A l’auvent d’un sombre immeuble,
En cet antre, rue gelée d’hiver,
Assis, les os contre pierre,
Pour ce cœur indigne et banni
J’ai souvent repensé ma vie.
Je verserais une larme à terre
Si à terre elle ne s’y dérobait,
Je tendrais la main au vent
Si à au vent on ne l’y mettait.
Sous ces baisers de froidure,
Mon corps, transis, aux bises
Ne se plie qu’à peine,
S’y glacent mes blessures,
Mes pleurs d’hiver, résine
Plus que mon sang l’été.
Pour cette âme, son corps, ses os,
Un peu de chaleur, c’est humain,
Mais dans la rue, cette ingratitude,
On se croise, s’ignore et se toise.
On évalue l’autre, sur son trottoir,
A ce regard, on s’accroche et le baisse
À son approche, par trop de mépris,
Pour une main qui se donne,
C’est un poing qui nous vient.
On trébuche, on s’écorche aux avaloirs.
On dispute son dortoir, son rayon de lune,
Pour une ombre partagée, céder au corps,
C’est à cœur fendre crier de désespoir.
Je te cherche ma sœur, solitaire des rues,
Toi, terre à terre, et ton baluchon,
Tu brilles, ma grande âme, au firmament
Dans l’œil humide des macadams.
Merci pour ce poème qui m’étreint le cœur !
Surtout moi habitant d’une ville, où l’œil s’est habitué à la misère.
Ils sont devenus normalités ces gobelets posés devant des ombres aux murs accolées, ces corps d’hommes et de femmes allongés sur des bouches de chaleur.
Mais comment séparer le bon grain de l’ivraie tant se multiplient ces faux mendiants organisés en bandes, ces faux infirmes, ces femmes avec des bébés qui ne sont pas à elles. Pour certains la misère est devenue une industrie.
Ne pouvant donner à tous, je me fie à mon intuition et donne à ceux ou à celles qui ne demandent rien, car les vraies misères sont le plus souvent muettes…
Merci pour ce ressenti
Je crois comprendre que votre œil ne s’est pas habitué à la misère…qui vous étreint le cœur.
Pour le reste, je ne vous suis pas, manipulés ou pas, ce sont avant tout des êtres en souffrance, aux fins d’exploitation de la mendicité, (avec de la mise en scène) une forme de traite des êtres humains.
Merci pour votre lecture
Bonjour Bouloche et bienvenue !
J’ai beaucoup apprécié cette ode à une dame du macadam. Avec beaucoup de sensibilité et une grande musicalité d’écriture tu rends compte de la dureté de la vie des SDF. J’aime beaucoup la répétition des sonorités qui créé une dentelle musicale: auvent, vent, souvent / croise, toise / accroche, approche, écorche / trottoir, avaloir, dortoir, désespoir / âme, macadam. Et les jeux de mots « terre à terre », à coeur (pierre) fendre, la correspondance bises=baisers de froidure.
Il y a je ne sais quoi dans ces os contre pierre et ces âmes exposées au vent quelque chose qui m’évoque la ballade des pendus de François Villon
Merci Line pour ’ l’étude de ce texte qui m’a évidemment fait plaisir.
« Ode à une Âme des macadam » beau et triste titre pour ce texte
Peut-être remplacer « dentelle musicale » par : « Chape de bure » me semble plus évoquer la sonorité du texte ( et Villon)
Bonjour Bouloche, Je suis ravie que mon commentaire t’ait fait plaisir.
Si tu permets je maintiens ma dentelle (de bure si tu veux, encore qu’en l’occurrence, je la verrais bien en guenilles). En effet la chape est compacte et étouffante alors que tes jeux de sonorités ménagent des ouvertures qui ouvrent joliment sur autre chose, comme un jeu de dentelles.
Merci Line…mais
« la chape est compacte et étouffante « comme la chaleur du trottoir en plein été , compacte comme l’ombre , c’est toujours là qu’ils se tiennent ,
la chape pèse lourdement comme la vie pèse sur eux.
Les « jeux de sonorités ménagent des ouvertures qui ouvrent joliment sur autre chose, comme un jeu de dentelles » l’avenir pour eux ne s’annonce pas radieux, ni léger comme un jeu de dentelles.
Encore un grand merci pour cet interêt
Je ressens le froid de la rue, je ressens l’isolement, le mépris, quand on est seul et que tout est dur et froid : le temps, le cœur des autres, le sol.
Une mention pour « l’œil humide des macadams ». « Si à au vent » –> « Si au vent… »
merci Hermano,
effectivement le à est de trop)
Très beau texte qui nous amène à pénétrer ces âmes oubliées, méprisées, meurtries, souvent éliminées de nos pensées et évitées par nos regards. Un poème non seulement nécessaire mais d’une écriture poignante. Merci beaucoup Bouloche, j’espère que tu nous gratifieras encore de ton beau talent.