Récit parfaitement fictif dont les personnages, à part un, n’ont jamais existé

Les deux hommes étaient en sueur et se reposaient, assis sur un banc dans la salle de sport.

Ils n’avaient pas ménagé leurs efforts au cours de l’entraînement.

Peu de gens avaient vu le pape François en tenue de sport et encore moins savaient qu’il avait été dans sa jeunesse videur dans une boîte de nuit. Malgré son âge avancé, le pape cherchait à maintenir sa forme en pratiquant discrètement un peu de boxe avec son secrétaire particulier. Évidemment, celui-ci, un abbé d’une trentaine d’années retenait ses coups et donnait ainsi au pontife l’impression de maitriser encore le sport de ses jeunes années. L’abbé Albino Nobili de Vezzano était au service du pape François depuis le début de son sacre.

Après de brillantes études, il avait hésité : intégrer l’entreprise de son père Prospero Nobili de Vezzano, d’une vieille famille noble florentine, propriétaire d’une chaîne de supermarchés couvrant toute la péninsule italienne, ou se faire prêtre. Il avait préféré entrer au séminaire laissant à son jeune frère Giovanni la charge de reprendre l’entreprise familiale. Mais un Nobili de Vezzano ne pouvait être un simple curé dans une petite bourgade de Calabre. Grâce aux relations de Prospero, il avait accédé très rapidement au Vatican et ses capacités certaines lui avaient permis d’être nommé secrétaire particulier du pape François.

Au début ce dernier, avait essayé de résister à cette nomination imposée par la Curie. Mais rapidement le charme et l’enthousiasme d’Albino l’avaient séduit. Il avait compris qu’il pourrait s’appuyer sur le jeune abbé pour assumer la lourde de tâche imposée par sa nomination au sommet de l’église catholique. Mais qu’on n’aille pas s’imaginer que la beauté d’Albino avait été le critère dominant du revirement du pape. Jorge Mario Bergoglio avait été un homme vigoureux très sensible à la beauté féminine et même à l’âge de 84 ans y était toujours sensible.

Il laissait cette autre tendance à certains de ses cardinaux d’autant plus que les années avaient calmé toutes ses ardeurs. Comme Albino lui servait également de Sparring-partners, il était satisfait d’avoir ce jeune abbé auprès de lui.

 Donc ils étaient assis sur un banc de la salle de sport vaticane.

La journée avait été éprouvante pour le pontife, la vie de pape n’est pas une sinécure…

Brusquement il s’assoupit !

 

***

 

 Dans son rêve Albino se tourna vers lui.

  • Très Saint-Père, il me vient une idée.
  • Une idée Albino ?
  • Oui ! Ne trouvez-vous pas que la bêtise prolifère dans le monde ?
  • Je suis d’accord Albino. Jamais elle n’a été aussi répandue. Je pense qu’elle atteint aussi bien les puissants que le commun des mortels.
  • Vous serez d’accord, Saint-Père, Internet avec les réseaux sociaux permet à cette pandémie de se développer encore plus vite.
  • Je suis d’accord ! Dans ces réseaux, l’opinion de n’importe quel imbécile a la même valeur que celle d’un prix Nobel. Et cette opinion stupide se répand alors comme une traînée de poudre ! Mais que faire ?
  • C’est là que réside mon idée ! Pour remédier en la croyance à la chose dite, faisons de la bêtise un péché capital. Les hommes seront obligés de réfléchir avant d’écrire n’importe quelle niaiserie.
  • Un péché capital !
  • Mais oui très Saint-Père ! Les croyants se détournent des péchés capitaux. Si nous faisions de la bêtise un péché, les chrétiens réfléchiraient et peut-être se détourneraient de cet outrage à Dieu. Bien que nous sachions tous deux que la bêtise n’est pas une tentation, mais un état de fait.

Peu convaincu, le pape décida malgré tout de réunir un conclave, avec pour objectif de savoir si l’église pouvait intégrer la bêtise comme un péché capital. Cette réforme était cruciale, car les catholiques représentent 1,329 milliards de baptisés. De plus elle affecterait sans aucun doute tous les chrétiens, premier groupe religieux au monde fort de 2,2 milliards de personnes. D’autre part les autres religions ne pourraient pas rester indifférentes à ce changement de canon.

