Peu de gens connaissent Bellenac sur Mouroux. C’est naturel, ce village situé dans la région lyonnaise n’est pas un haut lieu du tourisme. Son activité tourne surtout autour de l’agriculture et l’industrie se résume à la fabrication de bérets.
La messe est terminée et l’abbé regagne la cure, où il va préparer son modeste repas. Il n’y a pas que les repas qui sont modestes dans la vie de l’abbé. Tout son train de vie l’est. Ce n’est pas avec ce que reverse sa hiérarchie à partir du denier du culte que le curé pourrait faire des extras. Non seulement l’abbé Mouret se nourrit chichement, mais il s’habille aussi chichement. Il possède en tout et pour tout deux costumes noirs élimés qu’il alterne mettant l’un quand l’autre est au nettoyage. Il y a de nombreuses années qu’il porte pour les cérémonies les mêmes habits sacerdotaux dont il prend soin pieusement.
Le confort de la cure est drastique, quelques meubles cédés gratuitement par de généreux paroissiens. Les murs et les plafonds du petit logement commencent à souffrir de l’usure du temps. Ils ont été repeints il y a plus de vingt ans. La commune devrait participer à leurs réfections, mais elle n’est pas pressée d’inscrire ces travaux dans les budgets d’autant que l’église elle-même est en triste état.
L’abbé Mouret officie à Bellenac sur Mouroux depuis quarante-cinq ans. Fils d’un paysan de la Lozère, sa famille regrettait qu’il n’ait pas choisi la terre comme ses parents et ancêtres, malgré tout elle était assez fière de voir un de ses fils intégrer la fonction ecclésiastique.
Quand il était arrivé dans le village, le jeune abbé frais émoulu du séminaire était plein d’enthousiasme. À l’époque l’église était pleine et la religion était vénérée. Peu à peu son ardeur s’émoussa face à la réalité. Nommé dans le diocèse avec l’âme d’un croisé pour enseigner l’amour du Christ, combattre le péché, remettre les brebis égarées dans le droit chemin, il dut vite en rabattre. Les brebis n’en faisaient le plus souvent qu’à leur tête. Le péché ? Pour beaucoup, une confession et deux paters suffisaient à effacer les fautes. Puis les paroissiens replongeaient dans les mêmes errements ou d’autres… L’amour du Christ est une valeur toute théorique. La compassion et l’amour du prochain, des valeurs auxquelles on adhérait pendant les sermons du curé, mais qui restaient lettre morte dans la vie de tous les jours. Les mois et les années conduisirent l’abbé Mouret à une conception plus modeste de son sacerdoce. Il se satisfit d’être un honnête travailleur de la foi catholique assurant avec compétence les messes, les cérémonies de baptême, de mariage et d’enterrement, et réconfortant les âmes en détresse. Il s’aperçut assez vite que la vie de prêtre est loin d’être un long fleuve tranquille. La solitude est souvent un poids pour ces hommes qui ont décidé de s’occuper de leurs prochains. Un curé reste un homme et la chair est faible. Et l’abbé Mouret ne bénéficia pas de cette fameuse bonne du curé, à laquelle la littérature prête le mérite discret d’assouvir les pulsions de l’homme en soutane.
Bien sûr, l’abbé Mouret profita parfois des douceurs de quelques paroissiennes…
Maintenant que le temps a passé et que les ardeurs se sont faites moins fortes, il y pense avec nostalgie et n’éprouve pas les regrets que sa condition d’homme d’Église devrait lui imposer. Il est au courant des errements de certains ecclésiastiques auteurs d’actes de pédophilie. Mais, « grâce à Dieu », lui au moins il n’a pas sombré dans ces pratiques qui lui font horreur. Et puis rien ne prouve que Jésus et Madeleine ne se soient pas aimés…?
En d’autres temps, l’abbé Mouret serait déjà parti à la retraite. Mais, faute de vocations nouvelles, la hiérarchie lui a fait comprendre que s’il pouvait prolonger un peu son sacerdoce Dieu lui en serait reconnaissant. Certes le curé ressent le poids des années et aurait été assez satisfait d’aller terminer le reste de sa vie dans un monastère, mais outre la pressante demande de l’évêque, celle plus amicale de ses ouailles l’incite à ne pas quitter encore Bellenac sur Mouroux. Il est conscient qu’après son départ la responsabilité de sa cure serait assurée au mieux par un curé venu d’Afrique ou d’Asie, plein de bonne volonté, mais dont les sermons, à cause de l’accent, demeureraient incompréhensibles aux paroissiens.
