Je n’ai aucune excuse !
Je traversai un passage tricolore, alors qu’il était au vert pour les voitures. Il faut dire que je n’étais pas là, je rédigeais un SMS, les yeux fixés sur mon portable.
Un choc, une douleur intense et je sombrai dans le néant.
Je me retrouvai dans un chemin de montagne, au bout une maison quasiment en ruine. Une force m’incitait à grimper.
Sur le seuil, une pancarte indiquait « Sonnez puis entrez ».
C’est ainsi que je me retrouvai dans un couloir humide, je continuai, puis sans vraiment savoir pourquoi, je frappai à une porte sur la droite.
Sans attendre, je rentrai.
Je me retrouvai en face d’un petit homme au teint jaunâtre, aux lunettes de myope, aux cheveux rares.
- Bienvenue au ciel, monsieur !
- Au ciel !
- Mais oui monsieur, vous êtes au ciel, car vous êtes mort et je suis l’ange chargé de gérer votre dossier.
- Mais je croyais que les anges étaient de beaux jeunes hommes avec des ailes blanches !
- Foutaise que cela ! Ce ne sont que des rêves d’enfants, d’ailleurs je n’existe pas, c’est vous qui croyez me voir sous cette apparence.
Interloqué, je restai muet.
- Ce n’est pas tout cela, trêve de tergiversation, bien que nous ayons l’éternité devant nous il ne faut pas pour autant perdre notre temps.
- Examinons votre dossier. Votre ange gardien l’a parfaitement rempli. Voyons les 7 péchés capitaux :
- La colère. Il précise que vous avez été toujours très calme.
- L’avarice. La liste de vos donations aux œuvres caritatives est impressionnante !
- L’envie. Bien que vous ayez vécu chichement toute votre vie, vous vous êtes contenté de ce que vous aviez.
- L’orgueil, je passe très vite, je ne vois pas de quoi vous auriez pu vous enorgueillir.
- La gourmandise. Oh ! votre vie a dû être bien triste…
- La paresse. Vous étiez enseignant, ce métier ne le permet pas vraiment.
- La luxure. Si j’ose utiliser cette boutade, ce péché aurait été un luxe pour vous.
- Voyons le reste !
Il parcourut lentement l’écran de son ordinateur.
- Parfait ! Si tous les dossiers étaient aussi simples que le vôtre…
À ce moment la sonnerie de son téléphone retentit.
Il décrocha, en écoutant, sans rien dire il hocha plusieurs fois la tête.
- À votre service, Mon Dieu, il en sera fait ainsi !
Je ressentis à nouveau une vive douleur et j’entendis dans le lointain :
- Tu peux arrêter le défibrillateur Albert, il revient à lui…
Le paradis serait donc sur terre !? Je m’en doutais un peu.
Bravo pour cette courte nouvelle et surtout pour sa chute qui m’a vraiment réjoui !
… et qui m’a rappelé un de mes propres textes (“Pas si seul“) que tu trouveras ici car il n’y a pas cette fois-ci de “Texte associé” :
https://oasisdepoesie.org/textes-dauteurs/nouvelles/hermano/pas-si-seul/
Je trouve vraiment ta nouvelle très réussie ! Merci Loki !
Merci Hermano ! Tu as bien fait de nous rappeler ton texte ! À l’époque, je m’étais délecté et aujourd’hui je l’ai relu avec le même plaisir.
Les nouvelles avec un peu d’humour sont toujours un régal pour moi.
Décidément, ce qui peut se passer après, notre mort, est une source d’inspiration inépuisable.
Comme personne n’en est jamais revenu, l’imagination peut s’en donner à cœur joie…
Comme on est parfait quand on rêve qu’on meurt ! Tellement parfait qu’on ne songe même pas à l’enfer, au paradis tout droit ! Mais le nouvel arrivant doit quand même subir l’ironie d’un Saint Pierre, ou d’un de ses sous-fifres, à la limite du mépris.
Quand on va rôder du côté du royaume des morts, on traîne notre lourd bagage chrétien chargé de culpabilité, à l’aune des sept péchés capitaux. Et attention surtout à la luxure et à la gourmandise !
Ton texte me rappelle une pièce de théâtre (je fais du théâtre en tout petit amateur), avec un final semblable, elle s’intitule “Jusqu’à ce que la mort nous sépare”. A la suite d’un accident de la route un couple se retrouve devant un tribunal céleste qui décortique leur vie, on y découvre tous les travers de l’humanité, finalement la femme, comme ton personnage, revient à elle. Une comédie caustique, comme ta nouvelle.
Je serais donc hypocrite si je disais que j’ai été surpris par la chute. Ce qui ne m’a pas empêché de prendre du plaisir à te lire.