 

Un conclave fut convoqué par le pape.

Le jour dit le collège cardinalier au nombre de 229 membres était réuni au complet dans la salle où avait eu lieu l’élection du pape. Elle n’avait pas été utilisée depuis son élection le 13 mars 2013.

 

La proposition du pape secoua l’assemblée des cardinaux. Toucher aux Saintes Écritures ! Leur première réaction fut une opposition à cette idée qui bouleversait leurs habitudes, mais le Saint-Père n’était pas un jésuite pour rien.

Habilement le pape François les informa qu’il était ouvert à toutes les propositions que les prélats voudraient bien lui faire.

Pour rationaliser les discussions, il lista les différentes options possibles.

  • Le conclave refusait tout changement.
  • On maintenait le nombre de péchés capitaux à 7, mais on substituait la bêtise à l’un d’eux.
  • On ajoutait un huitième péché.

Les cardinaux du vieux continent auraient bien retenu la première option, mais ils s’aperçurent vite qu’ils seraient minoritaires devant les cardinaux des autres continents, plus ouverts aux changements.  D’autant que Bergoglio était le premier pape issu des rangs de la Compagnie de Jésus, le premier issu du continent américain. Auparavant il était archevêque de Buenos Aires et de ce fait il pouvait compter sur l’appui d’un nombre important de cardinaux américains.

Le conclave examina alors la deuxième option :

La question était de savoir quel péché capital supprimer ?

Nous ne rapporterons que quelques interventions.

Le cardinal Ernesto Roberto Manual était partisan de supprimer la gourmandise. Ce qui fit rire discrètement un certain nombre de prélats, car le cardinal avait un important bidon indiquant son amour de la bonne chère.

 Le cardinal Karl ErnestSchlofer proposa de supprimer la luxure. Cela n’étonna pas le conclave, car il était de notoriété publique qu’il fréquentait discrètement certains bordels huppés de Rome !

Le cardinal Urbano Roncalli sortit quelques instants de sa somnolence pour demander la suppression de la paresse.

La colère, l’avarice, l’envie, l’orgueil, la gourmandise, la paresse, la luxure.

Les cardinaux passaient en revue chacun des péchés. Ils y en avaient toujours quelques-uns pour s’opposer à sa suppression.

Après plusieurs heures de discussion, la fatigue aidant, les prélats décidèrent à la satisfaction du pape François d’ajouter un huitième péché capital !

L’assentiment du conclave obtenu le pape demanda à son secrétaire particulier l’abbé Albino Nobili de Vezzano de rédiger la bulle qui allait intégrer la bêtise dans les Saintes Écritures.

La réforme allait pouvoir transformer le monde chrétien. L’intelligence triompherait de la bêtise.

Mais comme chacun le sait, les voies du seigneur sont impénétrables et une vive réaction mondiale se mit en marche.

D’abord par l’intervention de Karalko « chef d’État » de l’Église orthodoxe russe, premier patriarche de Moscou. Il envoya un émissaire à Rome. Celui-ci expliqua au pape que les services secrets russes avaient eu vent de la bulle. Vladimir Poutine avait convoqué Karalko et s’était dit « préoccupé » par cette inscription de la bêtise dans les péchés capitaux.

Comment diriger un pays d’une façon efficace si le nombre d’imbéciles diminuait brusquement ?

 Les États-Unis réagirent de la même façon. Le cardinal William Mac’Obrien de Chicago demanda une audience au pape. Pour lui expliquer que même en démocratie cette bulle créerait un obstacle au bon fonctionnement de l’état.

Un diplomate diligenté par l’Europe porta également à Sa Sainteté le même message. Bientôt le Brésil, l’Inde, la Chine firent de même.

Devant l’unanimité de ces réactions, le pape François se sentant acculé convoqua l’abbé Albino Nobili de Vezzano.

***

Le pape en transe se réveilla et devant les yeux ébahis de son secrétaire, il hurla :

  • Mon bon Albino tu peux déchirer ta bulle, elle n’est plus à l’ordre du jour !