La messe était terminée et l’abbé avait regagné sa cure. Il préparait son modeste repas.
Il était attablé devant une saucisse aux lentilles et s’apprêtait à regarder Jean-Luc Reichmann sur le vieux poste de télévision offert par le médecin du village, quand quelqu’un frappa à la porte. Un peu contrarié d’être dérangé pendant son émission préférée, mais il se dit qu’il s’agissait sans doute d’une urgence. Peut-être une extrême onction ? Le village ne manquait pas de paroissiens ou paroissiennes âgés, le bon air et le travail conservent…
Ouvrant la porte il fut surpris de voir apparaître le maire !
La surprise fut encore plus grande quand le maire annonça à l’abbé Mouret qu’un généreux donateur venait de le contacter et de lui remettre un chèque de 1 million d’euros. La commune allait pouvoir restaurer entièrement l’église et en plus remettre la cure à neuf.
Remis de sa stupeur, le curé demanda le nom de ce généreux mécène.
Un peu gêné, le maire apprit à l’abbé que c’était un milliardaire brésilien, José Ortéga. Dans la plus grande discrétion, il avait acheté sur la commune une immense propriété donnant sur le Mouroux. Il avait demandé au maire que cet achat soit anonyme et soit connu par le moins de personnes possible. Aujourd’hui il mettait le curé dans le secret. Pourquoi José Ortéga avait-il choisi Bellenac ? Parce qu’un de ses lointains ancêtres, Maximilien Ortolan avait émigré au 19e siècle au Brésil et avait fortune. Pour s’intégrer dans ce vaste pays il avait lusitanisé son nom. Son descendant était actuellement la cinquième fortune mondiale.
Pour son geste généreux, il ne demandait qu’une chose ! Le maire sortit de sa poche une enveloppe fermée qu’il remit à l’abbé Mouret. Celui-ci avait la charge de la remettre au cardinal Barbarin à Lyon…
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Quand son secrétaire l’avait informé que le curé de Bellenac sur Mouroux lui avait demandé une audience, son éminence Barbarin avait été contrariée. D’autant que le vieil abbé n’avait pas été capable de donner le motif de sa demande. Il avait simplement précisé qu’il avait un message important à remettre au cardinal. Ce prélat traversait une mauvaise passe. La justice venait de le condamner pour ne pas avoir dénoncé les pratiques pédophiles de certains hommes d’églises de sa région. Que voulait donc l’abbé Mouret ? Il avait lu attentivement son dossier : rien de répréhensible dans la vie de ce vieux curé ! Mais en ces périodes troublées, on pouvait tout imaginer… Peut-être qu’en raison de la mode actuelle, le prêtre pris de remords venait révéler à son supérieur des pratiques perverses. Le cardinal avait assez de soucis en ce moment pour les aggraver de confessions tardives.
C’est donc d’une assez méchante humeur que le cardinal Barbarin reçut l’abbé Mouret. Il s’attendait au pire et ce fut donc la surprise totale quand le curé lui expliqua le motif de sa demande d’audience. Le cardinal connaissait l’existence du milliardaire brésilien, José Ortéga, mais il ne voyait pas à priori pourquoi il avait chargé l’abbé de lui remettre une lettre scellée.
Après avoir lu le contenu de la lettre, le cardinal resta sans voix.
Le milliardaire demandait la canonisation de sa femme récemment décédée…
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Quelque temps plus tard…
Le cardinal Barbarin était dans le bureau du Pape.
Les deux hommes se connaissaient fort bien. Quand Philippe avait demandé à nouveau de le rencontrer, Sa Sainteté était un peu irritée. Ces affaires de pédophilie dans l’église l’avaient mis de mauvaise humeur. La dernière fois, il avait refusé la démission de son ami. Il ne le disait pas, mais il était contrarié que la justice des hommes se mêle des affaires de l’Église. Celle-ci était bien capable de régler elle-même ses problèmes sans cette publicité intempestive des médias. D’autant qu’une majorité des affaires étaient maintenant prescrites. Jésuite dans l’âme, il estimait mal venu de remuer toute cette vase. D’un autre côté il ne comprenait pas le comportement de ces prêtres pédophiles. Certes le célibat peut être difficile à assumer, mais il y a tant de façon de calmer les ardeurs de la chair sans se servir d’enfants. Lui-même…
C’est avec un peu de regret qu’il pensait à l’Argentine quand il était encore Jorge Mario Bergoglio, jeune prêtre, puis archevêque de Buenos Aires et enfin cardinal.
