Le temps passe, passe ou bien le temps s’est-il arrêté ?
Je suis perdu au fond de la grande forêt finlandaise, et dans cet hiver qui n’en finit plus le jour reviendra-t-il ? Tous les bruits étouffés par la neige. Je suis neige, tendre et poudreux, mon cerveau est neige, gelé, silencieux, inerte. Parfois j’entends hurler un loup, seule présence qui atteste que je ne suis pas encore mort, que tout ce brouillard froid et dense, que tous ces flocons qui m’enveloppent, qui assourdissent tout, ne sont pas simplement la mort qui me tient dans son cocon, dans ce nid cotonneux, où tout est flou, où le temps n’est plus le temps, où même s’estompent mes mémoires, où mes souvenirs très doucement virent au flou, et alors je deviens cette pâte sourde qui attend de gonfler sous un improbable soleil. Le scintillement d’un cristal de neige désormais refusé, je reste éteint, ma voix s’étouffe, l’écho n’est plus, le vent n’est plus, je n’ai que le souvenir du vent et de l’écho des voix, tout est à mille kilomètres et j’attends, j’attends comme Caïn dans la tombe, un coma qui dure peut-être depuis des siècles. Je tends la main et ta main n’est plus là, je tends la joue et ta joue ne vient plus sur la mienne. Le temps passe, passe, ou bien s’est-il arrêté… ?
01/2021
Le temps s’est arrêté depuis un an malgré sa fuite si rapide.
Rien ne semble se produire alors que tant de choses se passent.
Notre perception des événements n’est plus un mélange des signaux entrants du monde extérieur et de ceux sortants de l’intérieur de nous-mêmes.
Nos réactions à ces signaux ne sont plus la somme de nos instincts animaux innés et de la noble évolution de notre intellect.
Voici la foule à Washington, et à Amsterdam…
Voici les âmes solitaires écrivant leur journal dans leurs nids cotonneux…
Merci Hermano pour cette prose poétique impressionnante qui m’a profondément touchée et que je trouve très inspirante.
Je pourrais parodier cette réplique de Louis Jouvet dans le film Drôle de Drame de Marcel Carné :
Oui, vous regardez votre couteau et vous dîtes bizarre, bizarre. Alors je croyais que …
– Moi, j’ai dit bizarre, bizarre, comme c’est étrange ! Pourquoi aurais-je dit bizarre, bizarre ?
– Je vous assure mon cher cousin, que vous avez dit bizarre, bizarre.
– Moi, j’ai dit bizarre, comme c’est bizarre !
en
Oui, vous regardez cette poésie et vous dîtes bizarre, bizarre. Alors je croyais que …
– Moi, j’ai dit bizarre, bizarre, comme c’est étrange ! Pourquoi aurais-je dit bizarre, bizarre ?
– Je vous assure mon cher cousin, que vous avez dit bizarre, bizarre.
– Moi, j’ai dit bizarre, comme c’est bizarre !
Alors je croyais que … c’était une nouvelle !
Mais la poésie est cet OVNI que l’on peut trouver partout.
Quoi qu’il en soit poésie ou non, ce texte me plait par sa concision, ses mots qui suggèrent des images dans l’esprit du lecteur et qui induisent une atmosphère feutrée dans laquelle le héros attend une mort inévitable, impavide comme le cadavre qu’il sera bientôt…
J’aime beaucoup aussi cette reproduction de tableau. Des montres molles ! Est-il de Salvador Dali ?
Merci à vous deux.
Ah ! que je suis heureux, Purana, que ma prose t’inspire ! et aussi d’user un peu l’imperméable à la poésie de Loki…
C’est exactement ça, Loki, la poésie… ça suscite des images dans la tête du lecteur ! heureux de te le faire découvrir !!! Rires !
L’image n’est pas un tableau de Dali, mais c’est vrai qu’elle s’en inspire probablement. Elle est tiré d’un site d’image gratuites, Pixabay, où dessinateurs et photographes peuvent venir proposer gracieusement leurs œuvres et que vous pouvez utiliser pour vos images sur Oasis de poésie et d’écriture. je pense qu’en l’occurrence, il s’agit d’une artiste allemande :
https://pixabay.com/fr/photos/paysage-temps-le-temps-passe-3318713/
https://pixabay.com/fr/
Bonjour Hermano,
Ton poème, pour moi, évoque, avec une infinie délicatesse et des images très appropriées, l’état d’esprit de bien des gens autour de moi.
“on est perdu”, “on en a marre”, “il fait froid”, “on manque de contacts”…
Attente, manque de perspectives, ….
J’essaie de garder le moral en lisant, en écrivant, en bricolant, en baladant,
en appréciant les petites choses, les petits plaisirs de la vie.
Merci Nima, de ce commentaire pour ce texte “compact” où, oui, j’ai essayé de créer cette impression d’étouffement et d’expectative.
Tu as raison, je crois, il faut s’inventer ou se réinventer… Rien de mieux que l’écriture, n’est-ce pas ?
Non, non, il y a aussi le bricolage bien sûr, et le jardinage ! et bientôt nos demeures, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, vont ressembler à Versailles ! Toujours mieux que la tombe de Caïn… 🙂
Le temps ne s’arrête pas mais il fuit parmi les flocons, les repères s’effacent, les horizons s’estompent dans une impersonnelle blancheur, nous ne dirigeons plus nos pas, nos élans sont gelés.
Attente, attente d’un vent bienfaisant qui chasse cette opacité.
Magnifique texte Hermano !
Que je voyais plutôt associé à la mort, qui surgit comme un platane au travers de la route ou qui nous enveloppe d’une ouate paralysante. Je ne trouve plus ta main, et ma joue ne rencontre plus la tienne. Je suis mort.
Bravo ! Bravo !
Merci beaucoup Chamans.
Ton commentaire m’amène à me demander si ce n’est pas un thème récurrent chez moi…?
Encore un drôle de coffret -surprise ! 🙂 https://www.oasisdepoesie.org/textes-dauteurs/nouvelles/hermano/le-coffret-surpri