J’ai dans la tête
des espaces peuplés de boîtes en fer-blanc
Elles tanguent sur les vagues de mon inconscient
s’éparpillent en hochant la tête gentiment
m’adressant parfois un petit éclair de lumière
pour me dire “pense à moi”
Et elles continuent de s’éloigner à leur gré
comme ça…
jusqu’à disparaître
Je les sais joyeuses
parties pour d’autres horizons qui
les font danser et danser encore
Et moi, je les sais…
je les sais là-bas
où je n’irai pas
La prochaine fois, pour les retenir
je les attacherai
Ou je les rangerai
bien serrées sur mon étagère
pour toujours offertes à mes regards
Mais je deviendrai trop triste
de les voir tellement tristes
si prisonnières
Alors j’irai les poser sur les vagues
où elles s’éparpilleront
hochant la tête gentiment
en m’adressant parfois un petit éclair de lumière
pour me dire “je pense à toi”
Et mon front de craie
se réjouira
de ce bonheur.
Quelques fois, il est dangereux d’ouvrir des boites qu’on a abandonné depuis trop long temps…
Ces joyeuses petites boîtes parties danser sur d’autres horizons, sans doute pleines de pensées, souvenirs, poèmes… me font penser à une ancienne et joyeuse chanson d’Yves Duteil “Les petites casquettes” :
On n’apprend pas nos chansons dans les écoles,
On mettra pas nos refrains dans les musées.
Les paroles, on les écrit pour qu’elles s’envolent.
Les musiques,on les écrit pour s’amuser.
Un poème léger, tendre et modeste loin des poésies pompeuses. Comme dit Yves Duteil, pas de risque d”attraper “la grosse tête”
On a tellement peur d’attraper la grosse tête
Que, pour s’en apercevoir, on va tous bientôt
S’acheter une p’tite casquette
Et l’essayer tous les soirs.
Ici, la vidéo, dans son jus vintage : https://www.youtube.com/watch?v=MQvtaxs3blY
Les paroles : https://www.paroles.net/yves-duteil/paroles-les-p-tites-casquettes
L’application d’images poétiques dans la poésie libre est obligatoire.
Cette règle a malheureusement poussé de nombreux poètes à plonger profondément dans une avalanche de nombreuses images pompeuses (merci Line !) éparpillées dans le poème. Alors que ce pourrait être perçu comme la maîtrise ultime de l’art, cela pourrait finir par être oublié dès que l’on a atteint la fin du texte.
Ceci n’est pas le cas de ce très joli poème. Il n’y a qu’une seule image qui persiste tout au long du texte : les boîtes flottantes qui sont provisoirement posées sur une étagère et qui finissent par être offertes à nouveau aux flots du destin.
Merci mille fois pour ce poème pittoresque inoubliable.
Je le garderai dans ma boite aux trésors.
Merci à tous les trois pour vos commentaires.
@Lau Tatar : oui, tu as raison, je devrais me méfier davantage du botulisme :-), certains souvenirs peuvent devenir toxiques quand on n’arrive pas à les oublier et qu’on les rumine trop !
@Line : merci pour la petite chanson ! J’avoue qu’en écrivant le titre, et bien que le lien ne soit pas tout à fait bien établi, j’ai pensé à une autre chanson. Mais je crois que tu es bien trop jeune pour la connaître ! Je trouve ce texte socio-politique d’une grande candeur, d’une grande légèreté “apparente”, et encore parfaitement d’actualité.
https://www.youtube.com/watch?v=8r0wuPoUuiE Petites boîtes – Graeme Allwright
en anglais : https://www.youtube.com/watch?v=XUwUp-D_VV0 Little boxes – Pete Seeger
@Purana : heureux que ce texte t’ai plu, et merci pour le clin d’œil de la boîte aux trésors !
Vous parlez de poésie ou d’images pompeuses.
C’est un travers à l’abri duquel je ne suis pas, je l’ai déjà montré et je le montrerai encore bientôt 😊 ! Mais quelquefois, je trouve que la pompe ne nuit pas, dans les églises baroques que j’adore, par exemple… ou dans la marche nuptiale de Mendelssohn !
Pour en revenir à mon modeste poème qui n’a rien de baroque, je trouve que “les vagues de mon inconscient” reste encore inutilement pompeux et un peu creux. Mais, comme certains et certaines le savent, j’ai beaucoup de mal modifier un texte une fois que je l’ai écrit, et je ne trouve pas mieux pour l’instant…
Reste le plus important, à savoir ce que sont mes petites boîtes ?
des personnes, des pensées, des espoirs, des projets, des souvenirs, …
Vous me le direz.