Il avait une certaine fierté d’être le premier pape issu des rangs de la Compagnie de Jésus, le premier pape non européen depuis le pape syrien Grégoire III au VIIIe siècle ainsi que le premier issu du continent américain. Il était également le premier pape à prendre le nom de François, nom choisi en mémoire de saint François d’Assise. Le Vatican lui semblait bien étroit et la Curie romaine bien sectaire.
La mauvaise humeur de Sa Sainteté se transforma en stupeur quand le cardinal lui fit lire la missive du milliardaire brésilien.
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Dans l’Église catholique, seul le pape a le pouvoir de canoniser une personne dont la vie et les actes lui ouvrent les portes de la sainteté. Un sacre qui se fait en deux étapes, la personne devant auparavant être béatifiée.
La décision pontificale n’intervient qu’au bout d’un processus long et complexe, et qui débute dans le diocèse où le candidat est décédé. Un groupe de fidèles – appelé Acto Causae – s’adresse à un prêtre – un postulateur – pour qu’il dépose une demande auprès de l’évêque de ce diocèse.
Ce dernier après avoir analysé les pièces du dossier – écrits, preuves de miracles – va formuler, environ deux ans après, une requête officielle auprès de la Congrégation des causes des saints, qui se tient au Vatican. Si la Congrégation juge que le candidat mérite d’être canonisé, elle donne son accord – la nulla ostra – et commence l’évaluation des preuves : c’est le contrôle de la légitimité, une étape qui peut durer une douzaine d’années. Pas de miracle, pas de saint : il n’y a ni béatification, ni canonisation sans miracle. C’est pourquoi un groupe de médecins et de théologiens se penchent sur des actes prétendument miraculeux, pour les évaluer.
Première étape : si un miracle est avéré et que la vie du candidat est jugée vertueuse, le pape autorise un décret de béatification, et la date de la cérémonie est fixée. Deuxième étape : si un second miracle est avéré, une cause en sanctification est ouverte, qui mène à la canonisation.
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Sa Sainteté se retrouvait seule dans ses appartements privés, le cardinal Barbarin était reparti bien content de se débarrasser de sa missive. Après tout il n’était pas pape et ne le serait sans doute jamais…
Jorge connaissait bien José Ortéga et sa femme Gigoletta. Il avait eu l’occasion de fréquenter le couple quand il était archevêque de Buenos Aires. La fortune du milliardaire le mettait mal à l’aise. Certes madame Ortéga avait une vie exemplaire, multipliant les œuvres caritatives, se rendant régulièrement dans les favelas, allant régulièrement à la messe. Un homme d’Église ne devrait pas dire cela, mais il la trouvait même un peu trop bigote… Mais de là à en faire une sainte ! La procédure en ce domaine était stricte, les demandeurs en béatification et ensuite en canonisation doivent prouver l’existence de miracles. Le Pape alors « refila le bébé » comme on le dit familièrement à la Congrégation des causes des saints. Il n’avait aucun doute sur la suite des événements, il n’y aurait pas de sainte Gigoletta !
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Le cardinal préfet de la congrégation est venu voir le pape pour faire le point. La demande du milliardaire n’était pas banale. D’habitude ce sont surtout des cas d’hommes d’Église qui sont examinés…
Quelques jours plus tard, le cardinal Monticelli demanda une audience. Le Pape était contrarié, ce cardinal, sorte de ministre de l’Économie du Vatican, allait encore lui parler de gros sous ! Le cardinal Monticelli ne le savait sans doute pas, il était surnommé par ses collègues « le cardinal Picsous ». D’ailleurs l’eut –il sut, il s’en serait soucié, comme d’une guigne. Issu comme le pape François du corps des jésuites, il gérait les finances du Vatican d’une main de fer.
- Très Saint-Père, j’ai demandé à vous entretenir à propos du dossier Ortega.
