Le rayon de Lune

Ce soir, un rayon de Lune est entré par la porte-fenêtre. Elle était restée ouverte au clair de la façade. Il ne s’est pas gêné, s’imposant sans frapper.

Ses ailes veloutées, doux papillon de nuit, portaient encore un peu de poussière des astres, et c’était tellement beau que les vitres ont versé de pleins seaux d’eau de larmes.

La nuit avait ôté, sans doute pour l’attirer, sa robe de ténèbres au fin drapé de moire. Elle était là, toute nue, posant comme Arletty dans Les enfants du Paradis. J’en étais effarée.

Mais le rayon de Lune avait préféré la cachette sans apprêt de mon tendre logis. Quel honneur, et quel plaisir de contempler son petit cœur battant dans le silence complice !

J’approchai une main prudente. Il accepta la caresse. C’était chaud, bizarrement, et soyeux comme un museau de biche.

J’avais l’impression de plonger mes doigts dans un quartier de Lune. J’étais émerveillée. Lui non plus. Au bout d’un instant, après avoir inspecté les lieux rapidement telle une brosse lumineuse, le rayon de Lune fit demi-tour et repartit par où il était venu.

Sans doute d’autres cieux à visiter.

Un peu déçue, je me consolai néanmoins rapidement de ce départ précipité. Après tout, nul n’a jamais possédé de rayon de Lune en guise d’animal familier ! Et puis, ce n’est pas non plus quelque chose que l’on vend ou que l’on achète, c’est donc un objet sans valeur, si ce n’est sentimentale, un colifichet.

Mais les colifichets, qui s’en préoccupe, à part les midinettes un peu creuses d’en haut, n’est-ce pas ?

N’en parlons plus.

FIN