Tu me connais Hermano je suis un affreux matérialiste, qui laisse souvent ses écrits dériver vers les arcanes de l’imagination…
C’est ma facette matérialiste qui s’interroge sur la nature de ses boîtes en fer-blanc.
Bien entendu cette facette a compris que dans ton esprit elles sont loin de la définition : le fer–blanc est une tôle d’acier doux ou extra doux (teneur en carbone inférieure à 0,08 %), d’épaisseur inférieure à 0,5 mm et recouverte d’étain sur les deux faces.
Je pense aussi qu’elles ne correspondent pas à des fonctions neuronales, mais à des choses plus poétiques.
Tu nous proposes :
Reste le plus important, à savoir ce que sont mes petites boîtes ?
des personnes, des pensées, des espoirs, des projets, des souvenirs, …
Vous me le direz.
J’aimerai savoir ce que toi tu avais dans la tête en écrivant ce poème…
Car j’avoue pour le matérialiste que je suis il y a la boite et son contenu
Merci pour les petites boîtes de Graeme Alright.
J’étais à mille lieues avec mes petites boîtes joyeuses…
Des petites boîtes formatées qui se répliquent ou se succèdent jusqu’au cimetière, je suis plombée !
Voyons les choses autrement, il y a une grande variété de petites boîtes, forme, couleur, matière… Et même si elles sont toutes en fer-blanc, elles peuvent être décorées de tant de manières ! Tout espoir de résistance au formatage n’est pas perdu…
Hermano il me vient un doute et je me dis ce n’est pas vrai : il a osé! Cet homme est redoutable !
Fer-blanc –>boite de conserve –> destinée à contenir des aliments appertisés
Notre cerveau serait donc un empilement de boites, l’analogie est redoutable. Je n’ose y penser ces boites peuvent elles être cabossées ? Ce serait cela la déprime ?
Je ne peux m’empêcher de penser aux empilements de boites de conserve vides que j’allais dégommer à la kermesse de l’école de mes enfants…
Elles tanguent sur les vagues de mon inconscient
s’éparpillent en hochant la tête gentiment
Que c’est joli ! Ainsi vont les bons souvenirs à la fois présents et dansant sur de lointaines vagues. Et puis les boîtes en fer blanc sont pour nous, je veux dire ceux qui ne sont plus tout jeunes, un vrai souvenir ! Avec parfois à l’intérieur des biscuits éventés et un peu mous, ou des soldats de plomb, ou des Dinky Toys, ou des coureurs du Tour de France.
Mais tes petites boîtes sont bien d’autres choses encore, je ne les vois pas de celles qui enferment et uniformisent comme celles de l’ami Graeme Allwright, je les vois plutôt ouvertes à tous les vents, à tous les vents du souvenir.
Encore un très beau poème.
Ah ! Merci Chamans pour ce commentaire. Ah ! les Dinky toys ! Ah ! les petits coureurs cyclistes ! et les biscuits Chamonix à l’orange !
Tout ça aussi on va finir par l’oublier, pour seulement être nostalgique de la nostalgie…
Je crois que tu as bien compris : il ne s’agit pas que de cela et, en fait, pas vraiment de cela.
Moi-même, je me suis demandé pourquoi j’avais spontanément écrit ces mots et ce qu’ils pouvaient bien signifier, mais maintenant que chacun a donné son interprétation, je peux dire que vous m’avez aidé à comprendre ce que j’avais écrit sans réfléchir, comme une sorte de ressenti exigeant qui demandait à être exprimé sur le papier (ou plutôt sur l’écran).
Alors, et aussi pour répondre à Loki, je peux dire que ces petites boîtes, ce sont toutes les personnes, tous les moments, toutes les choses matérielles ou immatérielles qu’on a connus, qu’on a aimés, dont on aimerait garder le souvenir intact, avec le même goût et la même émotion. Mais ces choses, personnes, moments s’éloignent d’eux-mêmes, volontairement, ou bien notre mémoire les perd ; on ne voudrait pas, on voudrait les garder intacts pour toujours, mais cela est impossible : ces choses, ces personnes, ces moments n’y gagneraient que poussière et fadeur.
Alors, plutôt que de développer une inutile nostalgie pathologique il faut bien accepter de les laisser s’évader comme cela petit à petit, accepter que les petites boîtes qui les contiennent s’effacent doucement de nos mémoires en y laissant un doux et improbable souvenir, et un tendre “Je pense à toi”.
In memoriam….