- Le dossier Ortega ? Pour la sanctification de madame Ortega ?
- C’est cela même, très Saint-Père !
- En quoi êtes-vous concernée éminence ? J’ai confié le dossier à la Congrégation des causes des saints. Je pense d’ailleurs qu’elle va émettre un avis négatif…
- Certes très Saint-Père, mais un avocat de monsieur Ortega est venu déposer un dossier pour appuyer la requête.
- Ce dossier a-t-il été transmis auprès du cardinal préfet de la congrégation ?
- Assurément très Saint-Père et une copie du dossier a été distribué aux trente-quatre membres, au promoteur de la foi, aux cinq rapporteurs et aux quatre-vingt-trois consulteurs.
- Les règles canoniques sont donc respectées ! Mais en quoi êtes-vous concerné ?
- Je suis concerné parce que le cardinal préfet m’a transmis un document annexe qui ressort de ma compétence. Et je pense que son contenu appuie favorablement la demande de monsieur Ortéga !
- Précisez votre pensée éminence !
- Monsieur Ortéga argumente que sa femme a subventionné pour plus d’un milliard d’euros de nombreuses œuvres caritatives et qu’il propose de construire six cathédrales grandes comme Saint-Pierre de Rome, une dans chaque continent…
- Ce n’est pas trop catholique, tout ça, éminence !
- Attendez ! Ce n’est pas terminé, très Saint-Père… Il propose une subvention pour le fonctionnement de notre très sainte Église.
- Combien ?
Le cardinal se penche vers l’oreille du Pape et lui murmure le montant.
- Mais c’est diabolique !
- C’est diabolique, très Saint-Père, mais cela permettrait de soulager nos finances qui sont au plus bas. Je me dois de vous rappeler que le nombre de fidèles a décru de façon inquiétante ces dernières années.
- Je vous entends Éminence, mais vous n’êtes pas sans savoir que pour qu’il y ait béatification il faut un miracle et qu’ensuite un deuxième miracle peut permettre la sanctification…
Quand le pape se coucha le soir il eut du mal à s’endormir. Décidément le dossier Ortéga lui donnait bien du souci. Il n’était pas vénal, mais les chiffres et les promesses annoncés par le cardinal Monticelli l’avaient ébranlé. Il était le chef spirituel de l’Église catholique romaine, mais il ne pouvait pas oublier la composante matérielle de son sacerdoce et comme le cardinal l’avait souligné les finances souffraient de la défection des fidèles dans les pays occidentaux et ce n’était pas l’augmentation des catholiques en Amérique du Sud qui allait pallier cette situation.
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Le cardinal Botticelli, préfet de la congrégation, venait de recevoir un billet du pape. Son contenu le mettait dans un grand embarras.
Conformément à la procédure définie par le droit canon il avait déposé entre les mains de chaque membre de la congrégation le dossier de Gigoletta Ortéga. Plusieurs personnes y affirmaient qu’ils avaient été témoins d’un miracle. Il y a deux ans, avant sa mort, la postulante était allée à Rocinha, une des plus grosses favelas de Rio. Elle y subventionnait une association caritative As irmãzinhas do redator de Jesus.
Tous les mois elle avait l’habitude de s’y rendre personnellement pour y distribuer de la nourriture et des vêtements. Dans une des maisons, elle revenait voir un petit garçon atteint d’une leucémie fulgurante. Gigoletta Ortéga avait donné aux parents une grosse somme d’argent pour qu’ils puissent aller faire soigner leur enfant à l’hospital Copa d’or. Malgré les traitements les plus modernes et la compétence des médecins, la maladie ne cessait de progresser. L’enfant avait été renvoyé à ses parents afin qu’il meure en paix chez lui. La milliardaire avait pris le petit José dans ses bras, l’avait longuement serré tout en priant. Le lendemain l’inexplicable était arrivé… le petit garçon s’était réveillé en pleine forme et avait demandé d’aller jouer avec ses copains.
La procédure d’évaluation des preuves était en cours : un groupe de médecins et de théologiens se penchaient sur cet acte prétendument miraculeux.
Si ce miracle était avéré, la vie de Gigoletta Ortéga ayant été jugée vertueuse, le pape autoriserait un décret de béatification.
