Qui échappe à la ronde du temps ? se demanda l’ange.
Intrigué, l’être ailé descendit vers la terre-mère, là où les arbres tendent leurs feuillages au grand soleil.
S’approchant d’eux, ailes déployées, l’attention concentrée, dans un souffle il posa sa question :
Qui échappe à la ronde du temps ?
Les arbres s’agitèrent, s’inclinèrent, parlementèrent puis le plus grand s’adressa à lui :
« Nous ne savons pas. »
L’ange, dans un tourbillon, descendit encore plus bas, faisant virevolter quelques feuilles desséchées, délaissées.
Il arriva près des coquelicots, des bleuets et des fleurs des prés.
Des papillons s’agitaient, s’amusaient à tourner en rond tout en dansant. Une farandole de bleu, de rouge, d’ocre naissait.
Quand il se posa, la danse s’arrêta.
Il réitéra sa question : Qui échappe à la ronde du temps ?
Nul ne put répondre.
L’un d’eux lui conseilla de s’adresser à la lune et au soleil, eux qui effectuaient leur ronde si magistralement.
L’ange reprit son envol et interrogea l’astre de la nuit et l’astre du jour.
Le mystère resta entier.
Mais la lune, astre des mystères cachés, de son croissant bleuté prit la parole et lui suggéra d’attendre qu’elle s’arrondisse pour descendre alors dans la forêt de l’éléphant blanc.
L’ange patienta, attendit. Lorsque le halo doré de la lune éclaira rondement la nuit, il pénétra dans la forêt baignée de lumière.
Tel un messager, l’éléphant blanc s’avança.
L’ange lui posa sa question : ‘Qui échappe à la ronde du temps ? »
L’animal majestueux lui répondit :
« La perle d’eau oubliée.
Celle qui n’ira jamais dans le ruisseau, ni dans la rivière, ni dans l’océan caresser les dauphins.
Celle qui ne désaltèrera jamais l’être humain. »
Ophenix 25/06/2022
Merci @Ophenix pour ce poème bucolique, virevoltant, philosophique. Faut-il comprendre que qui échappe à la ronde du temps échappe à la ronde de la vie, petite perle d’eau qui finalement ne se frotte à rien et reste oubliée de tous ?
Les petits enfants comme les anges ont de bonnes questions ! Si j’avais mauvais esprit je dirais, que jadis, à propos de certaines « matrones » on parlait de faiseuses d’anges…
Un poème agréable à lire.
Heureux les poètes, ils ont un avantage sur les cartésiens tout peut exister pour eux, même l’impossible ! Pour ces malheureux cartésiens même la dernière goutte d’eau redeviendra gaz et retournera au cycle de l’eau.
Mais cela fait tellement de bien de croire le contraire…
Tiens, je n’avais encore jamais envisagé qu’un ange se posât des questions !
J’aime pourtant cette question de l’ange dans ce poème en prose qui commence léger comme ces ailes d’ange. De plus, j’ai toujours aimé l’idée que le temps puisse être circulaire.
Mais qu’est-ce que le temps ? demanderait mon amie Purana… Un abîme de réflexion philosophique…
Et ce poème heureux laisse planer la question jusqu’à cette goutte de rosée.
Magnifique ! Ophenix ! On dirait du Murakami, au moins !
Des comme ça j’en veux toujours !
Texte très poétique. Est-ce si grave si je n’en comprends pas le sens ? L’essentiel est de se laisser porter sur les ailes de l’ange, parmi les arbres qui tendent leurs feuilles au grand soleil, attentif à la sagesse de l’éléphant blanc.
Merci Ophenix.
Merci à chacun de vous.
De temps en temps, le poète se laisse porter sur les ailes de l’ange. C’est si doux !
Et il ne tient qu’à nous de nous faire du bien. Alors, acceptons la ronde du temps. Et dansons avec elle… elle nous rend plus vivants.
Ophenix
Mon premier coup de cœur sur Oasis.
J’adore.
La question de l’ange, toute l’histoire… et enfin la réponse de l’éléphant blanc.
J’aurais mille questions à déposer ici, sur la ronde du temps,
sur les chemins que prend l’éléphant blanc, entre deux forêts baignées de lumière…
Mais je vais me contenter d’une seule.
Est-ce une larme ?
Merci à chacun de vous, et Bienvenue à Tom !
A chacun de voir ou de ressentir ce qui se cache derrière cette « perle d’eau oubliée »…