Et tu attends, si longtemps pétrifié, mais elle n’est plus là, le sommeil t’envahit, tu lui inventes des poèmes, des mots dans toutes les langues et elle revient t’aimer, tu veux l’attraper, elle n’est que songe et mélopées de son enfance quand elle dormait la nuit sur la terrasse, tu te demandes si comme toi elle voit les étoiles, Mars la rouge et Jupiter la glorieuse, et tu sors encore fumer le nez dans les galaxies avant de revenir pour essayer de percer sa nuit, mais non elle est partie penser à d’autres âmes, elle tire les fils d’autres marionnettes, et tu la guettes, tu n’en peux plus, tu marcherais sur les eaux pour la rejoindre mais tu ne veux plus, tu veux juste sa main dans la tienne et enfin le silence, que ce bruit de clavier s’arrête, que tu puisses enfin t’étendre et dormir, avec sa main, et tu te frottes les yeux mais rien ne s’éclaire, toujours le trouble, et l’amour tu le sens dans ton cœur, tu le connais trop, il ne venait plus depuis si longtemps, tu voles au-dessus des platanes le long des canaux, mais tu ne la vois pas, d’un coup l’ombre de son sourire s’élargit jusqu’à toi, elle est revenue, ton cœur se tord, une brûlure, encore un souffle infidèle sur la braise, et toi, tu es de nouveau son ange, son héros, tu sautes à pieds joints dans l’habit de lumière, tu exultes, tu deviens le fou joyeux, tous tes neurones, tout ton cœur et toutes tes tripes sont à vif, tes doigts courent  de nouveau  sur le clavier  et  tu creuses  le vide pour trouver de pauvres pépites, de pauvres présents, des histoires d’amour, de pures bêtises que tu lances sur les fils de la nuit, vers sa toile enchantée, et elle aime cela, tu es magnifique tu ne sais pas pourquoi, tu redeviens la silhouette dans son cœur, tu le sais mais tu ne comprends pas, tu ne sais pas pourquoi elle t’aime sans t’aimer, comment elle te tient sur le fil de son rasoir, ce fil qui t’enveloppe dans son cocon merveilleux, ce rasoir qui peut-être bientôt va te saigner comme un porc, et au moment où tu t’approches pour embrasser son sourire et ses lèvres elle se retire encore au fond de la nuit, au fond des brumes immenses qui courent vers le large, derrière ses voiles de l’Orient, derrière les voiles de tous les bateaux qui croisent dans la nuit et de nouveau tu la perds, tu te dis qu’elle est partie tisser d’autres toiles et tu souffres, tu sais qu’il ne faut pas mais tu pleures.

 

Tu l’aimes, et pourtant tu te dis qu’elle ne saura jamais si tu meurs.