Le cardinal Botticelli, préfet de la congrégation, était serein, grand spécialiste du processus, il savait par expérience qu’il pouvait durer une douzaine d’années.
Mais dans sa missive le pape demandait expressément que la congrégation abrège ses travaux et que Gigoletta Ortéga soit canonisée au plus vite.
Cette entorse à la procédure le contrariait, mais une décision du Pape équivalait à un ordre.
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C’est ainsi qu’apparut dans le calendrier une nouvelle sainte, sainte Gigoletta à fêter tous les 29 février. La bonté de l’église n’allait pas jusqu’à attribuer une fête annuelle à cette nouvelle sainte…
José Ortéga n’était pas un ingrat, dès qu’il eut connaissance de la canonisation de sa femme il donna l’ordre au cabinet Johnson & Johnson d’entamer les démarches aux six coins du monde pour commencer la construction des cathédrales promises. Les plus grands groupes de génie civil furent contactés, des moyens matériels et humains colossaux furent mis en œuvre. Les ouvrages sortirent rapidement de terre.
Ces cathédrales étaient gigantesques, la plus grande mosquée du monde le mausolée de l’Iman Reza en Iran tenait à l’aise dans chaque bâtiment édifié à la gloire du Christ et aussi en hommage à sainte Gigoletta. Le milliardaire avait exigé que son portrait figure dans chacune d’elles. On ne peut rien refuser à un si généreux donateur…
Le Pape François était un peu gêné de la tournure des choses, mais en tant que successeur de saint Pierre, il était chargé sur terre de faire tout ce qui est nécessaire pour promouvoir la gloire du Christ Roi. Le cardinal Monticelli le mettait régulièrement au courant des virements de fonds entre le Brésil et le Vatican. C’étaient des opérations délicates qui devaient se faire dans la plus parfaite discrétion. Les sociétés-écrans et les paradis fiscaux étaient là pour cela…
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Est-ce l’œuvre de Satan ou les voies du seigneur sont-elles impénétrables ? Mais un véritable cataclysme s’abattit sur le Vatican.
Un matin le petit-déjeuner habituel du bon Pape François fut interrompu par l’arrivée inopinée du cardinal Monticelli. Cet homme au visage déjà émacié en temps habituel avait une couleur jaunâtre qui traduisait des problèmes biliaires récents.
La santé robuste du Pape argentin ne résista pas aux nouvelles apportées par son éminence. Il fut victime d’un AVC.
L’empire du milliardaire José Ortéga s’était écroulé, victime d’une bulle financière qui venait d’éclater. Incapable de supporter ce revers de fortune Ortéga s’était suicidé.
Donc, sur les six continents les travaux allaient s’arrêter faute de subsides, le Vatican maitre d’œuvre des ouvrages était responsable des frais engagés et tenu de payer les sociétés de travaux publiques. Les fonds partis du Brésil étaient bloqués dans des pays lointains…
Une seule bonne nouvelle dans cet immense gâchis : la cure de l’abbé Mouret venait d’être repeinte et l’église de Bellenac sur Mouroux était flambante neuve !
Une belle prose, documentée, qui m’a tenu en haleine, mais la fin mériterait peut-être d’être davantage étoffée. Je m’attendais plutôt à un nouveau miracle posthume de cette Gigolette ou à une intervention de l’abbé ! Mais bon, l’Histoire est l’Histoire et on ne la refait pas !
Je me suis surtout attaché à quelques petites réflexions collatérales qui m’ont donné à penser. Par exemple :
« La compassion et l’amour du prochain, des valeurs auxquelles on adhérait pendant les sermons du curé, mais qui restaient lettre morte dans la vie de tous les jours.«
Pour moi, cela n’a rien d’étonnant, c’est tout simplement l’éternelle nature humaine. Et si le peuple a changé d’opium, ses modalités d’engagement restent les mêmes : la parade et les grands serments politiquement corrects en public et une forte dégradation du modèle une fois rentré à la maison ! Comme disait mon prof de latin : Nihil novi sub sole est !
