En clin d’œil au jeu d’écriture “Antonymes” proposé par Loki
et merci à Baudelaire pour son “Albatros”.
Souvent, pour les raser, des hommes de l’alpage
Mènent des mérinos, sobres ventres laineux,
Qui suivent, aimables penseurs du paysage,
La troupe s’accrochant aux buissons épineux.
À peine les font-ils, dolents, gravir l’estrade,
Que ces rois des vallées, bêlants et tout honteux,
Laissent indécemment leur toison de parade,
Comme un grand tapis blanc tomber à côté d’eux.
Ce promeneur blasé, quelle honte l’assaille !
Lui, maître des prairies, comme il est nu et froid !
L’une se rit de lui, le châtie de broussailles ;
L’autre mime, en jouant, ce pauvre maladroit !
Le Poète ressemble à ce prince des cimes
Qui, aux silences blancs, cherche la centaurée,
Parfois proche des loups, et si près des abîmes,
Ses appels au néant l’empêchent de pleurer.
Superbe ! Baudelaire doit être fier de son élève !
J’en bêle de plaisir…
L’original :
L’albatros
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire
Remarquable pastiche ! Tout y est l’esprit et la lettre, avec le rythme balancé du poème original ! Bravo, c’est un vrai régal !!!
Dans ce poème tu donnes des lettres de noblesse au mérinos, sacré prince des cimes ! D’ailleurs c’est grâce à lui que Dior,Yves Saint-Laurent et Karl Lagerfeld ont créé des robes et manteaux iconiques…
Vive Mérinos Premier, roi de la Mode, même si le roi est nu !
Magnifique ! Hermano c’est une vraie réussite.
Ce promeneur blasé, quelle honte l’assaille !
Lui, maître des prairies, comme il est nu et froid !
L’une se rit de lui, le châtie de broussailles ;
L’autre mime, en jouant, ce pauvre maladroit !
“Le châtie de broussailles”, ça rime avec trouvaille, merveilleux. On l’imagine le pauvre mérinos à poil, parce que privé des siens, exposé aux multiples griffures d’une nature désormais hostile, vulnérable, tel le poète…
Bravo !