Elle dérivait lentement
Elle accompagnait de sa hanche
Le long piqué de la perche
Serrant le poignet sur le bâton cérusé par les ans
D’un geste impatient de la main à son front elle repoussait le nón lá
Le large ruban la mordait cruellement au satin de la gorge
D’un mouvement preste elle remontait le sarong de shantung
A cuisses graciles
Lorsqu’elle virait de bord
Imperturbable et marmoréenne
Elle défiait le temps
D’un visage impassible
Ses yeux asiates fixaient le néant
Semblant augurer la prochaine apocalypse
Mékong ou Styx,
je sens le mouvement, je sens la pique lisse dans la main, et la barque – mais est-ce la barque du temps ? – qui glisse sur le fleuve, guidée par cette femme Charon imperturbable.
Oui, le temps devient liquide et m’oblige à penser à la clepsydre.