« Il se satisfit d’être un honnête travailleur… »
Que voilà en effet un homme sage ! En relation avec ma précédente remarque, j’ai toujours préféré les « honnêtes travailleurs » aux grands tribuns idéalistes de tout poil qui ne savent que nous donner d’utopiques leçons de maintien…
« Et puis rien ne prouve que Jésus et Madeleine ne se soient pas aimés…«
Moi qui ai bien connu Jésus, je sais que ce n’est pas lui qui a imposé le célibat aux prêtres mais quelques fanatiques d’avant le Moyen-Âge jusqu’à la Renaissance ! …. Jésus n’a jamais demandé le célibat à ses ouailles ni à ses ministres ! à tel point que certains parlent même de la descendance de Jésus (Yesuah ben Yossef) et de Marie-Madeleine ! Fake news ?
Enfin, je me demande d’où tu tires le nom de ce prêtre : l’abbé Mouret ?
Dès le début, cela m’a fait penser à un roman de Zola, dans la série des Rougon-Macquart, je pense : « La faute de l’abbé Mouret », une histoire d’un romantisme échevelé qui avait ravi mon adolescence, enivrante au propre comme au figuré, tu comprendras pourquoi si tu lis le roman jusqu’au bout !
Bonjour Loki,
Je tiens à te féliciter pour cette prose vraiment très bien écrite.
J’ai adoré lire ce texte du début à la fin.
En fait, la fin était pour moi la cerise sur le gâteau.
Je peux quand même parfaitement comprendre la remarque de Hermano, c’est-à-dire son espoir de voir un deuxième miracle lorsque tout se passera mal. Pourtant, une telle « fin-bonne-toute-bonne » me décevrait ; cela minerait la moralité de l’histoire, au moins pour moi : l’argent peut acheter des prêtres; des prêtres peuvent acheter des miracles; des miracles font des saints. Et quand toutes les choses disparaissent, les saints restent Saints pour toujours sans que personne ne se soucie de ré-enquêter sur la question.
Merci Loki et mille bravos pour ton vocabulaire incroyablement riche !
Hermano et Purana je vous remercie tous les deux de vos longs commentaires qui m’ont fait chaud au coeur.
Il est vrai que l’écriture de cette nouvelle m’a demandé beaucoup de temps, mais m’a donné aussi beaucoup de plaisir.
J’ai longuement hésité sur le choix de la fin. Un moment j’avais envisagé une apparition de Gigoletta dans le bureau du Pape après un refus de sa canonisation, cela aurait fait plaisir à Hermano. Mais est-ce la main de Dieu qui m’a imposé un autre choix ?
Le choix de « Mouret » n’est pas le fruit du hasard, j’ai lu ce roman, il y a bien longtemps dans ma jeunesse, mais contrairement à Hermano il ne m’a pas laissé un souvenir émouvant par contre le titre est gravé dans ma mémoire pour toujours.
De même je n’ai pas pris au hasard le nom d' »Ortega », vous connaissez sans doute Daniel Ortéga…
Mon curé fictif est à l’image de l’ancien curé de Châtillon en Diois petit village de de la Drôme (il n’y en a plus maintenant…). Un brave homme et aussi un homme bien qui n’a pas été remplacé. J’ai simplement décontextualisé une situation ancienne : après l’enterrement de ma belle-mère, nous avions été ma femme et moi à la cure pour régler les frais de la cérémonie juste après le cimetière et nous avions trouvé le curé en train de déjeuner devant sa télé devant une émission de TF1 (ce qui était son droit, mais qui était en opposition avec le prêtre de la cérémonie).
Je suis d’accord avec Purana et c’est ce que j’ai voulu illustrer dans cette nouvelle, l’argent peut tout acheter…Même la sainteté ! Ce n’est qu’une question de prix.
La conclusion de son commentaire est très pertinent : « Et quand toutes les choses disparaissent, les saints restent Saints pour toujours sans que personne ne se soucie de ré-enquêter sur la question. »
J’avoue qu’elle a ouvert en moi un champ de réflexion que j’aimerais creuser.
Merci pour ce récit rondement mené ! Le suspense est ménagé à chaque étape à la façon d’un « page turner ». Ta plume est ironique et mélange avec bonheur terroir et ors du Vatican sur fond d’actualité brûlante. L’aspect documenté apporte de la crédibilité et permet au lecteur de plonger dans ton univers. Tes personnages sont solidement campés et le nom de Gigoletta est lui-même truculent. D’ailleurs j’aurais envie d’en savoir plus sur ce personnage qui devait être haut en couleurs! Le diable a du bien rire de ce coup magistral!