Nous sommes vents de sable
Un point noir agite ses bras, joyeux
au loin, sur la plage
Je n’arrive plus à zoomer, tu m’échappes
Le soleil brille plus fort, m’aveugle enfin
Bonne et chaude lumière pour t’oublier
danseuse infatigable, point noir fondant
dans cet océan de jaunes
Photo dans un album
pas encore vraiment jaunie
dont chaque minute augmente le flou, tu t’échappes
Ma peine prononcée hier, ce matin levée
levé l’écrou qui serrait tant
les tripes et le cœur et la tête
et mes mains, et mes ongles
la moelle épinière
mes songes et mes mots
Tu t’échappes, tu m’échappes
Un vertige
Mes mains sont ouvertes pour l’oiseau
Variante I : Mon cœur est à battre
J’vois un point noir, là-bas
Qui agite les bras
Chasseuse d’amour
Au bout de cette plaine de sable
J’arrive plus à zoomer, tu m’échappes…
Tu m’échappes.
Phoebus me tape en plein front
Que c’est bon !
Et tu danses et tu danses
Course au fond de l’oubli
Du jaune partout
Toi, point noir qui s’efface…
Qui s’efface.
Dans notre album j’ai trop bu
C’est pas encore jaune mais
Les photos sont floues, tu t’échappes…
Tu t’échappes.
Ce matin, je sors du mitard
Lumière en pleine gueule
T’as levé l’écrou
T’as levé le camp
D’ma vie point c’est tout.
T’as raison, c’est Sunday et
Mon cœur est à battre !
Variante II : À bras ouverts
Un point noir s’échappe en tourbillon au fond de la plage, tout est jaune et aveuglant.
Tu t’éloignes en météore, je peux plus zoomer.
Ma focale n’en veut plus de ces images qui vont jaunir.
La peine est accomplie, tu viens de lever l’écrou, je reste bras ouverts pour toi.
Tu peux.
Tu peux partir et rester, partir revenir, partir et partir.
Mon cœur est à battre.
J’ai crevé l’oreiller
J’ai dû rêver trop fort
Ça m’prend les jours fériés Alain Baschung
« Nous sommes vents de sable »
« Le vent battait devant ma porte »
« Les emporta »
Le tour d’écrou délicatement se lève sur cette… disparue?
« Danseuse, fondant, jaunie »…
Mémoire battant en brèche dans ce « flou » douloureusement salvateur.
« Mon cœur est à battre »
Remords mon cœur qui était à frapper
« Toi » « qui s’efface, qui s’efface »
Trivial song, uppercut ballad :
»
Ce matin, je sors du mitard
Lumière en pleine gueule
T’as levé l’écrou
T’as levé le camp
D’ma vie point c’est tout. »
C’est jour de soleil
Mon cœur a recommencé à battre.
L’amour « A bras ouverts »:
« Tu t’éloignes en météore, je peux plus zoomer.
Ma focale n’en veut plus de ces images qui vont jaunir.
La peine est accomplie, tu viens de lever l’écrou, je reste bras ouverts pour toi.
Tu peux.
Tu peux partir et rester, partir revenir, partir et partir.
Mon cœur est à battre. »
Tout est accompli.
Celui qui n’a jamais été témoin de la perte d’un « être unique » est encore à naître. Il en va de même pour celui qui n’a jamais quitté cet « être unique ».
Ce que j’apprécie le plus dans ce triple texte, c’est que l’essence ainsi que le cours de l’histoire restent les mêmes pour les trois versions : une perte irréversible, pas de mélodrame banal, pas de « tout est bien qui se finit bien ». Rien d’autre qu’un adieu indescriptiblement bleu.
Que l’on soit le témoin de cette perte graduelle ou celui qui s’éloigne graduellement, on ressent la douleur couler de chaque mot.
Que l’on soit le clou ou le marteau, on ressent ce coup impitoyable sur « les tripes, le cœur, la tête » ou » les mains, les ongles et la moelle épinière « respectivement.
Cet exposé du deuil exprimé en trois styles authentiques pourtant différents m’émeut.
Je trouve que les trois variantes sont délicates et parfaitement écrites.
Chaque mot apparaît exactement au bon moment et au bon endroit et chaque vers est le corollaire naturel du précédent.
Le choix de certaines phrases est intéressant. Ils permettent l’ambiguïté dans l’interprétation :
À bras ouverts (en écho, avec « partir et revenir, partir et partir) » : pour « accueillir encore » OU « laisser la liberté de s’échapper ».
Chasseuse d’amour : pour « se débarrasser de…(par exemple chasser les mouches ou les mauvaises pensées) » OU pour s’approprier / pour posséder (Chasser une proie).
La forme et le contenu uniques de ces poèmes sont ce que je décrirais comme des bons exemples de l’art de la poésie libre.
Cher Hermano, je te remercie infiniment pour ce partage que je trouve inspiré et inspirant.
Merci à vous, Tanagra et Purana, pour avoir lu, apprécié et compris chacune à votre façon.
Je retiens, Purana, cette image du clou et du marteau qui manifestent une égale souffrance, et merci aussi d’avoir noté ces ambiguïtés délibérées.