La guerre, c’est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas.

Paul Valéry

Vladimir Poutine soulève sa coupe de champagne ukrainien, puis il y trempe les lèvres, croque un gros cornichon aigre doux. Un délice !

Encore une bonne journée en perspective. Le président français vient de lui téléphoner comme hier.

Quel benêt ce garçon ! À chaque fois Vladimir l’écoute débiter ses propositions de médiation.

Il promet.

Cela ne coûte rien. Comme le disait son idole, le valeureux Staline : « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».

C’est un plaisir de voir tous ces prestigieux hommes politiques le menacer ou lui faire des courbettes, lui le petit colonel du KGB que l’on a longtemps méprisé.

Le président « Joe » le traite de dictateur alors qu’il a déjà un pied dans la tombe, le chancelier allemand lui fait les gros yeux alors qu’il a tant besoin du gaz russe. Et tous ces crétins qui le menacent avec leurs sanctions économiques. Il y a longtemps qu’il a assuré l’autosuffisance de la Russie.

Le Président chinois Xi Jinping lui assure sa sympathie espérant la neutralité de la Russie quand la Chine continentale commencera son opération de récupération de Taïwan.

Et tous ces médias occidentaux qui n’arrêtent pas de supputer sur ses intentions …

Il pense à son enfance à Leningrad. Il n’a que peu de souvenirs de son père et sa mère. Celui qu’il admirait le plus était son grand-père qui avait été le garde du corps et goûteur de Lénine, puis de Staline.

Il voudrait bien retrouver ses maitres d’école déclarant à ses parents qu’il était médiocre et bagarreur. Oh oui il était bagarreur ! Et il l’est encore, sinon il ne serait pas là, à la tête de la Russie ! Dès l’âge de 11 ans, il pratiquait la lutte russe, le sambo et le judo. Il est encore très sportif : tennis, ski alpin, équitation et natation.

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Sergueï ne comprend pas. Poutine avait dit que cela serait une opération éclair, qu’en une semaine maximum l’Ukraine serait libérée du gouvernement nazi et corrompu qui la dirige depuis plusieurs années. Et à la tête de cet État, les Occidentaux ont placé ce comique de Volodimir Zelenski. Véritable marionnette aux mains des capitalistes. Ce fantoche allait détaler dès que l’armée russe envahirait Kiev. Sergueï y avait cru, il était fier quand il avait reçu l’ordre de regagner la section B 12 dans laquelle il avait fait son service militaire.

Mais rien ne s’était passé comme prévu, Sergueï s’attendait à être acclamé comme un héros par le peuple frère ukrainien. Sergueï était frère à double titre avec les Ukrainiens, son père russe ayant épousé une Ukrainienne. De cette union était né deux garçons : Lubomir son frère et lui. Mais ce sont les aléas de la vie : ses parents avaient divorcé. Lui était parti à Moscou vivre avec son père russe pour faire ses études d’agronomie. Son frère, Lubomir, était resté en Ukraine avec sa mère et était devenu ingénieur. Cela avait été une véritable déception, non seulement les soldats russes n’avaient pas été acclamés en libérateurs, mais l’armée ukrainienne n’arrêtait pas de pilonner les colonnes de chars et de soldats russes. C’était explicable l’armée ukrainienne étant manipulée par les nazis de Kiev, mais cela avait été un véritable choc quand dans un village libéré une femme lui avait craché au visage.

Ce qu’il considérait au début comme une épopée s’était transformé en un martyre. Il avait découvert le visage hideux de la guerre : les villages en ruine, les cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants jonchant les routes, l’insupportable odeur de la mort. Et la mort partout, les camarades qui tombent sous les tirs des snippers, les chars qui explosent touchés par des missiles. À tout cela il fallait ajouter la nourriture, les munitions, l’essence qui ne suivent pas.

Quand Sergueï a le temps de penser, en grelotant de froid sous sa tente, il comprend enfin le bourrage de crâne de la propagande russe, aux mensonges de Poutine et des généraux. Une intervention spéciale pour libérer l’Ukraine ce pays frère… C’est devenu un véritable cauchemar : à chaque fois qu’il tire ou il retourne le cadavre d’un soldat ukrainien, il pense à son frère Lubomir.

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Lubomir ne comprend pas. Par quelle aberration les troupes russes viennent-elles attaquer l’Ukraine ? Lubomir connaît bien la Russie, en tant qu’ingénieur il s’y rend souvent et va voir à ces moment-là son père et son frère Sergueï.

Les événements qui se sont déroulés dans le Donbass et dans certains territoires de l’Est lui ont ouvert les yeux sur la politique de Poutine. L’annexion de la Crimée a été un choc.

Quand les médias ont signalé que Poutine avait massé 150 000 hommes à la frontière de l’Ukraine, il pensait comme le monde entier que c’était une gesticulation pour impressionner les Occidentaux et conforter l’annexion de la Crimée.

Maintenant il est trop tard l’opération spéciale a commencé et martyrise l’Ukraine.

Bien que Lubomir soit foncièrement pacifiste, suivant les directives de Volodimir Zelenski il s’est engagé dans les milices de défense du territoire. Malgré ses injonctions sa mère a refusé de quitter l’Ukraine pour se réfugier en Pologne.

La pauvre femme est désespérée : un fils russe, l’autre ukrainien amené à se tirer l’un sur l’autre. Lubomir a essayé de la rassurer en lui disant que les troupes de l’opération spéciale sont des soldats de métier. Mais il a vite compris que nombreux sont des appelés. Sa hantise est maintenant de se retrouver face à son frère… Il a l’espoir qu’il ait fui la Russie…

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Alexandre Mikheev, patron de Rosoboronexport, société publique russe chargée des ventes d’armements est ennuyé. Son bateau le Lady Anastasia, de 48 mètres de long et qui mouillait à Port Adriano, sur l’île de Majorque, été saisi par les autorités espagnoles. Il pense à ses propriétés à Chypre et sur la Côte d’Azur française…

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Volodimir Zelenski n’est pas mécontent il a pu prononcer un discours par vidéo devant l’Assemblée nationale et le Sénat français. Décidément ces événements lui ont permis de jouer le rôle de sa vie : un héros…

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 Sergueï Choïgou un peu gêné entre dans le bureau de Vladimir Poutine.

  • Vladimir je suis embêté, nous avons déjà 15000 morts.
  • Ce n’est pas le moment Sergueï, j’attends le dentiste, j’ai une rage de dents terrible… Sers-moi un verre de vodka.
  • Pourvu que le Français ne me téléphone pas encore…

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Le président Joe Biden remonte dans sa limousine blindée.  Il a plus en plus de mal à répondre aux journalistes. Il ne pensait pas que ce nabot de Poutine lui donnerait tant de mal…

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Le soldat russe est ennuyé il n’aime pas cette corvée, mais il doit obéir aux ordres.

Il tire de fermeture éclair du sac gris contenant le cadavre.

Il sort son crayon indélébile de la poche et inscrit : « Sergueï Louchenko ». Le chef a dit : pas d’étiquettes cela se détache trop facilement…

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Le milicien ukrainien se précipite sur les lieux de l’explosion de l’obus russe. Aucun survivant du commando parti attaquer la colonne de chars.  Des corps déchiquetés… Il se penche sur l’un deux, une identité cousue sur le treillis : « Lubomir Louchenko » …