnait souvent au printemps cette odeur entêtante des lys en bouquets dans la chapelle toute proche, mais jamais il n’avait succombé à une défloration furtive. Il n’y avait que Dieu, seulement Dieu, mais aussi une étrange attirance-répulsion pour Charlotte Rampling dans « La chair de l’orchidée » qu’il avait vu en cachette l’an dernier, par simple curiosité, pour ne pas mourir idiot, un soir de 75 où il se trouvait seul à Paris.
Bien sûr, il avait lu « La faute de l’abbé Mouret« , avec cette fin incroyable où Albine se laisse enivrer jusqu’à mourir dans le parfum des fleurs amassées dans sa chambre, et son esprit romantique en avait était comblé. Mais non, il n’y avait que Dieu, seulement Dieu et cela lui suffisait, au moins s’en persuadait-il.
Dieu n’avait-il pas inventé les fleurs des champs qui caressaient les mollets de ces balades dans la campagne et dans la montagne ? Les aquilées, les gentianes, les pieds d’alouette, les éclatants boutons d’or, les giroflées au tendre parfum, les modestes fleurs de lin, les anémones si gracieuses, ces coquelicots qui refusaient d’être cueillis, ces crocus si hardis au printemps et les délicieuses colchiques mauves de l’automne. Dieu n’avait-il pas conçu les fleurs les plus prestigieuses ? Les camélias, les pivoines et ces grands lys qui fleurissaient les cathédrales avec les bouquets d’arums et de glaïeuls qu’il aimait arranger pendant des heures sur les autels avec autant de vénération pour ces merveilles que pour Dieu lui-même.
Le jeune abbé fut tiré de sa rêverie : « En avant, Fanfan La Tulipe, en avant, La Tulipe en avant ». La troupe continuait d’avancer d’un bon pas, il fallait arriver avant la nuit au château où Flora, la belle comtesse romaine leur avait réservé une grange pour dormir. Elle était jeune et belle. Était-ce Fanfan La Tulipe qui lui donnait aujourd’hui ces airs de Gina Lollobrigida ?
Pendant que les garçons se reposaient après un copieux goûter offert par la comtesse, prenaient leurs quartiers dans la grange et se préparaient pour le pèlerinage du lendemain, celle-ci proposa au jeune abbé de lui faire visiter ses jardins. Après le labyrinthe des buis, ils s’enfoncèrent dans une roseraie qui paraissait interminable. Tout cela contrastait tellement avec son jardin de curé au désordre si plein de charme. La comtesse, entre de longs silences, citait le nom d’une rose et se penchait pour en respirer le parfum. Elle lui souriait sans cesse et, lorsqu’elle lui effleura la main, il ne sut pourquoi il eut envie de l’embrasser, de la tenir dans ses bras. Elle aussi, pensait-il, comme toutes ces fleurs, était une créature du Divin et il ne sut résister. Bien maladroit, il posa sa main sur le cou de la comtesse Flora, approcha ses lèvres et l’embrassa sur la joue. Aussitôt, il sentit un parfum de violette qui émanait de ses cheveux et quand il arriva sur ses lèvres c’était comme la douceur d’un pétale de rose.
Elle lui prit la main pour le conduire jusqu’à la serre au fond du parc où ils furent à l’abri des regards.
Dieu avait bien fait les choses ce jour-là.
Dans le petit jardin, qui fleurait bon le Bassin Parisien, l’inspiration cherchait le musicien.
Celui-ci guitare à la main, visage vers le ciel, implorait les Muses pour une idée pop dans son air, un air qu’on fredonne, un air qui chantonne, un air qui bourdonne.
Comme une abeille qui butine, il cherchait à faire son miel de ce qui l’entourait. Il avisa des corolles et lui revinrent en mémoire ces paroles : Je pense aux fleurs qui sont parfaites, qui n’ont pas d’autre rôle que de l’être.
Mais oui, les fleurs sont parfaites, on peut changer les cœurs avec des bouquets de fleurs, regardez le Petit Prince et sa rose ! Regardez Marguerite qui sauve Faust de la damnation ! L’amour n’est-il pas un bouquet de violettes ?
Il chassa de son esprit la fleur de béton qu’il avait vu le matin même au revers du veston d’un promoteur et se concentra sur les vaillantes fleurs qui frayaient leur chemin entre les allées de gravier.
La modeste Violette sous son humble voilette osait chanter l’opérette. Il est vrai que Toulouse, sa ville natale, est une capitale du Bel Canto qui s’épanouit au Capitole.
L’ingénue Marguerite en robe blanche se balançait au vent avec des airs innocents, attendant d’être effeuillée.
La belle Rose, au teint à nul autre pareil, était très sûre de son emprise. Son petit air rosse rappelait qu’elle avait cependant des épines.
La simple Capucine était plus cool. Elle se laissait surnommer « Capu » et s’adaptait à tout, bonne fille pimpante avec sa robe éclatante.
L’aristocratique Iris avec ses airs de fleur de lys, se drapait dans son écharpe arc-en-ciel. La messagère des dieux portait fièrement sa haute tige au milieu des tours de béton.
Au fur et en mesure, les notes jaillissaient dans l’esprit du musicien, comme autant de fleurs écloses. Violette, Rose, Marguerite, Iris et Capucine se posaient délicatement sur les portées, commençant à tisser brin à brin une mélodie à cinq voix, une romance de Paris qui court du Boulevard des Capucines à la Porte des Lilas et bien au-delà pour fleurir au coin des rues.
Références chansons : le petit jardin de Jacques Dutronc, le pouvoir des fleurs de Laurent Voulzy, Les fleurs de Clara Luciani, L’amour est un bouquet de violettes de Luis Mariano, La romance de Paris de Charles Trenet