Le temps passe, passe ou bien le temps s’est-il arrêté ?

Je suis perdu au fond de la grande forêt finlandaise, et dans cet hiver qui n’en finit plus le jour reviendra-t-il ? Tous les bruits étouffés par la neige. Je suis neige, tendre et poudreux, mon cerveau est neige, gelé, silencieux, inerte. Parfois j’entends hurler un loup, seule présence qui atteste que je ne suis pas encore mort, que tout ce brouillard froid et dense, que tous ces flocons qui m’enveloppent, qui assourdissent tout, ne sont pas simplement la mort qui me tient dans son cocon, dans ce nid cotonneux, où tout est flou, où le temps n’est plus le temps, où même s’estompent mes mémoires, où mes souvenirs très doucement virent au flou, et alors je deviens cette pâte sourde qui attend de gonfler sous un improbable soleil. Le scintillement d’un cristal de neige désormais refusé, je reste éteint, ma voix s’étouffe, l’écho n’est plus, le vent n’est plus, je n’ai que le souvenir du vent et de l’écho des voix, tout est à mille kilomètres et j’attends, j’attends comme Caïn dans la tombe, un coma qui dure peut-être depuis des siècles. Je tends la main et ta main n’est plus là, je tends la joue et ta joue ne vient plus sur la mienne. Le temps passe, passe, ou bien s’est-il arrêté… ?

 

01/2021